La justice de la foi

La justice de la foi

Combien même parmi ceux qui portent le nom de Christ, qui « ont du zèle pour Dieu », mais un zèle sans connaissance !

« Moïse définit ainsi la justice qui vient de la loi : L'homme qui mettra ces choses en pratique vivra par elles. Mais voici comment parle la justice qui vient de la foi : Ne dis pas en ton cœur : Qui montera au ciel ? c'est en faire descendre Christ ; ou : Qui descendra dans l'abîme ? c'est faire remonter Christ d'entre les morts. Que dit-elle donc ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. Or, c'est la parole de la foi, que nous prêchons » (Romains 10 v. 5 à 8).

Dans ce texte, l'apôtre ne met pas en opposition l'alliance donnée par Moïse, et l'alliance donnée par Christ. S'imaginer qu'il en est ainsi, ce serait ne pas observer que la dernière partie de ces paroles aussi bien que la première fut prononcée par Moïse lui-même, et adressée au peuple d'Israël, touchant l'alliance qui existait alors (Deutéronome 30 v. 11,12,14). Mais c'est l'alliance de grâce que Dieu a établie, par Christ, avec les hommes de tous les âges, aussi bien avant la dispensation juive, et sous cette dispensation que depuis l'époque où Dieu fut manifesté en chair ; c'est cette alliance, disons-nous, que saint Paul met ici en opposition avec l'alliance des œuvres faite avec Adam, encore dans le paradis terrestre, et qui était ordinairement regardée, surtout par les Juifs que mentionne l'apôtre, comme la seule que Dieu eût traitée avec l'homme.

C'est de ces Juifs que parle saint Paul avec tant d'amour lorsqu'il dit au commencement de ce chapitre : « Frères, le vœu de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c'est qu'ils soient sauvés. Je leur rends le témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais sans intelligence : ne connaissant pas la justice de Dieu », la justification qui vient de sa pure grâce et de sa miséricorde par lesquelles il nous pardonne gratuitement nos péchés, à cause du Fils de son amour, en vertu de la rédemption qui est en Jésus ; ne connaissant point cette justice, « et cherchant à établir leur propre justice », leur propre sainteté, antérieure à la foi en celui qui justifie le méchant, comme base de leur pardon et de leur réception en grâce, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu », et en conséquence, ils ont suivi une voie d'erreur qui conduit à la mort.

Ils ne comprenaient point que « Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croient » ; que par l'oblation de lui-même qu'il a offert une fois, il a mis fin à la première loi ou alliance (donnée par Dieu, non pas à Moïse, mais à Adam dans l'état d'innocence), loi dont la stricte teneur était, et cela sans concession aucune « Fais ceci, et tu vivras ». Ils ne savaient pas qu'en annulant cette première alliance, Christ nous en a acquis une meilleure, savoir : Crois et vis, « crois et tu seras sauvé » ; sauvé maintenant de l'empire du péché, et par conséquent, aussi de la condamnation qui en est le salaire.

Et encore aujourd'hui, combien d'hommes aussi ignorants que l'étaient ces Juifs incrédules ! Combien même parmi ceux qui portent le nom de Christ, qui « ont du zèle pour Dieu », mais un zèle sans connaissance ! qui cherchent encore à établir leur propre justice comme fondement de leur pardon et de la faveur divine, et en conséquence, refusent résolument de se soumettre à la justice de Dieu ! En vérité, mes frères, le souhait de mon cœur et la prière que je fais à Dieu pour vous, c'est que vous soyez sauvés !

Afin d'ôter de votre route cette dangereuse pierre d'achoppement, je vais essayer de vous montrer, premièrement : quelle est la justice qui vient de la loi, et quelle est la justice qui vient de la foi ; secondement : d'un côté la folie qu'il y a à se confier en la justice de la loi, et de l'autre, la sagesse qui se trouve dans une entière soumission à la justice de la foi.

