Un ministre fidèle et sage aura du succès.11
Le ministre est chargé de surmonter les pouvoirs de la terre et de l’enfer : Comment n’aurait-il pas un pressant besoin de sagesse ? Le diable est constamment à l’œuvre, cherchant à empêcher les succès des serviteurs de Dieu.
« Celui qui gagne les âmes est sage (Proverbes 11.30) ». Je prêchai vendredi dernier sur le même texte, pour indiquer la manière dont les simples membres de l’Église doivent s’y prendre pour traiter les pécheurs. Mon objet aujourd’hui est de m’occuper des moyens de grâce qui tiennent publicité et surtout des Devoirs des ministres. Nous avons dit que la sagesse consiste à employer les moyens propres à atteindre un but donné. Le grand but du ministère chrétien est de glorifier Dieu dans le salut des âmes. Je me propose de montrer à ce sujet :
I. Qu’il faut une grande sagesse pour s’acquitter convenablement des devoirs du ministère.
II. Que (toutes choses d’ailleurs égales) le succès du ministère est proportionné à la sagesse dont il a été accompagné. Je reprends.
I. Il faut une grande sagesse pour s’acquitter convenablement des devoirs du ministère.
1° Il la faut à cause des oppositions qu’il rencontre.
L’objet du ministère a contre lui par sa nature la plus puissante opposition des pécheurs eux-mêmes. Si les hommes étaient disposés à recevoir l’Évangile, et qu’il ne fallût absolument autre chose que de raconter l’histoire de la rédemption, chaque enfant pourrait s’acquitter de ce message. Mais les hommes sont opposés à l’Évangile ; ils s’opposent à leur propre salut quand il leur vient par cette voie ; souvent leur opposition est violente et raisonnée.
J’ai vu une fois un fou qui avait formé le projet de s’ôter la vie, et qui développait la dernière sagacité et toutes les ruses imaginables pour arriver à ses fins. Il faisait croire à ses gardiens qu’il n’avait plus aucune pensée de s’ôter la vie ; il paraissait doux et de sens rassis ; mais au moment où le gardien ne s’y attendait pas, il recommençait ses efforts pour s’ôter la vie. Les pécheurs usent des mêmes artifices pour échapper à ceux qui veulent les sauver ; et c’est pour cela que les ministres ont besoin d’une grande sagesse.
2° Les moyens qui doivent être employés dans cette œuvre prouvent également la nécessité d’une grande sagesse chez le ministre.
Si les hommes se convertissaient par un acte de toute-puissance physique qui créerait chez le pécheur de nouveaux goûts ou autres choses semblables, et si la sanctification n’était autre chose que cette même toute-puissance qui déracinât de l’âme les mauvais germes qu’elle contenait, il ne faudrait pas, pour gagner les âmes, tant d’habileté et d’adresse, et notre texte n’aurait plus de sens. Mais la vérité est que la régénération et la sanctification ne s’effectuent que par des moyens moraux, par des motifs et non par la force. La vérité évangélique est le moyen extérieur présenté d’abord par l’homme, puis par le Saint-Esprit.
Considérez l’opposition que fait le pécheur, et vous verrez que c’est la sagesse de Dieu et le pouvoir moral du Saint-Esprit seul qui peut détruire cette opposition et soumettre l’âme à Dieu ; mais Dieu a voulu que cette œuvre se fît par des moyens appliqués avec attention, sagesse et discernement.
3° Le ministre est chargé de surmonter les pouvoirs de la terre et de l’enfer.
Comment n’aurait-il pas un pressant besoin de sagesse ? Le diable est constamment à l’œuvre, cherchant à empêcher les succès des serviteurs de Dieu, à détourner leur propre attention de dessus les choses religieuses, et à repousser le pécheur loin de Dieu et sur le chemin de l’enfer. Presque toute la constitution de la société est hostile à la religion ; presque toutes les influences qui entourent un homme depuis le berceau jusqu’à la tombe travaillent à l’encontre du ministère évangélique. Quand les pouvoirs des ténèbres et l’influence du monde presque entier s’unissent aux mauvaises dispositions du pécheur, ne faut-il pas de la sagesse pour s’opposer à tant d’ennemis ?
