Une spiritualité de spectacle

Une spiritualité de spectacle

Suivre le crucifié, non le Jésus américanisé - Les disciples de Jésus devraient rejeter radicalement une spiritualité de spectacle pour impressionner les gens — que ce soit dans leur manière de donner, de prier, de jeûner ou de servir Dieu de quelque manière que ce soit.

La relation de l’Église avec la culture générale est une problématique forte depuis que Jésus a commencé son ministère. Aujourd’hui, c’est la culture occidentale qui domine notre paysage. Et du fait que les États-Unis exercent une influence considérable — au travers du pouvoir économique et politique, du cinéma et de la musique, de la technologie et des communications — ils ont influencé la culture occidentale et le reste du monde dans une mesure disproportionnée.

« Américaniser » quelque chose, c’est « faire acquérir les caractéristiques américaines ou amener à s’y conformer » ou « amener quelque chose sous l’influence politique, culturelle ou commerciale des États-Unis »[1]. Au sein de l’Église, américaniser Jésus, c’est le suivre parce qu’il rend ma vie meilleure et plus agréable. Même si vous êtes d’un pays extérieur aux États-Unis, les traces de ce Jésus américanisé peuvent se retrouver dans les églises du monde entier, depuis l’Afrique jusqu’à l’Asie, en passant par l’Europe et l’Amérique latine, sans oublier le Moyen-Orient, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Le gros problème, c’est que la plupart d’entre nous, nous sommes tellement immergés dans la culture occidentale, voire américaine, qu’il nous est difficile de reconnaître à quel point notre vision de Jésus est véritablement américanisée. Ce qui le rend particulièrement difficile à repérer, c’est qu’il a l’air très bien, très bon, et qu’il fait beaucoup de bien. Du moins, c’est ce que nous pensons.

Suivre un Jésus américanisé, cela revient à quoi ?

Jésus n’a ouvertement expliqué à ses disciples la centralité de la croix dans sa vie et dans sa mission qu’à mi-parcours de son ministère. L’Écriture rapporte la réaction horrifiée de Pierre : « Pierre, l’ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit : À Dieu ne plaise, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas. Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : Arrière de moi, Satan ! tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes » (Matthieu 16 v. 22).

À ce stade, Pierre ne comprend que la moitié de l’Évangile. Comme beaucoup d’entre nous, il est centré sur le Christ, mais non centré sur la croix. Pierre a une immense estime pour Jésus comme Messie. Il est captivé par lui en tant que thaumaturge (qui fait des miracles), Sauveur triomphant. Pierre désire sincèrement suivre Jésus — d’ailleurs il a tout quitté pour le suivre. Mais il veut suivre un Jésus qui évite la croix, au lieu de la prendre sur lui [prendre la croix, finalement, signifie prendre le chemin de sa mort, marcher vers la mort].

Pierre s’accroche à des idées fixes, issues de sa culture, sur la façon dont l’action de Dieu dans le monde doit se dérouler — et ces idées ne laissent aucune place à l’exécution de Jésus. Néanmoins, Jésus veut emmener Pierre sur un parcours spirituel plus profond, même si tout chez Pierre résiste à la souffrance et à la douleur que cela implique.

Alors Pierre se positionne face à Jésus, lui intimant … d’arrêter de dire n’importe quoi. Jusqu’à ce jour, suivre Jésus a donné à Pierre une impression de puissance, de maîtrise des choses et d’influence supérieure sur les évènements et les gens. Il commence à comprendre que ça va changer. C’est pourquoi il reprend Jésus en lui disant ce qu’il a à faire.

La réaction de Jésus est viscérale et immédiate ; il dit à Pierre : « Arrière, Satan ! » Ensuite il choque encore plus les disciples quand il dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Matthieu 16 v. 24). Non seulement Jésus dit clairement que sa mort sur la croix est indispensable pour l’expiation de nos péchés, mais il appelle chaque disciple à adhérer à un mode de vie inspiré de la crucifixion.

Jésus recadre pour les Douze la nature de la réalité, la résumant dans cette affirmation : « Ce qui est en haute estime parmi les hommes, Dieu l’a en horreur » (Luc 16 v. 15). « En horreur » est une expression extrêmement forte pour qualifier sur ce que Dieu ressent sur les choses que nous avons tendance à porter aux nues. Il sait que ce que nous comprenons de ses voies est non seulement trop minuscule et trop superficiel, mais également déplacé et inversé.