I. Et d'abord, la justice qui est de la loi parle ainsi.

« L'homme qui fera ces choses vivra par elles ». Observe toujours et parfaitement tous les commandements pour les pratiquer, et alors tu vivras à jamais. Cette loi ou alliance (ordinairement appelée l'alliance des œuvres), donnée par Dieu à l'homme en Eden, exigeait de lui une obéissance parfaite en tout point, une obéissance entière et sans aucun défaut ; elle l'exigeait comme condition de la conservation éternelle de la sainteté et du bonheur que possédait Adam à sa création.

Cette loi demandait à l'homme l'accomplissement de toute justice, intérieure et extérieure, négative et positive ; elle lui ordonnait, non seulement de s'abstenir de toute parole oiseuse et d'éviter toute mauvaise œuvre, mais encore de garder chaque affection, chaque désir et chaque pensée dans l'obéissance à la volonté de Dieu ; elle exigeait qu'il demeurât, dans son cœur et dans toute sa conduite, saint comme celui qui l'avait créé est saint ; qu'il fût pur de cœur comme Dieu est pur, parfait comme son Père qui est aux cieux est parfait.

L'alliance des œuvres commandait à l'homme d'aimer le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ; d'aimer aussi comme Dieu l'avait aimé lui-même, toute âme créée par Dieu ; elle voulait que, pratiquant cette bonté universelle, l'homme demeurât en Dieu qui est amour et Dieu en lui ; qu'il servit le Seigneur son Dieu de toutes ses forces, et qu'en toutes choses il se proposât uniquement sa gloire.

Voir ce qu'exigeait la justice de la loi, voilà les choses que devait pratiquer l'homme, afin de pouvoir vivre par elles. Mais la loi requérait, de plus, que cette entière obéissance à Dieu, cette sainteté intérieure et extérieure, cette conformité de cœur et de vie à la volonté du Seigneur, fussent parfaites quant à leur degré. L'alliance des œuvres ne pouvait souffrir sur le moindre point, ni violation, ni concession ; elle ne tolérait ni faiblesse, ni imperfection, soit quant à la loi qui s'applique à l'intérieur, soit quant à celle qui règle l'extérieur. Et en supposant que chaque commandement relatif aux choses extérieures fût gardé, cette obéissance ne suffisait pas, à moins qu'elle ne fût rendue, par l'homme, de toute sa force ; dans la mesure la plus élevée et de la manière la plus parfaite. Les exigences de cette alliance n'étaient pas satisfaites, bien que l'homme aimât Dieu de chacune de ses facultés, s'il ne l'aimait encore de la pleine capacité de chaque faculté, de toute la puissance de son âme.

La justice de la loi réclamait encore une chose indispensable ; elle voulait que cette obéissance universelle et cette parfaite sainteté du cœur fussent aussi entièrement exemptes d'interruption ; qu'elles ne connussent aucune intermission, à dater du moment où Dieu créa l'homme et lui donna le souffle, jusqu'au jour où son état d'épreuve devait finir, et où il serait mis pleinement en possession de la vie éternelle.

La justice de la loi parle donc ainsi : « Toi, ô Homme de Dieu ! persévère dans l'amour de Dieu, et conserve en toi son image en laquelle tu as été formé. Si tu veux demeurer dans la vie, garde les commandements qui sont maintenant écrits dans ton cœur. Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. Aime, à l'égal de toi-même, toute âme qu'il a faite. Ne désire rien que Dieu. Rapporte-Lui chacune de tes pensées, de tes paroles et de tes œuvres. Que pas un mouvement de ton âme ou de ton corps ne t'éloigne de Lui, qui est le but et le prix de ta haute vocation, et que tout ce qui est en toi, chaque puissance, chaque faculté de ton âme bénisse son saint nom, en toute chose, au plus haut degré, à chaque moment de ton existence. Fais cela et tu vivras. Ta lumière brillera, ton amour s'enflammera de plus en plus, jusqu'à ce que tu sois admis aux cieux, dans la maison de Dieu, pour régner avec lui au siècle des siècles ».

