Une vision correcte de Dieu
Ceux-là qui ne te connaissent pas vraiment peuvent entretenir de Dieu une fausse vision, et donc adorer à sa place une créature issue de leur propre imagination. C’est pourquoi, il éclaire notre intelligence afin que nous puissions le connaître tel qu'il est.
Ce qui nous vient à l’esprit lorsque nous pensons à Dieu est la chose la plus importante à notre sujet. L’histoire de l’humanité montrera probablement qu’aucun peuple ne se sera jamais élevé plus haut que sa religion, tandis que l’histoire spirituelle du monde démontrera assurément qu’aucune religion n’aura jamais été plus grande que sa conception de Dieu. La louange sera véritable ou superficielle selon que le fidèle nourrit sur Dieu des pensées élevées ou viles.
Notre conception de Dieu
C’est pourquoi la question primordiale à laquelle l’Église se trouve confrontée est toujours Dieu lui-même, et le fait le plus significatif pour tout homme n’est pas ce qu’il dit ou accomplit à un moment précis, mais bien la façon dont il conçoit Dieu au plus profond de son cœur. En vertu d’une loi mystérieuse de l’âme, nous sommes attirés vers notre image mentale de Dieu. Cette règle s’applique non seulement aux chrétiens individuellement, mais également à la communauté des croyants qui forment l’Église.
L’aspect le plus révélateur de l’Église est toujours sa conception de Dieu, tout comme son message le plus caractéristique est ce qu’elle dit ou ne dit pas de Lui, car ses silences sont parfois plus éloquents que ses discours. Elle ne pourra jamais échapper à la mise à nu de son témoignage sur Dieu.
Si nous étions en mesure d’obtenir de tout homme une réponse complète à la question, « que vous vient-il à l’esprit en pensant à Dieu ? », nous pourrions prédire avec certitude l’avenir spirituel de cet individu. Si nous pouvions connaître exactement ce que les plus influents de nos dirigeants religieux pensent de Dieu aujourd’hui, nous pourrions être à même de prédire avec une certaine précision où en sera l’Église de demain.
Sans aucun doute, la pensée la plus puissante que peut entretenir l’esprit est la pensée de Dieu et le mot le plus lourd de toute langue est celui qui désigne Dieu. La pensée et la parole sont les dons de Dieu aux créatures faites à son image ; elles sont étroitement liées à Lui et inséparables de Lui. Il est particulièrement significatif que les mots du commencement soient : « Et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu » (Jean 1 v. 1). Nous pouvons parler parce que Dieu parla. En lui, parole et idée sont indissociables.
Il est d’une importance considérable pour nous que notre conception de Dieu corresponde autant que possible à sa véritable personne. Notre confession de foi est peu conséquente en comparaison de nos pensées profondes à son sujet.
Notre véritable conception de Dieu se trouve peut-être enterrée sous le déchet de notions religieuses conventionnelles et peut nécessiter une recherche intelligente et énergique avant d’être enfin déterrée et exposée telle qu’elle est. C’est seulement au prix d’une exploration personnelle pénible que nous serons susceptibles de découvrir ce que nous pensons réellement de Dieu.
Une conception correcte de Dieu est essentielle, non seulement à la théologie académique, mais également à la vie chrétienne quotidienne. Il s’agit d’adorer le véritable fondement du temple. Un culte mal approprié ou déséquilibré provoque tôt ou tard la rupture de tout l’édifice. Je crois qu’il n’existe pas une seule erreur doctrinale ni un seul échec dans l’application de l’éthique chrétienne qui ne soit pas, à l’origine, le fait de pensées imparfaites ou viles sur le Seigneur.
En cette fin de vingtième siècle, je pense que la conception chrétienne de Dieu est décadente au point d’être largement indigne du Seigneur des seigneurs et de constituer pour des chrétiens pratiquants l’équivalent d’une abomination morale.
Même si nous devions affronter simultanément tous les problèmes existant dans les cieux et sur la terre, ceux-ci ne seraient rien en comparaison du problème posé par Dieu : Le fait même de son existence et de son identité, et notre réaction, en tant qu’êtres humains, à son sujet.
L’homme qui parvient à entretenir une conception correcte de Dieu se trouve soulagé de dix mille problèmes temporels, car il voit directement qu’ils portent sur des questions qui, au pire, ne pourront l’affliger très longtemps. Cependant, même si les multiples fardeaux du temps lui étaient retirés, le seul gigantesque fardeau de l’éternité l’oppresserait d’un poids plus écrasant que tous les maux du Monde empilés les uns sur les autres.
