Le salut par la foi.2

Le salut par la foi.2

La première objection que l'on fait ordinairement à cette doctrine, c'est que prêcher le salut, ou la justification par la foi seule, c'est prêcher contre la sainteté et les bonnes œuvres.

On pourrait se borner à y faire cette courte réponse !

Il en serait ainsi si nous parlions, comme le font quelques-uns, d'une foi séparée de ces choses ; mais nous parlons, au contraire, d'une foi fertile en toutes sortes de bonnes œuvres et en toute sainteté. Mais il peut être utile d'examiner plus au long cette objection, surtout puisqu'elle n'est pas nouvelle, car elle est aussi vieille que les temps de saint de saint Paul, où l'on demandait déjà : « N'anéantissons-nous pas la loi par la foi ? »

Nous répondons, premièrement, que tous ceux qui ne prêchent pas la foi, anéantissent évidemment la loi, soit d'une manière directe et grossière, par des limites et des commentaires qui en rongent tout l'esprit, soit indirectement en n'indiquant pas les seuls moyens qui nous rendent capables de l'accomplir ; tandis que, en second lieu, « nous établissons la loi », à la fois, en montrant toute son étendue et son sens spirituel, et en appelant tous les hommes à venir au Père par le chemin vivant, savoir par Christ, par lequel « la justice de la loi » peut être « accomplie en eux ». Ajoutons que tout en ne se confiant qu'au sang de Christ, les croyants pratiquent sans exception les ordonnances qu'il a instituées et font toutes « les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour qu'ils y marchent » (Éphésiens 2 v. 10) ; enfin ils possèdent et manifestent toutes les dispositions saintes et célestes, ils ont les mêmes sentiments qui étaient en Jésus-Christ.

Mais la prédication de cette foi ne pousse-t-elle pas les hommes à l'orgueil ? Nous répondons : Accidentellement cela est possible. C'est pourquoi il faut instamment avertir tout croyant par ces paroles du grand Apôtre : Les premières « Les branches ont été retranchées, afin que moi je fusse enté. Cela est vrai ; elles ont été retranchées pour cause d'incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi. Ne t'abandonne pas à l'orgueil, mais crains ; car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, il ne t'épargnera pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures ferme dans cette bonté ; autrement, tu seras aussi retranché » (Romains 11 v. 19 à 22). Et, en persévérant dans la bonté de Dieu, le chrétien se rappellera ces mots de Paul, qui prévoyait cette même objection et y répondait : « Où est donc le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des œuvres. Non, mais par la loi de la foi » (Romains 3 v. 27). Si l'homme était justifié par ses œuvres, il aurait de quoi se glorifier ; mais il n'y a aucun sujet de gloire pour « celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en celui qui justifie le pécheur » (Romains 4 v. 5).

Tel est encore le but des paroles qui précèdent et suivent le texte : « Dieu, qui est riche en miséricorde..., lorsque nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés ;... afin qu'il fit connaître, dans les siècles à venir, les immenses richesses de sa grâce, par la bonté dont il a usé envers nous en Jésus-Christ. Car vous êtes sauvés par grâce, par la foi, et cela ne vient point de vous » (Ephésiens 2 v. 4 à 8). Ni votre foi, ni votre salut ne vient de vous : « C'est un don de Dieu  » ; un don libre, non mérité ; tant la foi par laquelle vous êtes sauvés, que le salut qu'il y attache selon son bon plaisir et par pure miséricorde. Votre foi est un premier bienfait de sa grâce, le salut que vous obtenez par la foi en est un autre. « Ce n'est point par les œuvres afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2 v. 9), car toutes nos œuvres, toute notre justice, avant de croire, loin de mériter la foi, n'étaient dignes que de la condamnation ; par conséquent, lorsque la foi nous est donnée, ce n'est point à cause de nos œuvres. Et le salut aussi n'est point par les œuvres accomplies quand nous croyons ; car alors c'est Dieu qui opère en nous ; et partant la rémunération qu'il nous accorde pour ce qu'il opère lui-même, ne fait que relever les richesses de sa miséricorde et nous ôte tout sujet de nous glorifier.

