Obeissance.1
Plusieurs ont remarqué, sans doute, au moins en partie, à quel point s’est répandu, au milieu des chrétiens, le principe que la bénédiction doit précéder l’obéissance, et que, faute de cela, on est dispensé d’obéir.
Introduction
La volonté de Dieu à notre égard étant bien connue dans certaines circonstances dans lesquelles nous pouvons nous trouver, obéir à cette volonté implicitement et sans aucun calcul des conséquences, est-ce un devoir pour nous ? En d’autres termes : L'obéissance, dans l’ordre moral, doit-elle précéder la manifestation de la bénédiction divine, ou bien faut-il attendre, avant d’obéir, la manifestation de cette bénédiction ? C’est là une question de conscience, dont la solution est singulièrement liée avec les intérêts et la condition de l’Église de Dieu dans le moment actuel. Plusieurs ont remarqué, sans doute, au moins en partie, à quel point s’est répandu, au milieu des chrétiens, le principe que la bénédiction doit précéder l’obéissance, et que, faute de cela, on est dispensé d’obéir. Cette fâcheuse tendance se présente ordinairement sous la forme suivante :
Dans l’endroit où l’on a ses habitudes, on a reçu quelque bien par la prédication plus ou moins fidèle de la parole de Dieu ; mais en même temps, la conscience, éclairée par cette Parole, est contrainte de condamner, à plusieurs égards peut-être, comme fausse et antiscripturaire, la position dans laquelle on se trouve. Mal à l’aise, on se demande : Que faire ? Quitter cette position pour en prendre une autre qui mette la conscience au large avec Dieu ? Cela serait très désirable, sans doute ; mais hasarder ce pas-là, sans assurance préalable d’en retirer un profit évident et permanent, ce serait peut-être marcher à l’aventure, et s’exposer à mille difficultés ou conséquences fâcheuses.
De là résulte pour ceux qui cèdent à ces craintes et demeurent ainsi dans un ordre de choses qu’ils voient clairement être mauvais, un triste état d’incertitude et de perplexité, et cette position a pour effet inévitable d’endurcir la conscience en contristant l’Esprit de Dieu, et d’affaiblir l’énergie morale du chrétien qui persiste à y rester et qui se prive ainsi de la bénédiction promise dans cette parole : « À chacun qui a, il sera donné, et il sera dans l’abondance (Matthieu 25 v. 29) ». Le cœur est loin de se douter de quelle triste source découle cette manière d’agir, à laquelle fournissent d’ailleurs d’abondants aliments tous ces sentiments de timidité et d’incrédulité si naturels à l’homme, et qui sont décorés des noms de prudence et de réflexion : il ne nous vient pas à l’esprit que tout ceci n’est qu’un résultat de cette disposition naturelle que nous avons d’acquiescer au mal, plutôt que d’agir à tout prix contre le mal.
Ceux qui restent attachés à un système religieux par tradition condamnent l’obéissance. Chez les personnes attachées à des systèmes reçus par tradition ou basés sur une autorité traditionnelle, le travers que nous venons de signaler revêt des apparences diverses : Tantôt ce sera celle de l’humilité ou d’autres saintes affections ; tantôt celle de la fermeté de caractère, et d’une disposition à ne pas se laisser séduire par toutes les nouveautés que met en avant l’esprit remuant de l’époque actuelle, sans qu’elles reposent sur aucun principe fixe, propre à diriger ceux qui s’y laissent prendre.
C’est ainsi que, quoique de côtés bien opposés l’un à l’autre (sauf lorsqu’il s’agit de combattre la vérité), on fait un mauvais usage de principes, beaux en eux-mêmes, en les tournant contre ceux qui, par conscience, refusent de donner les mains à ce qu’ils trouvent mauvais autour d’eux, et s’en retirent (Proverbes 24 v. 16). Et l’on voit ici comment, en partant de principes de conduite qui ne sauraient s’accorder entre eux, on se rencontre dans le résultat, qui est de condamner l’obéissance d’autrui et de rester soi-même là où les circonstances nous ont placés ; c’est ce qu’en pareil cas l’on peut toujours attendre de l’incrédulité et de l’égoïsme.
Obéir sans réserve à une vérité connue.