Mais voici comment parle la justice qui est par la foi : « Ne dis point en ton cœur : Qui montera au ciel ? C'est vouloir en faire descendre Christ » (comme si c'était quelque impossibilité que Dieu te demande d'accomplir pour obtenir sa faveur) ; « ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ des morts ». (Comme si ce qui doit te procurer l'amour de Dieu n'était pas encore accompli.) « Mais que dit-elle ? La parole », suivant la teneur de laquelle tu peux être constitué héritier de la vie éternelle, « cette parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. C'est là la parole de la foi que nous prêchons » ; la nouvelle alliance que Dieu, par Jésus-Christ, a maintenant établie avec l'homme pécheur.

Par la justice qui vient de la foi, il faut entendre la condition de justification (et par conséquent, de salut présent et final, si nous y persévérons jusqu'à la fin) que Dieu donna à l'homme déchu, par les mérites et la médiation de son Fils unique. Bientôt après la chute, elle fut en partie révélée à Adam dans la promesse faite à lui et à sa postérité, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3 v. 15). Elle fut un peu plus clairement révélée à Abraham par l'ange de Dieu, qui du ciel lui parla et lui dit : « J'ai juré par moi-même, dit l'Éternel, que toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité » (Genèse 22 v. 15 et 18). Cette révélation fut encore faite d'une manière plus complète à Moïse, à David et aux prophètes qui suivirent, et par eux elle se communiqua à une partie du peuple de Dieu, dans ses générations successives. Mais la masse des fidèles mêmes l'ignorait, et elle n'était clairement comprise que d'un très petit nombre. Ajoutons que la vie et l'immortalité ne furent jamais mises en évidence pour les anciens Juifs, comme elles le sont maintenant pour nous par l'Evangile.

Ainsi donc, cette alliance ne dit point à l'homme pécheur : « Rends à Dieu une obéissance sans péché, et tu vivras ». Si telle était la condition, l'homme ne recevrait pas plus d'avantage de tout ce que Christ a fait et souffert pour lui, que si, pour avoir la vie, il devait monter au ciel et en faire redescendre Christ, ou descendre dans l'abîme, dans le monde invisible, et ramener Christ des morts. Cette alliance ne demande point d'impossibilité, ce serait se moquer de la faiblesse humaine. Ce qu'elle exige est à la vérité impossible à l'homme abandonné à lui-même, mais non plus à l'homme assisté de l'Esprit de Dieu.

En effet, à proprement parler, l'alliance de grâce ne nous oblige à faire aucune chose, comme absolument et indispensablement nécessaire à notre justification, si ce n'est de croire en celui qui, pour l'amour de son Fils, et à cause de la propitiation qu'il a faite, justifie le pécheur qui n'a pas fait les œuvres, et lui impute sa foi à justice. C'est ainsi qu'Abraham crut à l'Eternel, qui lui imputa cela, à justice (Genèse 15 v. 6) ; « puis il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la, justice de la foi, afin qu'il fût le père de tous ceux qui croient, et que la justice leur fût aussi imputée » (Romains 4 v. 11).

Or, ce n'est pas seulement pour lui qu'il est écrit que cela (la foi) lui fut imputé à justice, mais c'est encore pour nous, à qui il sera aussi imputé, à qui la foi sera imputée à justice et tiendra lieu d'obéissance parfaite, afin que nous soyons reçus en grâce par Dieu, si « nous croyons en celui qui a ressuscité des morts le Seigneur Jésus, lequel a été livré (à la mort) pour nos offenses, et qui est ressuscité pour notre justification » (Romains 4 v. 23,25) ; pour donner l'assurance de la rémission des péchés et d'une seconde vie à venir à ceux qui croient.

Que dit donc l'alliance de pardon, d'amour et de miséricorde gratuite ? « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé ». Au jour que tu croiras, tu vivras certainement ; tu seras rétabli dans la faveur de Dieu ; et tu sauras que dans sa bienveillance il y a la vie. Tu seras sauvé de la malédiction et de la colère de Dieu, tu seras ressuscité de la mort du péché à la vie de la justice, et si, jusqu'à la fin, tu persévères à croire en Jésus, tu ne connaîtras jamais la seconde mort ; mais après avoir souffert avec ton sauveur, avec lui aussi tu vivras et tu régneras au siècle des siècles.

