Soumission aux autorités injustes
Le chrétien doit-il être soumis aux autorités quand elles sont injustes ou incohérentes ? - Il existe toujours mille raisons rationnelles de ne pas obéir, à chaque fois que la contrainte va à l’encontre de nos intérêts personnels.
Ces deux dernières années, j’ai entendu cette question posée dans la sphère chrétienne un plus grand nombre de fois qu’au cours des trente dernières années. Et les réponses apportées sur les forums, dans les discussions ici ou là, ont de quoi surprendre. Dans une grande partie des cas, une forme de pragmatisme spiritualisé semble avoir pris le pas sur la position traditionnelle, dans une question qui fait débat depuis toujours, mais qui a trouvé à se renforcer durant la crise Covid.
Une question de prisme.
Le meilleur moyen de passer à côté de la question, c’est de se tromper de prisme. Mais si nous choisissons le bon, celui du ciel, alors nous avons des chances d’atteindre la pensée de Dieu : nous sommes des habitants du monde, mais surtout des citoyens du Ciel, puisque nous sommes assis en Christ, qui siège à la droite du Père. Si notre position est en Christ (et si quelqu’un n’est pas en Christ …) alors nous sommes en mesure de regarder les choses et les évènements depuis une position élevée, stable et sûre. Et de les comprendre de l’éternel vers le temporel, et pas le contraire.
Ces chrétiens-là ne peuvent être que les défenseurs de tous les principes présentés dans les Écritures (c’est cela l’amour de la vérité) et particulièrement le principe de soumission à l’autorité, qui est remis en cause aujourd’hui par beaucoup de croyants qui se veulent réalistes ou se disent « éveillés ». Le sujet est important car dans le plan de Dieu, ses enfants sont appelés à exercer son autorité « tout ce que vous lierez … tout ce que vous délierez » (Matthieu 18 v. 18). Or on ne confie l’autorité qu’à des personnes qui ont accepté elles-mêmes de se soumettre à tous ses principes. La soumission à l’autorité n’est pas une option de la vie chrétienne, qu’on aménage à sa guise, en fonction de ses propres évaluations. Ceux qui disent être soumis à Dieu, et qui ne reconnaissent aucune autre autorité, s’abusent eux-mêmes.
Si nous ne sommes pas en mesure de respecter les autorités que nous voyons, comment ferons-nous pour respecter celle que nous ne voyons pas ? La rébellion est un signe de la culture du monde, un marqueur qui était en nous, et dont nous nous sommes débarrassés en venant à Christ (Ephésiens 2 v. 2). Normalement.
L’objection de l’injustice.
Est-il nécessaire que les autorités établies par Dieu, roi, président, gouverneur, magistrat, juge, policier soient justes et irréprochables pour que le chrétien leur obéisse ? Nous pouvons répondre qu’au plan des principes, il ne semble pas que la Parole de Dieu demande par exemple à la femme d’être soumise à son mari seulement s’il est juste, irréprochable et cohérent dans ses décisions. Sinon on ne dirait pas « Femmes, soyez de même soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n’obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes … » (1 Pierre 3 v. 1). Il en est de même pour les enfants à l’égard de leurs parents, mais aussi pour les serviteurs à l’égard de leurs maîtres « au caractère difficile » (1 Pierre 2 v. 18). Il en est de même également des esclaves et de leurs maîtres : « Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude regardent leurs maîtres comme dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés » (1 Timothée 6 v. 1). La soumission à l’autorité, même injuste, peut représenter une opportunité de témoignage.
Les pensées qui nous soufflent des scénarios absurdes ou dramatiques, vers lesquels pourraient nous conduire l’obéissance à la Parole de Dieu, sont tous mensongers.
Invoquer l’exemple de la soumission servile à l’autorité de la part des complices d’un génocide, pour prouver la légitimité de l’esprit de révolte, est un sophisme. Car pour le chrétien né de nouveau, le respect du principe de l’obéissance à l’autorité ne mène ni à la servilité, ni à la complicité de meurtre, ni à la stupidité, mais à la bénédiction de celui qui est le rémunérateur de la foi (Hébreux 11 v. 6). C’est le chemin que Jésus lui-même a suivi : « il a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Hébreux 5 v. 7). Parce que se soumettre coûte toujours quelque chose. Il aurait très bien pu contester les autorités, jusque devant Pilate : « Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier, et que j’ai le pouvoir de te relâcher ? Jésus répondit : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jean 19 v. 10 et 11).
Soumis à la volonté de Dieu, chef d’un royaume qui n’est pas de ce monde, il n’a pas remis en question les autorités, ni leur pouvoir — qu’elles tiennent de Dieu. Certains argueront que Jésus était en quelque sorte obligé de passer par là, pour aller à la croix. Mais nous trouverons le même positionnement chez Paul, par exemple, qui en appelle à César et à son autorité (Actes 25 v. 15), alors que nous pouvons penser qu’il n’en a nul besoin. Et lorsque sa vie a été menacée, il n’a pas varié, parce que le principe divin a pour lui plus d’importance que son intérêt. Il lui aurait pourtant été facile d’user de sa considérable influence pour ouvrir une brêche théologique contre les autorités iniques et antichrist, appeler à leur désobéir, et donc à s’y soustraire. Au contraire, ayant écrit Romains 13, il est allé au martyre, sur le chemin de la soumission à l’autorité du pouvoir temporel. Il n’a pas considéré que son statut d’apôtre de Jésus, ou l’élévation de sa révélation prophétique, l’exonérait. Parce qu’il était assis dans les lieux célestes. Et c’est bien ce qui manque au christianisme investi par l’esprit de rébellion qui agite le monde.