Ce puissant fardeau est son obligation envers Dieu. Il comporte le devoir immédiat et définitif d’aimer Dieu de toute la force de son intelligence et de son âme, de lui obéir parfaitement et de l’adorer de façon acceptable. Et lorsque la conscience agissante de l’homme lui révèle qu’il n’en a rien fait, mais que, depuis l’enfance, il se rend coupable de révolte insensée contre la Majesté des cieux, la pression intérieure de l’auto-accusation peut devenir trop lourde à porter.
L’Évangile peut libérer l’âme de ce fardeau destructeur, remédier même aux situations les plus désespérées et faire naître dans un cœur abattu des chants de louange. Cependant, si le poids de ce fardeau n’est pas ressenti consciemment par l’individu, l’Évangile pourrait bien ne rien signifier et, jusqu’à ce qu’il entrevoie une vision d’un Dieu grand et sublime, il n’existera aucune peine, ni aucun fardeau. Une vision de Dieu indigne détruit l’Évangile chez quiconque l’entretient.
L’idolâtrie
Parmi les péchés auxquels le cœur humain est enclin, le plus détestable pour Dieu est sans doute l’idolâtrie, car l’idolâtrie se trouve être fondamentalement une déformation de Son caractère. Le cœur idolâtre suppose que Dieu est différent de ce qu’Il est (un péché monstrueux en soi) et substitue au véritable Dieu, une créature correspondant à sa préférence. Ce Dieu se conformera toujours à l’image de celui qui l’a créé et sera vil ou pur, cruel ou miséricordieux, selon l’état moral de l’âme dont il est issu.
Un Dieu engendré dans les ténèbres d’un cœur déchu ne présentera vraisemblablement aucune véritable ressemblance avec le vrai Dieu. « Tu t’es imaginé », dit le Seigneur au méchant dans le psaume, « que j’étais comme toi » (Psaume 50 v. 21). Voilà qui doit certainement constituer une insulte grave envers le Dieu Très Haut, devant lequel les chérubins et les séraphins crient continuellement, « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées ! » (Ésaïe 6 v. 3).
Prenons garde, de crainte que, dans notre orgueil, nous pensions erronément que l’idolâtrie consiste uniquement à se prosterner devant les objets de culte visibles et que les peuples civilisés en sont dès lors libérés. L’essence même de l’idolâtrie est l’entretien de pensées sur Dieu qui soient indignes de Lui. Elle naît dans l’esprit et peut se manifester là où aucun acte concret d’adoration n’a pourtant pris place. « Ayant connu Dieu – écrit Paul – ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâce ; mais ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres » (Romains 1 v. 21).
Ainsi naquit le culte des idoles façonnées à la ressemblance d’hommes, d’oiseaux, de bêtes et d’animaux rampants. Mais cette escalade d’actes dégradants commença en pensées. Les fausses idées sur Dieu ne sont pas seulement la source d’où s’écoulent les eaux polluées de l’idolâtrie, elles sont elles-mêmes idolâtres. L’idolâtrie imagine simplement des choses au sujet de Dieu et agit comme si elles étaient vraies.
Les notions perverties sur Dieu pourrissent rapidement la religion dans laquelle elles voient le jour. Le long parcours d’Israël l’illustre de façon suffisamment claire et l’histoire de l’Église le confirme. Une conception élevée de Dieu est à ce point nécessaire à l’Église que lorsque cette vision décline d’une quelconque manière, l’Église décline parallèlement, avec son culte et ses normes morales. Une église franchit le premier pas vers le réveil, au moment où elle renonce à sa propre opinion de Dieu.
Avant que l’Église chrétienne s’enfonce dans l’oubli quelque part dans le monde, sa théologie fondamentale a d’abord dû se corrompre. Elle donne tout simplement une mauvaise réponse à la question, « qui est Dieu ? » et poursuit sa route appuyée sur un tel fondement. Bien qu’elle puisse continuer à raisonner au diapason d’un credo dénominatif, sa confession de foi sonne faux en pratique. La masse de ses fidèles en vient à croire que Dieu est différent de ce qu’Il est véritablement. Or, il s’agit là de la plus insidieuse et de la plus mortelle des hérésies.
Aujourd’hui, la plus lourde des obligations de l’Église chrétienne est de purifier et d’élever sa conception de Dieu, jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau digne de Lui… et d’Elle. Dans toutes ses prières et toutes ses œuvres, cette quête devrait être prioritaire. Nous rendons le plus grand des services à la génération suivante de chrétiens en leur transmettant, intacte et inchangée, cette noble vision de Dieu que nous avons reçue de nos pères hébreux et chrétiens des générations passées. Ce don s’avérera d’une plus grande valeur pour eux que tout ce que les arts ou la science peuvent concevoir.