Maintenant cette parole est près de toi. Cette condition de vie est claire, facile, toujours possible à remplir ; elle est dans ta bouche et dans ton cœur, par l'action de l'Esprit de Dieu. Dès l'instant où tu croiras dans ton cœur eu celui que Dieu a ressuscité, des morts, et où « tu confesseras de ta bouche le Seigneur Jésus » comme ton Seigneur et ton Dieu, tu seras sauvé de la condamnation, de la culpabilité, de ta peine de tes péchés passés, et tu obtiendras le pouvoir de servir Dieu dans une sainteté véritable tout le reste de ta vie.

Quelle est donc la différence entre la justice de la loi et la justice de la foi ? Entre la première alliance, ou alliance des œuvres, et la seconde, ou alliance de grâce ? La différence essentielle, immuable, est celle-ci : la première suppose que celui qui la reçoit est déjà saint et heureux, créé à l'image de Dieu, et possédant sa faveur, et elle prescrit à quelle condition il peut se maintenir dans cet état, dans l'amour et dans la joie, dans la vie et dans l'immortalité.

La seconde suppose que celui qui la reçoit est actuellement corrompu et malheureux, privé de l'image glorieuse de Dieu, sous le poids de la colère divine, et se précipitant par le péché qui a déjà fait mourir son âme, vers la mort du corps et la mort éternelle ; à l'homme, dans cette situation, elle présente la condition à laquelle il peut retrouver la perle qu'il a perdue, savoir : la faveur de Dieu et la grâce d'être formé de nouveau à son image. Elle lui dit à quelle condition il peut recouvrer la vie de Dieu dans son âme et être rendu à la connaissance et à l'amour de son Créateur, ce qui est le commencement de la vie éternelle.

Sous l'alliance des œuvres, afin que l'homme pût conserver la faveur de Dieu, sa connaissance et son amour, et qu'il demeurât dans la sainteté et dans le bonheur, il était encore exigé de l'homme parfait une obéissance parfaite et constante à chaque point de la loi, taudis que sous l'alliance de grâce, pour recouvrer la faveur et la vie de Dieu, il n'est imposé à l'homme d'autre condition que la foi, une foi vivante en celui qui, par Christ, justifie celui qui n'a pas obéi.

Encore une fois, l'alliance des œuvres exigeait d'Adam et de tous ses enfants qu'ils payassent eux-mêmes le prix qui devait leur assurer toutes les bénédictions futures de Dieu. Mais, sous l'alliance de grâce, puisque nous n'avons rien pour payer, Dieu nous quitte gratuitement toute notre dette, pourvu seulement que nous croyions en Celui qui a payé le prix pour nous, et qui s'est donné lui-même en « propitiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier ».

Ainsi donc, la première alliance demandait ce qui est maintenant bien loin de tous les enfants des hommes, savoir, une obéissance sans péché, qui ne se trouve certes pas chez ceux qui sont conçus et nés dans le péché. Au lieu que la seconde alliance exige ce qui est près de nous ; voici son langage : Tu es péché ; Dieu est amour ! Par le péché, tu t'es privé de la gloire de Dieu, mais il y a miséricorde auprès de lui. Apporte donc tous tes péchés à ce Dieu qui pardonne, et ils s'évanouiront comme un nuage. Si tu n'étais pas méchant, il ne pourrait te justifier comme méchant ; mais maintenant, approche-toi de lui dans la pleine assurance de la foi. Dieu parle, et tout est fait ! Ne crains point, crois seulement ; car même le Dieu juste justifie tous ceux qui croient en Jésus.

II. Ces vérités, une fois établies, il est facile de montrer, en second lieu, comme je me suis proposé de le faire, combien il serait insensé de se confier en la justice qui est de la loi, et quelle sagesse il y a à se soumettre à la justice qui est par la foi.