Le chemin facile de la désobéissance.
Il existe toujours mille raisons rationnelles de ne pas obéir, à chaque fois que la contrainte va à l’encontre de nos intérêts personnels et qu’elle se heurte à nos peurs nombreuses. On se met en mode « raisonnement » et « calcul », et la messe est dite rapidement ! Et la focalisation sur l’injustice des situations permet toujours de trouver ce qu’on cherche, c’est-à-dire de quoi légitimer la désobéissance. Une ruse vieille comme le monde.
Mais ce n’est pas de cette manière que devrait raisonner le chrétien qui vise à suivre le modèle de Christ, ou d’être l’imitateur de Paul (1 Corinthiens 11 v. 1). Choisir de refuser de se soumettre à l’autorité, lorsque nos intérêts en souffrent, c’est le chemin facile. Tandis qu’une soumission librement consentie, par motif de conscience à l’égard du conseil divin et par amour de la vérité, est une occasion d’afficher notre foi dans la Parole de Dieu, qui est plus grande que notre foi en nous-même. Le caractère confiant (en Dieu) de la soumission à l’autorité fait partie des œuvres préparées d’avance (Ephésiens 2 v. 10) par lesquelles les incroyants, constatant le témoignage chrétien, glorifient notre Père qui est dans les Cieux (Matthieu 5 v. 16). Car tous savent que la soumission relève d’une mentalité qui n’est pas celle du monde. C’est le même principe qu’aimer ses ennemis.
Contrairement à ce que prétendent certains chrétiens, il faut bien plus de courage pour obéir que pour désobéir. Il n’y a pas de meilleur moyen spirituel de stériliser le témoignage que de cultiver un esprit de désobéissance et une conception personnelle et humaniste de la justice.
Ce que dit l’Esprit au croyant, clairement.
Si vous lisez Romains 13 v. 1 à 7 et 1 Pierre 2 v. 13 à 17 en y cherchant la moindre possibilité d’affirmation de la liberté individuelle face aux autorités, vous allez vous heurter à un mur qui monte jusqu’au ciel. Parce que le principe de soumission y a été gravé d’une manière si claire que même un enfant pourra le comprendre. Et si cette lecture vous irrite, c’est que le conflit avec « ce qui est écrit » est peut-être plus avancé dans votre esprit que vous l’imaginez.
Avant de lire ces deux passages, remémorez-vous qu’ils ont été écrits à des chrétiens qui vivaient sous la tutelle de Rome, dont ni Pierre ni Paul n’ignoraient le caractère antichrist.
« Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. Ce n’est pas pour une bonne action, c’est pour une mauvaise, que les magistrats sont à redouter. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais-le bien, et tu auras son approbation. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience. C’est aussi pour cela que vous payez les impôts. Car les magistrats sont des ministres de Dieu entièrement appliqués à cette fonction. Rendez à tous ce qui leur est dû : l’impôt à qui vous devez l’impôt, le tribut à qui vous devez le tribut, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur » (Romains 13 v. 1 à 7).
« Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien … Honorez tout le monde ; aimez les frères ; craignez Dieu ; honorez le roi. Serviteurs, soyez soumis en toute crainte à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et doux, mais aussi à ceux qui sont d’un caractère difficile » (1 Pierre 2 v. 13 à 18).
Ces recommandations bibliques viennent évidemment heurter la conception de la liberté individuelle de l’homme naturel et particulièrement celle de l’homme naturel moderne, dont la mentalité vient obscurcir la compréhension des principes spirituels qui les dictent. Car l’exhortation que le Saint-Esprit nous adresse est limpide : « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu … ils sont des serviteurs de Dieu ». On ne parle pas des hommes qui les incarnent, mais des fonctions qui structurent la société. Roi, président, gouverneur, juge, magistrat, policier, chef : toute autorité établie parmi les hommes doit être honorée « comme pour le Seigneur » : « Serviteurs, obéissez en toutes choses à vos maîtres selon la chair, non pas seulement sous leurs yeux, comme pour plaire aux hommes, mais avec simplicité de coeur, dans la crainte du Seigneur. Tout ce que vous faites, faites-le de bon coeur, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage pour récompense. Servez Christ, le Seigneur » (Colossiens 3 v. 22 à 24).