Le principe de l’obéissance sans réserve (*) est le seul qui puisse résister à l’influence de vues, en apparence si sages et si opposées à ce qui est mal : Rien de si humble ni de si ferme que cette espèce d’obéissance, rien qui indique mieux la présence du Saint Esprit dans le cœur, rien qui soit si contraire à l’insubordination et qui impose plus fortement silence aux impies raisonnements de la chair. À la vue des principes si contradictoires, si diamétralement opposés l’un à l’autre, qui ont cours pourtant et qui amènent à une même conclusion, l’on ne peut s’empêcher de croire que cette conclusion ne découle réellement ni des uns ni des autres, mais de quelque mobile entièrement différent ; et que tout le rôle que jouent dans cette affaire les principes qu’on invoque, est de neutraliser l’action d’un autre principe qui, étant reçu, persuaderait l’âme d’embrasser une voie différente, tandis que, étant neutralisé, il la laisse dans la voie à laquelle elle est habituée, sans aucun égard pour la légitimité ou l’illégitimité de sa position.
Le vrai secret de l’énigme, c’est qu’il y a quelque chose de caché dans le cœur, un principe secrètement adopté, dont on ne se rend même pas compte (peut-être quelque plan arrêté d’avance, quelque vieille tradition, ou telle autre chose qui agit du plus au moins sur l’intelligence) ; et qui quelque différent qu’il puisse être amène toutefois à un même résultat, celui dont nous avons parlé plus haut. Mais quoi qu’il en soit, dans tous les cas, quand Dieu a révélé sa volonté, quand il nous a montré un mal dans certaines institutions sanctionnées par un long usage, ou plutôt un long abus, et auxquelles nous avons participé jusqu’ici, on ne peut que qualifier de désobéissance, de chose mauvaise et qui contriste l’Esprit du Seigneur, tout parti pris de demeurer où l’on est, même en le couvrant des raisonnements les plus plausibles.
Et, en opposition à cela, je pose en principe que l’obéissance est la seule voie que, dans tous les cas, un chrétien ait à embrasser : Je parle de l’obéissance à une vérité connue et non pas à des plans que nous nous sommes proposés, quelque excellents qu’ils nous paraissent. Oui, j’affirme que l’âme humble et simple dont l’œil est net regardera comme sa plus sûre et sa meilleure portion, d’imiter l’exemple d’Abraham qui partit, à la voix de Dieu, ne sachant où il allait (Hébreux 11 v. 8) ; et que toujours obéir, obéir au Seigneur, sans en calculer les conséquences possibles ou probables, est le seul vrai sentier du chrétien et le plus sûr moyen de voir s’ajouter de nouvelles bénédictions à celles dont nous jouissons déjà.
(*) Un bel exemple de cette obéissance est celui d’Abraham, à qui Dieu dit : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes ! (Genèse 22 v. 2) » Quel ordre ! Et Abraham, se levant de bon matin, bâta son âne et partit sans dire mot.
Le but des pages suivantes est donc de prouver que l’obéissance au Seigneur est un principe essentiel, même profondément essentiel, qu’il est aussi le préliminaire des bénédictions, et qu’enfin il est l’expression de l’ordre établi de Dieu pour la dispensation de ses grâces (*), ou du moyen par lequel nous venons à jouir de ces dernières. Ce plan aura l’avantage de nous faire envisager le principe en question sous toutes ses faces, savoir dans sa nature, ses preuves, et son application.
(*) Il va bien sans dire que ce traité étant destiné aux enfants de Dieu, on entend y parler des grâces qui viennent ensuite de la foi, et non pas d’une obéissance rendue à Dieu par un non-croyant en vue de se rendre recommandable par sa propre justice. Nous dirons une fois pour toutes, que, dans ces pages, quand nous emploierons les termes de grâce, de bénédiction, etc., ce sera toujours dans le sens que nous venons d’indiquer.
2. Importance de l'obéissance.
Or, ce qui démontre toute l’importance de l’obéissance, c’est que Dieu cesserait d’être suprême, d’être Dieu, si l’obéissance n’était pas la position normale de la créature. Sans doute Dieu peut démontrer l’impuissance de la créature, en faisant découler le bien du mal que la créature avait pensé très volontairement contre Lui (Genèse 50 v. 19 et 20), tout comme il a souvent démontré l’excellence de son pouvoir, en contraignant ses adversaires à devenir, à leur insu, des instruments de bénédiction.