Dire ainsi que la miséricorde de Dieu justifie ou sauve gratuitement par la foi seule, n'est-ce pas, cependant, encourager les hommes à vivre dans le péché ? Oui, il se peut que cette doctrine ait cet effet ; il est même certain qu'elle l'aura. Plusieurs « demeureront dans le péché afin que la grâce abonde », mais leur sang sera sur leur tête. La bonté de Dieu aurait dû les porter à la repentance, et c'est ce qu'elle fera pour ceux qui ont le cœur sincère. Quand ceux-ci savent qu'il « y a pardon en Dieu », ils crient à lui avec force, ils lui demandent qu'il veuille aussi effacer leurs péchés, par la foi en Jésus ; et s'ils l'implorent instamment, sans se lasser, s'ils le cherchent par tous les moyens qu'il a établis ; s'ils refusent toute consolation jusqu'à ce qu'il vienne ; « il viendra et ne tardera point ». Et il peut faire une grande ouvre en peu de temps. De nombreux exemples rapportés dans les Actes des Apôtres, attestent que Dieu a opéré cette foi dans le cœur des hommes avec la rapidité de l'éclair qui tombe du ciel. Ainsi à la même heure où Paul et Silas commencèrent « à annoncer la parole du Seigneur » au geôlier, il se repentit, crut et fut baptisé ; ainsi trois mille personnes qui se repentirent et crurent le jour de la Pentecôte, à la première prédication de Pierre, furent baptisées par lui le même jour ; et, Dieu en soit béni, il y a maintenant bien des preuves vivantes qu'il est encore « puissant pour sauver ».

Cependant, contre la même vérité, envisagée à un autre point de vue, on présente une objection tout-à-fait opposée ; on dit que c'est pousser les hommes au désespoir que de soutenir qu'ils ne peuvent être sauvés par tout ce qu'il leur est possible de faire. Oui, au désespoir de gagner le salut par leurs propres œuvres, par leurs mérites ou leur justice propre ; et il est nécessaire que cela arrive, car nul ne peut se confier aux mérites de Christ avant d'avoir complètement renoncé aux siens. Celui qui « cherche à établir sa propre justice », ne peut recevoir la justice de Dieu. La justice de la foi ne peut lui être donnée aussi longtemps qu'il se confie en celle qui vient de la loi.

Mais, dit-on, cette doctrine est peu consolante.

Ah ! Le diable a parlé, comme sa nature le veut, c'est-à-dire sans vérité et sans honte, quand il a osé suggérer aux hommes cette pensée. C'est la seule doctrine consolante ; oui, elle est toute pleine de consolation pour tout pécheur qui s'est perdu et qui se condamne lui-même : « Quiconque croit en lui ne sera point confus » (Romains 10 v. 11). Celui qui est le Seigneur de tous est riche en miséricorde « pour tous ceux qui l'invoquent » ; voilà une consolation aussi élevée que le ciel, et plus forte que la mort ! Quoi ! Miséricorde pour tous ! Pour Zachée, l'exacteur public ? Pour Marie-Magdeleine, la prostituée ? Il me semble entendre dire à quelqu'un : Alors moi, moi aussi, je puis espérer de trouver grâce ! Oui, tu le peux, ô affligé que personne n'a consolé ! Dieu ne repoussera point ta prière.

Que sais-tu ? peut-être à l'heure qui va sonner te dira-t-il : « Prends courage, tes péchés te sont pardonnés » (Matthieu 9 v. 2), tellement pardonnés qu'ils ne règneront plus sur toi ; et que le Saint-Esprit rendra témoignage à ton esprit que tu es enfant de Dieu. Ô bonnes nouvelles, nouvelles de grande joie, envoyées à tous les peuples ! « Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui n'a pas d'argent » (Ésaïe 55 v. 1). Quels que soient vos péchés, fussent-ils rouges « comme le cramoisi », fussent-ils plus nombreux que les cheveux de votre tête, retournez à l'Éternel et il aura pitié de vous, et à notre Dieu, car il pardonne abondamment.

Quand on ne peut plus rien objecter, on nous dit simplement, que le salut par la foi ne devrait pas être prêché, comme doctrine première, ou du moins ne devrait pas être prêché à tous. Mais que dit le Saint-Esprit ? « Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ » (1 Corinthiens 3 v. 11). Ainsi donc, le fondement de toute notre prédication est et doit être : « Quiconque croit en lui sera sauvé  » ; c'est là ce qui en doit, faire le premier sujet. Bien, mais il ne faut pas prêcher cette doctrine à tous tes hommes. 

A qui donc ne devons-nous point la prêcher ?