Alors que le raisonnement de l’homme naturel est le suivant :
« Ça se voit comme à l’œil nu que ceux qui gouvernent ne sont pas des altruistes et qu’ils cherchent leur propre intérêt. Même Jésus le dit : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent » (Marc 10 v. 42). Si ces autorités venaient de Dieu, le monde serait plus juste. Et surtout Dieu nous donnerait des autorités qui respectent la foi. C’est absurde de croire que des autorités antichrist viennent de Dieu ! Ou que des magistrats athées sont des serviteurs de Dieu. Paul et Pierre se sont donc trompés. Il est manifestement impossible (ou insensé) que Dieu nous demande de nous soumettre à ces autorités-là, et à leurs décisions iniques, auxquelles nous avons le devoir de nous opposer. Actes 5 v. 29 dit clairement qu’il faut parfois désobéir aux autorités.
Dans Marc 10 v. 42, le sujet de Jésus était l’éthique de l’exercice du pouvoir, afin d’écarter les disciples du modèle terrestre, pour entrer dans son imitation : dehors, les grands dominent : il n’en sera pas de même parmi vous. Quiconque veut être grand (diriger les autres) sera le serviteur de tous ». Ce qui conduira à une autre expérience de soumission à l’autorité : « soumettez-vous aux anciens » (1 Pierre 5 v. 5) et « soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ » (Ephésiens 5 v. 21).
Quant à Actes 5 v. 29, c’est effectivement la seule entorse au principe de soumission aux autorités qu’on trouve dans le NT. Mais cet épisode concerne la prédication de l’évangile, à savoir la proclamation que Christ est vivant (ressuscité). Mais cela ne concerne PAS les libertés individuelles (et notamment celle de rébellion à l’autorité), auxquelles les enseignements bibliques nous préparent, de toute manière, à renoncer : à notre vie, et en acceptant même l’injustice « si quelqu’un te prend ta tunique … si quelqu’un te frappe sur la joue gauche… » (Luc 6 v. 29).
Le Saint-Esprit ne peut se déjuger, d’un auteur à l’autre, sur un seul et même sujet. Opposer les versets les uns aux autres est un piège, les contester relève de la séduction.
La fin du monde commence avec la fin de la soumission à l’autorité.
La culture du monde, c’est la révolte et la rébellion (de manière à la fois verticale et horizontale), et la culture du royaume de Dieu, c’est la soumission et l’obéissance à la Parole révélée du Seigneur, de manière verticale et horizontale (la soumission à Dieu, les uns aux autres, aux autorités instituées par Dieu). Telles sont les deux influences qui sont constamment en conflit dans le monde, parce que le corps de Christ incarne la contradiction avec les principes du monde, au prix de sa vie parfois.
Je suis soumis à l’autorité parce que ma confiance sereine dans la direction de Dieu et dans son autorité me le permet. Les craintes qui agitent le monde ne m’affectent pas. Même si ma vie bascule dans l’épreuve ou l’injustice, je sais que Dieu est aux commandes. Et même si je dois affronter le pire, je sais que cela me rapprochera du meilleur. Que l’on parle de Pilate ou de l’antichrist, ils ne peuvent agir que dans le cadre qui leur a été assigné par Dieu, qui veille sur moi. Il ne peut rien m’arriver : « que me fera l’homme » (Hébreux 13 v. 6) si je suis au service de l’Éternel ?
Pour l’esprit du monde, le principe de soumission est une marque de faiblesse, de servilité, c’est pourquoi la révolte et la rébellion sont souvent les clés de conquête d’une meilleure liberté, d’un élargissement de son royaume.
Conclusion : l’avènement de l’anomie.
La déchristianisation du monde — et la perte de certaines valeurs essentielles à l’intérieur du monde encore chrétien — font émerger un individualisme de plus en plus grand. Les hommes et les femmes dans le monde, ayant perdu le récit commun (leur origine en tant que créatures voulues par Dieu) et n’ayant plus de drame fondateur commun (la Chute, le Déluge) n’ont plus d’ennemi commun (le péché, le prince de ce monde, le monde) ni de menace finale (fin du monde). Le monde est entré dans un autre paradigme, construit par le seul réel esprit de complot contre l’humanité qui travaille sans relâche à ce dessein depuis le jardin d’Eden, pour produire l’anomie.
Ce concept défini par Durkheim (en 1897) décrit une situation sociale caractérisée par la perte ou l’effacement des valeurs (morales, religieuses, civiques) et le sentiment associé d’aliénation et d’irrésolution. Un tel recul des valeurs conduirait à la destruction de l’ordre social : les lois et les règles ne seraient plus observées (crise de confiance) et ne garantiraient plus la régulation sociale. L’anomie est caractérisée par le manque de régulation de la société sur l’individu (ce qui est clairement revendiqué par les courants complotistes). Les désirs individuels ne sont plus bornés, ce qui ouvre la voie à l’instauration, à terme, d’un « mal de l’infini » qui conduit au suicide social. Parmi les causes favorisantes, Durkheim identifie : les importants bouleversements politiques (guerres, changements de régime), ou des avancées technologiques, ou encore de nouvelles préoccupations scientifiques.
Pour que le monde s’effondre, il est nécessaire que le principe d’autorité et de reconnaissance de l’autorité s’effondre au préalable. Nous sommes dans ce temps. Que chacun veille bien sur ses voies, son témoignage, ses œuvres et son message. Le Seigneur est proche.
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