Mais, quoi qu’il en soit, obéir est une obligation naturelle, la seule naturelle, la seule juste, pour la créature : Hors de là, l’ordre de la création est renversé ou troublé, comme aussi le fondement de la distinction qui existe entre le péché et la justice. La définition que le Saint Esprit donne du péché est l’acte d’un homme sans loi, d’un homme qui n’obéit qu’à lui-même (*) ; et il est écrit, d’un autre côté, que « celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement (1 Jean 3 v. 4 ; 2 v. 17) ». Ces deux définitions nous sont présentées en action dans les deux Adam, qui sont à la fois types et exemples de la ruine et de la bénédiction : « Par la désobéissance d’un seul homme plusieurs ont été constitués pécheurs, ainsi aussi par l’obéissance d’un seul, plusieurs seront constitués justes (Romains 5 v. 19) ».
(*) C’est la version exacte de 1 Jean 3 v. 4. Il est bien à regretter que nous n’ayons pas en français d’expression correspondante à celle de l’original. Le vrai sens du mot anomia est exactement : L’acte d’un anomos, ou d’un homme sans loi quant à Dieu (1 Corinthiens 9 v. 21), d’un homme qui ne veut point de loi. C’est le cas de toutes les œuvres, même les plus belles en apparence, de l’homme inconverti et converti. Anomos est le titre donné à l’Antichrist (2 Thessaloniciens 2 v. 8).
Le premier Adam fit sa propre volonté, et tomba sous la condamnation. Il fut placé sous une épreuve d’obéissance : c’était de son obéissance à cet ordre : Tu n’en mangeras point ! que dépendait la position future et la bénédiction d’Adam sur la terre. Mais il mangea, et ce fut là sa perte : la mort, les gages du péché, entra dans le monde par l’acte de l’homme, cet acte étant contraire à la volonté de Dieu. Dieu lui-même, ici, détermine et trace les caractères et les résultats de l’insubordination envers Lui, et découvre le secret des destinées de l’homme et de la libre entrée du péché dans le monde. Ajoutez néanmoins, pour la consolation de nos âmes, en présence de faits si affligeants, qu’avant l’exécution de la sentence, la bonté de Dieu introduisit aussi la miséricorde, afin que l’homme puisse vivre d’elle dans le désert où il fut chassé par la justice du Seigneur.
L’obéissance du Seigneur Jésus.
Notre bienheureux et parfait Sauveur nous offre, dans sa conduite, un contraste frappant avec la conduite du premier Adam. Sous quel caractère et avec quel langage s’annonce-t-il en entrant dans le monde ? C’est sous celui de la plus profonde, mais de la plus sainte et parfaite humilité : « Voici, je viens ; il est écrit de moi dans le rouleau du livre (Hébreux 10 v. 7) », (C’est-à-dire dans le caractère que j’ai revêtu selon les conseils éternels de Dieu). « C’est mes délices, ô mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir, et ta loi est au-dedans de mes entrailles (Psaume 40 v. 7 et 8) ».
Tel était son caractère constant et uniforme, et sa perfection comme homme. Aussi, pendant sa carrière terrestre, l’entendons-nous dire : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre (Jean 4 v. 34) ». Tous les actes de sa vie, sans exception, sont empreints du caractère d’obéissance. Il a pris « la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes (Philippiens 2 v. 7 et 8) » ; il faisait toujours les choses qui plaisaient au Père, ne cherchant point sa propre volonté, mais la volonté du Père qui l’avait envoyé (Jean 6 v. 38 ; 8 v. 29) ; et il n’a mis d’autre limite à son obéissance que la perfection même ; car, ayant aimé les siens jusqu’à la fin, il a poussé cette obéissance jusqu’à la mort, à la mort même de la croix, parce que, bien qu’il agit volontairement, il en avait reçu le commandement de son Père (Jean 10 v. 18).
