Apostasie

Apostasie

 Réflexions autour de l’apostasie - « L’apostasie » décrite aux Thessaloniciens est l’aboutissement d’un processus qui a mis du temps à parvenir à son terme, comme un arbre qui arrive à maturation, qui plonge ses racines jusque dans les débuts du monde.

Rappel : la définition du mot grec « apostasia » est « Action de s’éloigner de, défection, désertion ». Par extension : abandon d’une religion, d’une doctrine[1]. L’apostasie est prophétisée par l’apôtre Paul comme étant le signe précurseur de l’avènement de l’Antichrist, qui entraînera le monde dans sa chute finale. « 1Pour ce qui concerne l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et notre réunion avec lui, nous vous prions, frères, 2de ne pas vous laisser facilement ébranler dans votre bon sens, et de ne pas vous laisser troubler, soit par quelque inspiration, soit par quelque parole, ou par quelque lettre qu’on dirait venir de nous, comme si le jour du Seigneur était déjà là. 3Que personne ne vous séduise d’aucune manière ; car il faut que l’apostasie soit arrivée auparavant, et qu’on ait vu paraître l’homme du péché, le fils de la perdition, 4l’adversaire qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu » (2 Thessaloniciens 2).

Comprendre l’apostasie : 3 principes.

1. Pour apostasier de la foi, il faut avoir eu la foi : l’apostasie dont parle Paul concerne donc premièrement la sphère des croyants;
2. L’apostasie n’est pas un évènement eschatologique, c’est un processus, dont le registre est forcément assez large, puisqu’il est progressif, et qui regroupe des situations qui vont de la simple rupture de confiance au reniement complet, qui est un point de non-retour. En amont de ce point, le repentir est possible. En aval, dans son stade terminal, l’apostasie peut mener à la marque de la Bête.
3. L’apostasie est une séduction : il est possible de conserver l’apparence de la piété, tout en étant dans un état de rejet des fondements, comme l’explique Paul à Timothée[2].

L’âge de l’apostasie.

L’apostasie de la fin est l’apogée d’un phénomène qui est en action dans la sphère de la foi depuis le début, et qui consiste en un relâchement, un désintérêt ou une désaffection pour la Vérité. Sont révisées à la baisse : les exigences de la consécration, de la séparation du péché, du rejet du Monde, du renoncement à soi-même.

Ce sont des temps où la sainteté biblique diminue et le légalisme augmente. Ce recul qui précède un abandon transforme les attentes religieuses du peuple et les enseignements en sont impactés : « Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables » (2 Timothée 4 v. 3 et 4).

Les temps d’apostasie sont des temps de confusion et de mélange, où la religion prime sur la relation, la crainte des hommes prime sur la crainte de l’Éternel, et où la psychologie et le développement personnel se substituent au conseil de l’Esprit. En toute logique, les faux prophètes prolifèrent, faux ouvriers, faux docteurs, faux apôtres[3], faux prophètes, faux frères, et même des antichrists, sont parmi les ouvriers de la moisson.

« Je sais qu’il s’introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et qu’il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux » (Actes 20 v. 29).

« Car nous ne falsifions point la parole de Dieu, comme font plusieurs » (2 Corinthiens 2 v. 17).

« Petits enfants, c’est la dernière heure, et comme vous avez appris qu’un antéchrist vient, il y a maintenant plusieurs antéchrists: par là nous connaissons que c’est la dernière heure » (1 Jean 2 v. 18).

On pourrait donner ici l’image d’un cancer qui se développe lentement et finit par se généraliser. Lorsque l’apôtre Paul dit qu’il faut que « l’apostasie » soit arrivée, il faut comprendre qu’il s’agit de « LA » apostasie, c’est-à-dire que le processus est arrivé à maturité complète.

Le crépuscule prophétique du judéo-christianisme.

Ce qui fait toute la force de la description prophétique de Paul concernant la fin, c’est qu’elle s’inscrit à contre-courant de toute logique : si les chrétiens de son époque étaient plutôt enclins à penser que la fin était proche[4], elle s’inscrivait selon eux dans une glorification. Ils s’attendaient à ce que le Seigneur paraisse et détruise leurs ennemis. En gros : que le christianisme allait triompher.

C’est pourquoi Paul recadre cette vision au début de la deuxième lettre aux Thessaloniciens, en décrivant un état du christianisme crépusculaire : l’apostasie, c’est-à-dire tout le contraire de ce qui était imaginable. Au cours de ses deux lettres à Timothée, l’apôtre Paul reviendra encore sur l’environnement de l’apostasie, et sur sa présence dans le cadre de la fin, sans forcément la nommer :

« Mais l’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience, prescrivant de ne pas se marier, et de s’abstenir d’aliments que Dieu a créés pour qu’ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité » (1 Timothée 4 v. 1).

« Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l’argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, emportés, enflés d’orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force » (2 Timothée 3 v. 2 à 5).

Ces déclarations reprennent fidèlement un aspect des déclarations prophétiques de Jésus, à propos de la fin :

« Car plusieurs viendront sous mon nom, disant : C’est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens. … Mais ce ne sera pas encore la fin. … 8Tout cela ne sera que le commencement des douleurs. … 11Plusieurs faux prophètes s’élèveront, et ils séduiront beaucoup de gens. 12Et, parce que l’iniquité se sera accrue, la charité du plus grand nombre se refroidira. 13Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Matthieu 24 v. 5 à 13).

« Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18 v. 8 – il s’agit de la foi donnée en exemple de la veuve obtenant justice du juge inique, par son insistance).

Les partisans de l’eschatologie victorieuse (très présente dans le dominionisme) sont évidemment gênés par ce pan de la vision prophétique de la fin des temps. Et on les comprend. Ils préfèrent nous parler des vagues de réveil qui vont balayer le monde, de l’arrivée prochaine de la gloire de Dieu (qui va bien sûr remplir les églises), et nous annoncer de manière imperturbable, année après année, « le temps de la restauration », ou « la pluie de l’arrière-saison ». Ils feraient sans doute mieux de s’intéresser à l’apostasie, qu’ils ont reléguée dans un angle mort de leur programme de messages, et pour cause.

Un long processus.

La prophétie confiée à l’apôtre Paul et transmise aux Thessaloniciens pourrait laisser penser que « l’apostasie » est un pur produit des derniers temps, et qu’elle fait son apparition juste avant une offensive généralisée de l’antiChrist, comme une carte qu’il sortirait de sa manche pour une ultime tentative de contrôle généralisée.

Mais rien n’est plus faux. « L’apostasie » décrite aux Thessaloniciens est l’aboutissement d’un processus qui a mis du temps à parvenir à son terme, comme un arbre qui arrive à maturation, qui plonge ses racines jusque dans les débuts du monde. Parce que finalement, ce qui s’est passé dans le jardin d’Eden relève du principe de l’apostasie : « Action de s’éloigner de, défection, désertion, abandon ». Peu importe la façon dont s’est matérialisée la rupture (par la tentation du serpent), la forme (la désobéissance), le moyen (le fruit défendu), ce qui compte c’est de retrouver cette divergence, cette défection et cet abandon d’une position entière qui était tournée vers Dieu et qui se tourne alors vers l’homme. Et la mort est entrée dans le monde (Romains 5 v. 12).

« Ainsi parle l’Éternel: Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme, qui prend la chair pour son appui, et qui détourne son coeur de l’Éternel ! » (Jérémie 17 v. 5).

L’influence de cette divergence d’avec Dieu tire probablement son origine du Diable, le père du mensonge, ayant lui-même apostasié comme le laissent entendre certains passages de l’Ancien Testament, qui nous disent par exemple que « Dieu a trouvé de la folie chez ses anges » (Job 4 v. 18) et que l’iniquité s’est trouvée dans l’un d’entre eux (Ezéchiel 28 v. 15).

Le principe de l’apostasie a été omniprésent dans toute l’histoire d’Israël, et c’est lui qui a fini par le détruire. Et ce n’est pas un petit détail de constater que ce terrible résultat n’a pas été le fait d’un ennemi extérieur (pourtant nombreux) mais intérieur.

L’apostasie rampante traverse les périodes, et plus l’homme place sa confiance dans l’homme, et plus elle triomphe. La confusion de la fin des temps est une conséquence du recul de la vraie foi, de la foi originelle, et provoque comme toujours une démultiplication de l’idolâtrie.

L’antidote.

L’apostasie est un produit du religieux. Elle ne peut affecter que le corps des croyants qui adhèrent à des valeurs, mais pas à une Personne Toute-Puissante, car si c’était le cas, ils seraient prosternés devant Lui en tout temps, quelle que soit sa volonté.

L’apostasie ne peut pas concerner une personne qui a reçu un cœur nouveau. Cette expérience est la résultante de la vraie repentance, qui consiste moins à reconnaître une liste de péchés qu’à prendre conscience qu’on a depuis toujours usurpé la place du Créateur, que notre néant a nié sa réalité, ou encore qu’on a considéré que l’être humain est au même niveau que le Divin. Aussi longtemps que ces choses ne meurent pas, le cœur nouveau ne pourra se former. On prendra des expériences émotionnelles pour des onctions ou même des nouvelles naissances, mais ce ne seront que des nuées sans eau.

Le lit de l’apostasie, c’est la religion, c’est-à-dire une gestion humaine du divin (expression horrible mais hélas vraie), qui est une idolâtrie qui ne dit pas son nom. Parce que ce divin-là est au service de l’humain. Ceux qui abandonnent Jésus dans Jean 6 v. 66 n’avaient pas fléchi le genou devant lui, mais admiraient sa puissance ; ils n’avaient pas reconnu la voix du Père en lui.

La promesse du Dieu vivant, c’est de donner un cœur nouveau. Et ce cœur nouveau se forme en nous — vient à la vie — lorsque Jésus est reconnu comme le Sauveur ET le Seigneur de tout. Lorsque prennent fin toutes les discussions, toutes les contestations du cœur naturel, tous les calculs de la chair. Le Père cherche des adorateurs en esprit et en vérité : ceux-là ne peuvent pas apostasier — ils seraient séduits … si c’était possible. Mais ça ne l’est pas.

 

[1] Encyclopedia Universalis

[2] 2 Timothée 3 v. 5 : « les hommes auront l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force ».

[3] 2 Corinthiens 11 v. 13 à 15 : « Ces hommes-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ ».

[4] 1 Pierre 4 v. 7 : « La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sages et sobres, pour vaquer à la prière ».

© Diffusé avec l'aimable autorisation de Jérôme Prekel - www.lesarment.com

 

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