Nous pouvons déjà clairement voir la folie de ceux qui se confient encore en la justice qui vient de la loi, dont les termes sont : Fais cela et tu vivras. Ils commencent mal ; leur premier pas est une erreur fondamentale, car, avant de réclamer une seule bénédiction d'après les termes de cette alliance, ils doivent se supposer dans l'état de celui avec qui elle fut contractée. Mais que cette supposition est vaine, puisque cette alliance fut faite avec Adam dans l'état d'innocence !

Quel défaut de solidité dans tout l'édifice qui repose sur un pareil fondement ! Combien sont insensés ceux qui bâtissent ainsi sur le sable, et paraissent n'avoir jamais considéré que l'alliance des œuvres ne fût point donnée à l'homme mort dans ses fautes et ses péchés, mais à l'homme vivant à Dieu, ne connaissant point le péché, et étant saint comme Dieu est saint ! Ils oublient que cette alliance n'eut jamais pour but de rendre la faveur et la vie de Dieu une fois perdues, mais seulement de les conserver et de les augmenter jusqu'à ce qu'elles fussent complètes dans la vie éternelle.

Ceux qui cherchent ainsi à établir leur propre justice qui vient de la loi, n'examinent pas non plus quelle est l'espèce d'obéissance on de justice que la loi exige indispensablement. Cette obéissance doit être parfaite et entière en tout point ; sinon, la loi n'est pas satisfaite. Mais qui de vous pourra rendre à Dieu une telle obéissance et par conséquent, avoir la vie par ce moyen ? Qui de vous accomplit, ne fût-ce que les commandements extérieurs de Dieu, jusqu'à un iota ? ne faisant aucune chose, petite ou grande, que Dieu ait défendue ? ne négligeant rien de ce qu'il ordonne ? ne disant pas une parole oiseuse ? ayant toujours une conversation propre à « communiquer la grâce à ceux qui vous entendent ? » Et soit que vous mangiez ou que vous buviez, ou quelque chose que vous fassiez, faisant tout pour la gloire de Dieu ?

Combien moins encore pouvez-vous garder tous les commandements intérieurs de Dieu, ceux qui demandent que chaque émotion, chaque sentiment de votre âme, soit la sainteté à l'Éternel ! Pouvez-vous aimer Dieu de tout votre cœur ? Pouvez-vous aimer tous les hommes comme vous aimez votre propre âme ? Pouvez-vous prier sans cesse, et en toutes choses rendre grâce ? Pouvez-vous avoir Dieu continuellement devant les yeux, et tenir dans l'obéissance à sa loi, toutes vos pensées, tous vos désirs et toutes vos affections ?

Vous devriez considérer, en outre, que la justice de la loi veut, non seulement l'observation de tout commandement de Dieu, qu'il soit négatif ou positif, qu'il se rapporte au cœur ou à la conduite extérieure, mais aussi qu'elle réclame la perfection quant au degré de cette obéissance. Dans tous les cas possibles la voix de la loi est : Tu serviras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces. Elle n'admet aucune espèce d'affaiblissement des obligations qu'elle impose ; elle n'excuse aucun défaut ; elle condamne tout acte qui n'atteint pas la pleine mesure de l'obéissance, et prononce aussitôt une malédiction contre le coupable ; en un mot, elle n'a égard qu'aux règles invariables de la justice ; elle dit : Je ne sais ce que c'est que la miséricorde.

Qui donc pourra comparaître devant un juge si prompt à remarquer le mal ? Que ceux-là sont faibles, qui désirent être cités devant le tribunal où nul homme vivant, aucun descendant d'Adam, ne sera justifié ! Car en supposant que nous observions maintenant chaque commandement de toutes nos forces, une seule faute que nous n’ayons jamais commise suffit pour détruire complètement tout notre droit à la vie. Si nous n’avons jamais péché dans un seul point, c'en est fait de cette justice ; car la loi condamne tous ceux dont l'obéissance n'est pas sans interruption, aussi bien que parfaite. De sorte que, suivant la sentence que prononce cette loi, celui qui a une fois péché n'a plus rien à attendre qu'un jugement terrible et un feu ardent qui doit dévorer les adversaires de Dieu.