Le Seigneur l’Éternel lui avait ouvert l’oreille, et il ne fut point rebelle, ni ne se détourna en arrière du chemin étroit ; mais il donna son dos à ceux qui le frappaient, et ses joues à ceux qui arrachaient le poil (Ésaïe 50 v. 5 et 6). Qu’il eût le sentiment de sa force, ou qu’il ne sentît que sa faiblesse, (car quoique vivant par la puissance de Dieu, il a été crucifié en infirmité) (2 Corinthiens 13 v. 4), jamais on ne le vit reculer dans l’obéissance qui lui était enjointe et qu’il avait acceptée avec joie. Dans la force il servait le Père en accomplissant des œuvres de puissance et d’amour ; et sa faiblesse était une soumission complète à la volonté de Celui qui l’avait envoyé.
Même obéissance encore dans la tentation : « Il est écrit », est sa réponse à chaque suggestion du tentateur, dont le but était précisément de lui faire faire sa volonté. « Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres…(Matthieu 4 v. 3) » Mais le Seigneur ne voulait pas manger sans la volonté de Dieu : Il est écrit : « L’homme vivra… de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Matthieu 4 v. 4) » ; et lorsque le diable cite frauduleusement une promesse écrite : « Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, etc. », Jésus lui oppose encore un Il est écrit, réponse qui déclarait le principe de l’obéissance implicite, en opposition à ce caractère prompt à saisir intempestivement un privilège même légitime : Vérité singulièrement importante ! Mais nous y reviendrons bientôt.
En voilà plus qu’il n’en faut pour le sujet, car cette seule sentence : « Voici, je viens… pour faire, ô Dieu, ta volonté ! (Hébreux 10 v. 9) » suffit au croyant pour fixer le caractère et démontrer le principe actif de la vie de Jésus, du saint Fils de Dieu, type parfait de la soumission à la volonté divine : « Quoiqu’il fût Fils, il a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes (Hébreux 5 v. 8) ». Comme parfait contraste de Jésus, la Parole nous montre l’Antichrist, ce Roi qui agira selon sa propre volonté (Daniel 11 v. 36). Le trait caractéristique de cet Inique (2 Thessaloniciens 2 v. 8), de cet homme de la terre (Psaume 10 v. 18), est de ne se soucier de personne, pas même de Dieu, et d’agir au gré de ses désirs.
Mais examinons encore d’autres passages relatifs à l’obéissance (Exode 19 v. 4 et 5). Le Seigneur s’adresse ainsi par Moïse aux Israélites : « Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle, et vous ai amenés à moi. Et maintenant, si vous écoutez attentivement ma voix… Et tout le peuple ensemble répondit et dit : Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons ». Je ne cite pas ce passage dans le but de montrer l’empressement ou la compétence du peuple à remplir les ordres du Seigneur, mais afin de faire voir que l’obéissance devait être le principe de l’association ou des relations de Dieu avec Israël, seul principe en effet en vertu duquel Dieu puisse avoir raisonnablement des rapports avec l’homme, et l’homme marcher avec Dieu.
De même, dans Genèse 22, le Seigneur termine la bénédiction prononcée sur Abraham, par ces paroles : « Parce que tu as écouté ma voix ». Et Jérémie, le prophète, faisant allusion au discours de Dieu à Israël (Exode 29), parle ainsi au peuple de la part du Seigneur : « Car je n’ai point parlé avec vos pères, et je ne leur ai point commandé touchant des holocaustes et des sacrifices, au jour que je les fis sortir du pays d’Égypte. Mais je leur ai commandé ceci, disant : Écoutez ma voix, et je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple ; et marchez dans toute la voie que je vous commande, afin que vous vous trouviez bien (Jérémie 7 v. 22 et 23) ».
Telle était aussi la teneur de cette alliance à l’observation de laquelle était liée la conservation des bénédictions terrestres (détaillées en Deutéronome 28), et traitée avec le peuple après la violation de celle qui avait été enfreinte au pied du Sinaï. Nous retrouverons encore le même principe dans l’alliance selon laquelle Dieu ramènera et restaurera Israël : « Tu reviendras », dit Moïse à ce peuple (30 v. 8), « et tu écouteras la voix de l’Éternel, et tu pratiqueras tous ses commandements que je te commande aujourd’hui ».