Qui devons-nous excepter ? Les pauvres ? Mais ils ont un droit tout particulier à ce qu'on leur prêche l'Évangile. Les ignorants ? Dès le commencement, Dieu a révélé ces choses aux hommes illettrés et ignorants. Les jeunes gens ? Nullement. Sur toutes choses, « laissez-les venir à Christ, et ne les en empêchez point » (Matthieu 19 v. 14). Les pécheurs ? Moins que personne. Il est « venu appeler à la repentance, non les justes, mais les pécheurs » (Luc 5 v. 32). Mais, quoi qu'il en soit, nous devons annoncer la parole de notre Seigneur. Car voici la, teneur de notre commission.

« Allez, prêchez l'Évangile à toute créature » (Marc 16 v. 15). S'il est des hommes qui, à leur perdition, tordent cet Évangile, dans son entier ou dans quelqu'une de ses parties, il faudra qu'ils portent leur propre fardeau. Mais quant à, nous, comme l'Éternel est vivant, nous dirons ce que notre Die nous dira.

Dans ces temps surtout, nous répèterons : Vous êtes sauvés, par grâce, par la foi. Jamais il ne fut plus nécessaire qu'aujourd'hui de maintenir cette doctrine, seule elle peut efficacement empêcher les erreurs de Rome de se propager parmi nous. Attaquer une à une toutes ces erreurs, c'est à n'en pas finir ; mais le salut par la foi les frappe à la racine ; elles tombent toutes à la fois, dès que cette, doctrine est établie. Ce fut cette doctrine que l'Église anglicane appelle avec tant de raison, le rocher et le fondement de la religion chrétienne, qui chassa le papisme de l'Angleterre, et seule elle l'en tiendra éloigné.

Nulle autre chose ne réprimera cette immoralité qui a envahi notre pays comme un fleuve. Pouvez-vous mettre à sec l'océan goutte à goutte ? Alors vous pourrez nous réformer de nos vices particuliers par des raisonnements propres à nous en détourner. Mais que « la justice qui vient de Dieu par la foi » soit proclamée, et comme par une digue puissante, les vagues orgueilleuses de la dépravation seront refoulées. C'est le seul moyen de fermer la bouche à ceux « qui mettent leur gloire dans ce qui est leur confusion », et qui ouvertement « renient le Seigneur qui les a rachetés ». Ils peuvent parler de la loi en termes aussi sublimes que l'homme dans le cœur duquel Dieu l'a écrite. A les entendre discourir sur ce sujet, ou serait disposé à penser qu'il ne sont pas loin du royaume de Dieu ; mais conduisez-les de la loi à l'Évangile ; commencez par la justice de la foi, par « Christ, qui est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient », et ceux qui tout à l'heure paraissaient presque, sinon tout-à-fait chrétiens, restent convaincus de n'être que des fils de perdition, d'être aussi éloignés de la vie et du salut (Dieu veuille leur être miséricordieux !) que les profondeurs de l'enfer des hauteurs du ciel.

C'est là ce qui fait rugir l'adversaire toutes les fois que le salut par la foi est publié au monde ; c'est ce qui le poussa à remuer la terre et l'enfer, pour faire mettre à mort ceux qui le prêchèrent les premiers ; et sachant que la foi seule peut renverser les bases de son royaume, c'est pour cela qu'il réunit toutes ses forces et mit en jeu tous ses artifices de mensonge et de calomnie, afin d'effrayer Luther et de l'empêcher de remettre au jour cette doctrine. Et il n'y a là rien d'étonnant, car, ainsi que le remarque ce serviteur de Dieu : « Un homme orgueilleux, fort et tout armé, ne serait- il pas transporté de rage, si un petit enfant venait, un roseau à la main, le défier et l'arrêter » ; surtout s'il était certain que, ce petit enfant dût le renverser et le fouler aux pieds ? Oui, Seigneur Jésus, c'est ainsi que ta force s'est toujours « accomplie dans la faiblesse ».

Va donc, petit enfant qui crois en Lui, et sa « droite t'apprendra des choses merveilleuses ! » Quoique tu sois sans force et faible comme un nouveau-né, l'homme fort ne pourra tenir devant toi. Tu auras le dessus sur lui ; tu pourras le dompter, le renverser et le fouler à tes pieds. Tu iras de conquête en conquête, sous la direction du grand Capitaine de ton salut, jusqu'à ce que tous tes ennemis soient détruits, et que « la mort soit engloutie dans la victoire » (1 Corinthiens 15 v. 54).

Or, grâces à Dieu, qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ », à qui comme au Père et au Saint-Esprit, soient « louange, gloire, sagesse, actions de grâce, honneur, puissance, et force, aux siècles des siècles ».

 

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