N'est-ce donc pas le comble de la folie pour l'homme déchu que de chercher la vie par cette justice ? L'homme qui a été formé dans l'iniquité, et que sa mère a conçu dans le péché ? qui est, par nature, terrestre, sensuel, diabolique, tout-à-fait corrompu et abominable ; l'homme en qui, jusqu'à ce qu'il ait trouvé grâce, n'habite aucun bien ; l'homme qui, de lui-même, ne peut avoir une bonne pensée ; qui n'est que péché, qu'une masse impure, et dont chaque souffle est un péché ; l'homme, dont les transgressions de parole ou d'action surpassent en nombre les cheveux de sa tête ! Quelle stupidité, quelle absurdité, chez un ver de terre si impur, si coupable, si impuissant, que de rêver à obtenir la faveur de Dieu par sa propre justice, et de prétendre à la vie par la justice qui est de la loi !

Et maintenant ; les considérations qui montrent la folie qu'il y a à se confier dans la justice de la loi, prouvent aussi combien il est sage de se soumettre à la justice qui est de Dieu par la foi. Il serait facile de le montrer par rapport à chacune des considérations qui précèdent. Mais laissant cela de côté, nous voyons clairement quelle sagesse il y a dans le premier pas que fait le pécheur dans cette voie ; nous voulons dire dans le renoncement à notre propre justice, puisque ce renoncement est un acte conforme à la vérité et à la nature même des choses.

Car, qu'est-ce autre chose sinon un aveu de notre véritable état, et qui est fait du cœur aussi bien que des lèvres ? Renoncer à notre justice propre, n'est-ce pas reconnaître que nous apportons avec nous dans le monde une nature pécheresse et corrompue, plus corrompue même qu'il n'est aisé de le concevoir ou de l'exprimer ? que cette nature nous porte à faire tout ce qui est mal, et nous éloigne de tout ce qui est bien ? que nous sommes remplis d'orgueil, de volonté propre, de passions désordonnées, de désirs insensés, d'affections basses et déréglées ? que nous sommes amateurs du monde et des plaisirs plus que de Dieu ? Renoncer à notre propre justice, n'est-ce pas avouer que notre vie n'a pas été meilleure que notre cœur, et que nos voies ont été impies et injustes, de sorte que nos péchés, soit de parole, soit d'action, ont égalé en nombre les étoiles des cieux ? que pour toutes ces raisons nous sommes sous le déplaisir de Celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal ?

N'est-ce pas confesser que nous ne méritons que l'indignation, la colère et la mort, tristes gages du péché ? que ni par notre justice (car en vérité nous n'en avons point), ni par nos œuvres (fruits mauvais d'un arbre mauvais), nous ne pouvons apaiser la colère de Dieu, ni détourner la peine que nous avons justement encourue ? Enfin, par le renoncement à notre propre justice, ne reconnaissons-nous pas que, laissés à nous-mêmes, nous ne ferons qu'empirer et nous plonger toujours plus avant dans le péché ?

Offensant Dieu de plus en plus, tant par nos mauvaises œuvres que par les mauvaises dispositions de notre cœur charnel, jusqu'à ce qu'ayant comblé la mesure de nos iniquités, nous attirions sur nous une prompte destruction ? Cette confession n'exprime-t-elle pas le véritable état dans lequel nous sommes naturellement ? S'il en est ainsi, reconnaître cet état, du cœur et des lèvres, c'est-à-dire rejeter tout espoir eu notre propre justice, en cette justice qui vient de la loi, c'est agir conformément à la vraie nature des choses, et en conséquence, c'est montrer une véritable sagesse.