Dans l’apostasie de Saül (rapportée en 1 Samuel 15), la cause du jugement prononcé contre ce prince est ainsi exprimée : « Pourquoi n’as-tu pas écouté la voix de l’Éternel ?… Écouter est meilleur que sacrifice ! »
Si nous pouvons suivre le principe de l’obéissance et sa parfaite réalisation, dans la conduite du Seigneur Jésus, nous trouvons dans l’obéissance encore le caractère de la sanctification des croyants, qui sont en effet sanctifiés pour l’obéissance et pour l’aspersion du sang de Jésus Christ (1 Pierre 1 v. 2). Oui, c’est pour cela que le croyant est sanctifié, ou séparé par le Seigneur ; c’est là le dessein, l’objet de la sanctification ; et ce qui caractérise un état de non-sanctification est suffisamment retracé dans ces paroles d’Éphésiens 2 v. 2 : « Vous avez marché autrefois… selon le chef de l’autorité de l’air, de l’esprit qui opère maintenant dans les fils de la désobéissance ».
3. Faire sa volonté propre est du péché.
Rien ne peut détruire le caractère de ce principe fondamental que nous soutenons : Le péché seul pourrait essayer de le contester ou de le pervertir. Faire notre volonté propre est toujours désobéissance, c’est l’activité du vieil homme qui ne se soumet point à Dieu (dont, s’il en était autrement, il ferait la volonté au lieu de faire la sienne propre), un fruit, en un mot, de cette nature corrompue, qui n’accepte pas Dieu, mais qui agit toujours par elle-même et pour elle-même.
On peut quelquefois mettre en question les droits de certains hommes à revendiquer l’autorité, et quelquefois même résister à ceux qui se l’attribuent ; mais, dans tous les cas, il y a du péché à vouloir faire sa volonté à soi. Ainsi Pierre, devant le Conseil des Juifs (Actes 5 v. 29), quand on l’accuse de s’être révolté contre les défenses des gouverneurs, ne répond point qu’il a le droit d’agir comme bon lui semble ; c’eût été usurper un droit qu’il n’avait pas. Envers Dieu, ce langage n’aurait exprimé non plus, dans la bouche de l’apôtre, que l’amour de sa propre volonté, au grand déshonneur du Souverain des cieux et de la terre. Mais quelle est la réponse de Pierre ? il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Obéir au Conseil eût été désobéissance envers le Seigneur : autant qu’il dépendait de lui, l’apôtre aurait acquiescé et hautement contribué à l’opposition des juifs contre l’évangile.
L’exemple de l’apôtre nous montre comment, dans ces circonstances difficiles où l’on est obligé de résister aux puissances de la terre, on doit toujours maintenir le principe de l’obéissance à Dieu. On ne peut s’en écarter dans aucun cas, sans se mettre en quelque sorte en dehors de ce qui entretient ou indique une relation entre Dieu et l’homme : L’obéissance et la louange sont les deux grands exercices de la vie divine en nous.
Mais on a singulièrement perdu de vue ce principe sacré, ou l’on en a étrangement abusé au milieu des partis qui divisent la chrétienté. Les uns parlent d’obéissance, mais à l’autorité de la multitude ou des docteurs ; les autres réclament la liberté : La réponse de Pierre fait, ce me semble, la leçon aux uns et aux autres. Les dissidents insistent sur la liberté, les droits, les titres qu’ils ont, quant aux hommes, d’agir en matière de culte comme ils l’entendent ; les partisans du clergé et du culte national parlent d’obéissance, et même en parlent souvent ; mais c’est une obéissance aux hommes et non pas à Dieu qu’ils réclament.
« Il faut obéir à Dieu », est la réponse chrétienne à faire aux deux partis. « Il nous faut obéir » dirai-je à celui qui fait valoir si hautement ses droits en matière de conscience. Il nous faut « obéir à Dieu », dirai-je aussi aux amis du clergé ; ou plutôt : Ne couvrez pas des principes dont vous vous réclamez, votre indifférence pour les désordres qui n’existent qu’en vertu des œuvres et de l’autorité de l’homme : Car il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Avec quelle admirable sagacité le Saint Esprit a révélé et jugé d’avance les voies tortueuses de l’homme et fixé les traces de ce chemin étroit qu’une sagesse divine pouvait seule découvrir.