Cruci-centrés.

La question devient alors : « Que signifie pour nous être cruci-centés, c’est-à-dire suivre Jésus crucifié, dans notre contexte et à ce moment de l’histoire » ? Le meilleur moyen d’avoir une réponse à cela, est de mieux comprendre le contraste entre ce que Jésus a enseigné et montré de la vie de disciple, et ce que les religieux de son temps ont enseigné et montré. Autrement dit, faire la distinction entre la vie de disciple selon le monde et la vie de disciple selon Jésus. Elle se résume par une remise en question de quatre voies mondaines habituelles :

  • Être populaire,
    Être important,
    Avoir du succès,
    Éviter la souffrance et l’échec.

Le disciple selon Jésus va récuser la popularité, récuser la soif de grandeur, récuser l’obsession de la réussite, et accepter la souffrance et l’échec.

Jésus a refusé d’agir afin d’être admiré ou aimé.

Le désir d’être populaire imprégnait si profondément les cultures populaires et religieuses du 1er siècle que Jésus a interpelé publiquement les pharisiens et les spécialistes de la Loi en disant : « Dans tout ce qu’ils font, ils agissent pour être vus des hommes » (Matthieu 23 v. 5). Par ailleurs, les disciples de Jésus devaient rejeter radicalement une spiritualité de spectacle pour impressionner les gens — que ce soit dans leur manière de donner, de prier, de jeûner ou de servir Dieu de quelque manière que ce soit.

Je vais être aussi clair que possible : Jésus a dénoncé toute initiative que dénote peu ou prou la quête de l’approbation ou de l’admiration d’autrui. Nous devons laisser tomber toute démarche et toute aspiration à être remarqué de quelqu’un d’autre, que ce soit par l’édification d’une œuvre chrétienne plus grande et qui sorte du lot, par l’accumulation de plus d’argent ou de plus de biens matériels, ou par l’avancement d’un plan de carrière.

Jésus connaissait les faiblesses du cœur humain ; il savait que le désir d’impressionner les autres serait une tentation constante. Il disait aux leaders religieux : « D’ailleurs comment pourriez-vous parvenir à la foi, alors que vous cherchez à être honorés les uns par les autres et que vous ne recherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jean 5 v. 44). Il savait que le désir d’être renommé avait empoisonné leur foi et leur pouvoir. Il savait aussi qu’il avait le potentiel d’empoisonner aussi la vie de disciple de ses adeptes.

Nous nous plaisons à penser que nous sommes au-delà des aspirations à la popularité à laquelle tenaient les chefs religieux du temps de Jésus. Mais la plupart d’entre nous, nous attachons beaucoup plus de prix que nous l’imaginons à ce que pensent les autres.

Souvent, notre aspiration à être remarqué et à être bien vu par les autres est si ancrée et si inconsciente qu’il peut être difficile de la reconnaître pour ce qu’elle est. Et pourtant elle émerge sous des angles subtils, mais reconnaissables. Par exemple dire oui quand on aimerait mieux dire non, refuser de s’exprimer ouvertement parce qu’on ne veut pas « mettre le bazar », ou garder le silence sur nos préférences et nos souhaits de peur de ce que les autres pensent.

Dans mes premières années de ministère, mon envie d’impressionner les autres m’a conduit à prendre des décisions bien en dehors des projets et de la programmation de Dieu pour notre église. Quand d’autres œuvres paraissaient se développer rapidement, je ne voulais pas qu’on me prenne pour un raté, et donc je lançais des projets et même des églises avant que nous soyons prêts. Et comme ces nouvelles initiatives avaient besoin de leaders, je lançais prématurément les gens dans des responsabilités (vous imaginez bien ce que ça a pu donner…).

… Il est cependant important de relever que Jésus ne dit rien contre l’aspiration humaine fondamentale à être bien vu, mais il la réoriente. Il veut que ce désir soit en nous redirigé vers le Père … Nous devons nous satisfaire d’être populaires aux yeux de Jésus seul.

Peter Scazzero, extrait de « Devenir un disciple émotionnellement sain », éditions Excelcis.
© Diffusé avec l'aimable autorisation de Jérôme Prekel - www.lesarment.com

 

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