La sagesse de se soumettre à la justice de la foi ressort encore de la considération que cette justice est celle de Dieu ; je veux dire que c'est le moyen de réconciliation avec lui, que Dieu lui-même a choisi et établi, non seulement comme Dieu de justice, mais aussi comme Maître souverain du ciel, de la terre et de toutes les créatures qu'il a, formées. Maintenant, comme il ne convient à personne de dire à Dieu : Que fais-tu ? Et comme aucun homme, à moins qu'il ne soit complètement privé d'intelligence, ne songera à disputer avec Celui qui est plus puissant que lui, et dont la domination s'étend sur toutes choses, c'est donc faire preuve d'une vraie sagesse et d'une saine intelligence, que d'acquiescer à ce que Dieu a choisi et de dire en ceci comme nous devons le faire en toutes choses : « C'est le Seigneur, qu'il fasse ce qui lui semblera bon ».

On peut remarquer en outre que c'est par pure grâce, par amour gratuit, par une miséricorde dont l'homme pécheur était indigne, que Dieu lui a accordé un moyen de réconciliation avec lui-même, afin que nous ne fussions pas entièrement rejetés et effacés de son souvenir. Par conséquent, quel que soit le moyen qu'il plaît à Dieu d'adopter dans sa tendre miséricorde et dans sa bonté toute gratuite, pour réintégrer dans sa faveur des ennemis qui se sont si ouvertement et si obstinément rebellés contre lui, il y a assurément sagesse de notre part à accepter ce moyen avec une vive reconnaissance.

Ajoutons une dernière considération. La sagesse consiste dans l'emploi des meilleurs moyens pour arriver au meilleur but. Or, le plus excellent but que puisse se proposer la créature, c'est de trouver le bonheur en Dieu ; le meilleur but que puisse poursuivre une créature déchue, c'est le recouvrement de la faveur de Dieu et de la sainteté qui est son image. Et le meilleur, ou plutôt le seul moyen, sous le ciel, donné à l'homme pour retrouver cette faveur de Dieu qui est préférable à la vie, et cette ressemblance à Dieu qui est la vraie vie de l'âme ; ce moyen, dis-je, c'est de se soumettre à la justice qui est par la foi, c'est de croire au Fils unique de Dieu.

III. Qui que tu sois donc, ô toi qui désires le pardon de tes péchés et la réconciliation avec Dieu.

Ne dis pas en ton cœur : Il me faut d'abord faire ceci ; il me faut premièrement surmonter tout péché, renoncer à toute mauvaise parole et à toute mauvaise action, et faire toute sorte de bien à tous les hommes ; ou il me faut d'abord aller à l'église ; il me faut communier, entendre plus de sermons, dire un plus grand nombre de prières.

Hélas ! mon frère, tu t'égares complètement. Tu ne connais pas encore la justice de Dieu ; tu cherches encore à établir ta propre justice comme base de ta réconciliation ; ne sais-tu pas que jusqu'à ce que tu sois réconcilié, avec Dieu, tu ne peux rien faire que pécher ? Pourquoi donc dis-tu, il faut premièrement que je fasse ceci ou cela, et ensuite je croirai ? Non, crois d'abord. Crois au Seigneur Jésus qui est la propitiation pour tes péchés. Pose d'abord ce bon fondement, tout ira bien ensuite.

Ne dis pas non plus en ton cœur : Je ne puis encore être reçu en grâce, car je ne suis pas assez bon. Qui est assez bon, qui ne fut jamais assez bon pour mériter la faveur de Dieu ? Entre les fils d'Adam s'en trouva-t-il jamais un qui fût assez bon pour cela ? Et jusqu'à la fin de toutes choses, y en aura-t-il jamais un qui le soit ? Quant à toi, tu n'es nullement bon ; en toi n'habite aucun bien, et tu ne seras jamais bon jusqu'à ce que tu croies en Jésus. Au contraire, tu te reconnaîtras de plus en plus mauvais. Mais est-il nécessaire de devenir plus mauvais pour être pardonné de Dieu ? N'es-tu pas déjà assez mauvais ? Oui, certes, tu es assez mauvais ; Dieu le sait, et tu ne peux le nier toi-même. Tout est prêt maintenant ; ne diffère donc plus de croire au Sauveur. Lève-toi, et sois lavé de tes péchés. La source est ouverte ; c'est maintenant le temps de te blanchir dans le sang de l'Agneau. Christ te purifiera maintenant comme avec l'hysope, et tu seras net : il te lavera et tu seras plus blanc que la neige.