En résumé, faire notre volonté n’est jamais bien : Obéir à l’homme est souvent un péché, une désobéissance à Dieu ; obéir à Dieu est notre plus sacré devoir.
4. L'obéissance doit précéder la bénédiction dans tous les cas.
Je vais plus loin encore, et je dis que, dans tous les cas, l’obéissance doit précéder la bénédiction, tellement que, sans avoir préalablement obéi, l’on ne peut point s’assurer qu’on sera béni : C’est le second principe à établir. Or la preuve en repose sur cette grande vérité morale, que les commandements de Dieu ne perdent jamais leur force obligatoire, malgré la cessation de certaines circonstances extraordinaires dans les bénédictions promises à leur observation : Car, sauf certains cas de détail, ces commandements sont toujours moraux dans leur caractère, c’est-à-dire qu’étant observés, ils tendent, par la nature des choses qu’ils prescrivent, à manifester en nous et à exprimer le caractère moral de ce Dieu avec lequel ils sont un moyen de relation, de sorte que nous en avons notre fruit en sanctification (Romains 6). Or c’est là ce qui rend les commandements de Dieu constamment et invariablement obligatoires, et ce qui les distingue en même temps des ordonnances proprement dites, ou de ces choses qui peuvent être réformées, sans que Dieu se déclare par-là moins parfait qu’il ne l’est.
Moïse, en Deutéronome 30 v. 11 à 14, cité par l’apôtre Paul (Romains 10 v. 6 à 8), présente le commandement de Dieu sous le même aspect : « Il n’est pas », dit-il, « dans les cieux, pour que tu dises : Qui montera pour nous dans les cieux ? … Car la parole est très près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la pratiquer ». Un peu d’attention à la place qu’occupe ce passage dans le Deutéronome, nous montrera que c’est avec une intention et un à-propos très précis que le Saint Esprit, dans l’épître aux Romains, se cite ainsi lui-même, et que cette citation n’est pas une accommodation (expression inventée par ceux qui n’ont pu pénétrer dans la pensée de Dieu), mais la pensée même de Dieu dans cet endroit-là.
Ce que Moïse dit ici à Israël n’est point la teneur de cette alliance par laquelle, en vertu d’une obéissance littérale, le peuple devait posséder le pays, car Paul aurait eu bien tort de l’appeler la justice de la foi qui parle ainsi ; mais ce dont il est ici question, c’est de cette alliance que Dieu traita avec le peuple, outre l’alliance qui avait été traitée en Horeb (voyez Deutéronome 28 v. 69) ; et Moïse parle dans la prévision de la perte entière que le peuple ferait des bénédictions temporelles, promises à une obéissance rendue à la loi, selon la lettre, dans la terre de Canaan. Ayant donc annoncé cette perte, et la désobéissance du peuple, au chapitre 29, Moïse continue en disant : « Et lorsque toutes ces choses… seront venues sur toi, la bénédiction et la malédiction, et lorsque tu les auras rappelées dans ton cœur, parmi toutes les nations où l’Éternel, ton Dieu, t’aura chassé, et que tu seras retourné à l’Éternel, ton Dieu, et que tu auras écouté sa voix, etc. ».
Cette prophétie du retour d’Israël à Dieu, au milieu des nations, c’est-à-dire dans une position qui était une preuve de leur infraction à la loi, et qui les mettait dans l’impossibilité d’observer littéralement cette dernière (car, encore une fois, Canaan était le lieu de l’obéissance d’Israël, et Jérusalem le centre de leur culte ; et ils en étaient chassés dans ce moment-là) ; cette prophétie, dis-je, a quelque chose de bien remarquable.