Ne dis pas : Mais je ne suis pas assez repentant, je ne sens pas assez de douleur à cause de mes péchés. Je le sais ; plût à Dieu que tu sentisses tes péchés et que tu en fusses mille fois plus affligé que tu ne l'es ! Mais n'attends pas pour cela. Il se peut que Dieu brise ton cœur, non avant que tu croies, mais lorsque tu croiras, et par le moyen de la foi. Il peut arriver que tu ne verses pas beaucoup de larmes jusqu'à ce que tu aimes beaucoup, parce qu'il t'aura été beaucoup pardonné. Dès maintenant regarde à Jésus, vois combien il t'aime ! Que pouvait-il faire pour toi qu'il ne l'ait fait ? Ô Agneau de Dieu, fût-il jamais douleur comme ta douleur ! fût-il jamais amour semblable à ton amour ! Pécheur, tiens les yeux constamment fixés sur lui jusqu'à ce qu'il te regarde et qu'il brise la dureté de ton cœur ; alors ta tête se fondra en eaux et tes yeux seront comme des fontaines de larmes.

Garde-toi encore de dire : Il faut que je fasse quelque chose de plus, avant d'aller à Christ. Si ton Seigneur tardait à venir, j'admets qu'il serait bon et juste d'attendre son apparition en faisant selon ton pouvoir tout ce qu'il t'a commandé. Mais une telle supposition n'est pas nécessaire. Comment sais-tu qu'il doit tarder ? Il apparaîtra peut-être comme l'aurore avant la lumière du matin. Ne lui prescris pas le moment où il doit venir ; mais attends-le à toute heure. Maintenant, il est proche et à la porte.

Et dans quel but voudrais-tu attendre d'avoir plus de sincérité avant que tes péchés fussent effacés ? Serait-ce pour te rendre plus digne de la grâce de Dieu ? Hélas ! tu cherches encore à établir ta propre justice. Il te fera miséricorde, non parce que tu en es digne, mais parce que ses compassions sont infinies ; non parce que tu es juste, mais parce que Jésus-Christ a expié tes péchés.

Mais encore si la sincérité est une bonne chose, pourquoi espères-tu la trouver en toi avant d'avoir la foi, puisque la foi seule est la source de tout ce qui est véritablement saint et bon ?

Jusques à quand donc oublieras-tu, que quoi que tu fasses, quoi que tu possèdes, avant d'avoir reçu le pardon de tes péchés, rien de tout cela n'a ta moindre valeur devant Dieu pour te procurer ce pardon ? Il y a plus : il faut que tu jettes tout cela derrière toi, que tu le foules aux pieds, que tu n'en fasses aucun cas ; autrement jamais tu ne trouveras grâce devant Dieu. Car jusqu'à ce que tu en sois venu à ce complet renoncement à tes œuvres, tu ne peux demander grâce comme un pauvre pécheur coupable, perdu, ruiné, n'ayant rien à faire valoir auprès de Dieu, rien à lui offrir, sinon les seuls mérites de son Fils bien-aimé, qui t'a aimé et qui s'est, donné lui-même pour toi.

Enfin, qui que tu sois, ô homme qui es sous la sentence de mort, qui sens que tu es un pécheur condamné, et que la colère de Dieu pèse sur toi, le Seigneur ne te dit pas : Fais cela ; garde parfaitement tous mes commandements et tu vivras ; mais crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. La parole de la foi est près de toi ; maintenant, à l'instant même, et dans ton état actuel, tel que tu es, tout pécheur que tu es ; crois à l'Evangile, et cette promesse de l'Eternel s'accomplira : « Je te pardonnerai tes péchés, et je ne me souviendrai plus de tes iniquités » (Hébreux 8 v. 12).

 

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