Le peuple pouvait revenir à son Dieu, même au milieu des nations, et cela par une obéissance indépendante de celle qui était selon la lettre, par une obéissance dont la règle était près de lui, une obéissance pour l’accomplissement de laquelle il n’avait pas besoin de passer la mer ou de monter aux cieux, et dont la substance était renfermée dans la loi, mais la loi comprise par la foi. Or c’est précisément là ce que, dans le chapitre 10 de l’épître aux Romains, Paul prêche aux juifs, qui, depuis la captivité, étaient toujours Lo-Ammi (Osée 1 v. 9) : Christ était la fin de la loi pour justice à tout croyant ; et pour croire ou obéir à la foi, il n’y avait pas besoin de passer la mer ou de monter aux cieux, puisque le but de la loi se trouvait dans le Christ. Paul appelle donc les juifs incrédules à se soumettre à la justice de la foi, ou à confesser le nom du Messie promis, dont le nom avait toujours été l’objet chéri de ceux qui comprenaient la loi, et leur seule espérance, leur seule consolation, spécialement dans leur état de dégradation et de souffrance présent. Rien que cette obéissance à la vérité ne pouvait leur profiter dans leur position actuelle ; comme, au reste, rien d’autre ne peut profiter à des pécheurs ou à des transgresseurs de la loi de Dieu.
L'obéissance de la foi.
L’obéissance à la vérité était la seule ressource des juifs, qui étaient mis par là sur le même pied que les Gentils, auxquels l’obéissance de la foi était aussi prêchée. Et cette obéissance de la foi est le principe qui doit diriger la conduite de tout fidèle, dans quelque position de chute que l’Église puisse se trouver. Retourner à la lettre des ordonnances apostoliques, peut être chose parfaitement impossible ; et il en était, et en est encore ainsi pour les juifs, quant aux ordonnances mosaïques.
Toutefois les temps de chute nous offrent quelquefois les exemples les plus frappants d’une fidèle obéissance, comme on le voit dans l’exemple de Daniel et d’autres juifs à Babylone. Obéir selon la lettre qui a vieilli, n’est pas, au reste, un des caractères de cette dispensation chrétienne qui demande l’obéissance de la foi : Le chemin de celle-ci est toujours ouvert ; et elle s’accomplit chez les enfants de Dieu selon la mesure de spiritualité, et par conséquent de discernement spirituel, de ceux qui s’y attachent ; et c’est à cela que Dieu a égard. Nul doute qu’une conformité exacte à la pensée de Dieu n’ait été accompagnée, dans les premiers temps du christianisme, de témoignages directs et immédiats de bénédiction tels que nous n’en pouvons recevoir aujourd’hui, quels que soient d’ailleurs les droits de la miséricorde divine à l’égard de tout homme individuellement, parce que ce serait sanctionner le mal ou en accepter l’existence.
Quand le témoin moral de Dieu, dans le monde (Jean 15 v. 27), conservait son caractère — en d’autres termes, quand l’Église marchait selon l’Esprit, il était bien naturel que Dieu avoue publiquement pour sien ce qui rendait son nom glorieux ; aujourd’hui, il en est tout autrement. Mais c’est précisément ici le cas, pour les chrétiens, d’agir dans l’obéissance de la foi, ou selon le principe de cette foi suivie de sa récompense, proposée au peuple d’Israël, dans le Deutéronome ; non pas, remarquons-le bien, le cas de faire des efforts pour copier servilement ou à la lettre les ordonnances du temps passé, mais celui d’agir fidèlement par la foi en la puissance de Dieu, dans ce que le Saint Esprit nous a fait connaître de sa volonté.
Rien n’est donc plus important que le principe posé et la conduite tracée dans les enseignements prophétiques de Deutéronome 30. Privé des privilèges attachés à la dispensation légale, Israël ne peut plus servir Dieu selon les préceptes de Moïse : l’arche, les urims et les thummims sont perdus ; le temple, seul lieu où les ordonnances lévitiques pouvaient s’accomplir, est une maison désolée et brûlée par le feu ; le peuple est dispersé çà et là parmi les nations.
Quel remède à tant de maux ? comment Israël sera-t-il relevé ? Moïse répond : « La parole est très près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, pour la pratiquer (Romains 10 v. 8) » ; et Paul explique la pensée de Moïse en disant : « C’est-à-dire la parole de la foi, laquelle nous prêchons, savoir que, si tu confesses, etc (v. 8) ». Voilà donc le principe qui replace dans la faveur de Dieu (nous parlons du peuple de Dieu déchu, et non pas du monde ; du gouvernement de Dieu, et non du salut de l’âme) ; voilà le seul principe qui, au milieu des ténèbres, peut nous faire marcher d’une manière agréable au Seigneur.
Un message de John Nelson Darby.
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