4° La même conclusion ressort de l’importance infinie du but même que se propose le ministre.
Cette importance comparée aux difficultés de l’œuvre ne fait-elle pas facilement répéter avec l’apôtre : « Qui est suffisant pour de telles choses ? »
5° Le ministre doit savoir réveiller l’Église et l’empêcher de s’opposer à la conversion des pécheurs.
C’est souvent la partie la plus difficile du travail d’un ministre ; et une fonction qui demande plus de sagesse et de patience qu’aucune autre. Aussi est-ce un point sur lequel presque tous les prédicateurs se montrent faibles. Ils ne s’entendent pas à réveiller l’Église, à y relever le ton de la piété et à aplanir ainsi le chemin de la conversion des pécheurs. Il y en a un grand nombre qui savent très bien prêcher aux inconvertis, mais qui obtiennent pourtant peu de succès, parce que l’influence contradictoire de l’Église résiste à leur action, et qu’ils n’ont pas l’habileté nécessaire pour écarter ce dernier obstacle.
Il n’y a dans nos contrées qu’un très petit nombre d’hommes qui sachent sonder l’Église lorsqu’elle est dans un état de froideur et d’incrédulité, de manière à la réveiller. Les membres de l’Église pèchent contre une si grande lumière, que, lorsqu’ils tombent dans le relâchement, il est très difficile de les exciter de nouveau. Ils ont une forme de piété qui repousse la vérité avec une sorte de vigilance, et leur religion manque absolument de puissance et d’efficace. Des gens de cette espèce sont les êtres qu’il est le plus difficile de ranimer. Je ne veux pas dire qu’ils soient toujours plus méchants que des pécheurs impénitents. Ce sont souvent des hommes employés à la partie machinale de la religion, et qui passent pour de très bons chrétiens ; mais ils sont inutiles dans un réveil.
Il y a quelquefois des ministres qui s’étonnent d’entendre dire qu’une église soit dans le sommeil ; il ne faut pas être surpris que des hommes de cette sorte ne sachent comment s’y prendre pour réveiller une église. Nous avons entendu, l’autre jour, prêcher un jeune candidat qui semblait vouloir tout mettre en feu ; mais il était si parfaitement aveugle sur ce sujet, qu’il croyait toutes les églises de New-York en plein réveil. Il y eut de même grand bruit et grande dispute il y a quelques années, parce que plusieurs disaient que les églises étaient assoupies. C’était parfaitement vrai ; mais plusieurs ministres, qui n’y connaissaient rien, s’étonnaient d’entendre parler ainsi.
Quand les choses en sont venues au point que les ministres eux-mêmes ne savent ce que c’est qu’une église endormie, il ne faut pas s’étonner s’il n’y a point de réveil. Je fus invité un jour à prêcher en un certain endroit. Je demandai au pasteur quel était l’état de l’église. « Oh ! » Me dit-il, ils sont réveillés jusqu’au dernier homme ! » Je me réjouissais à l’idée de travailler dans une église pareille ; car je n’avais encore jamais vu toute une église dans cet état. Mais quand j’y arrivai, je trouvai tout le troupeau endormi, et peut-être jusqu’au dernier homme.
Tenir l’église éveillée est donc la grande difficulté lorsqu’on veut réveiller les pécheurs ; car ce sont deux choses bien différentes d’être secoué un moment et de faire grand bruit pendant quelques jours, ou bien d’avoir les yeux habitués à la lumière, d’avoir déjà vécu à l’école du Saint-Esprit, et de savoir trouver Dieu et travailler pour Christ.
6° Le ministre doit savoir employer l’Église quand elle est éveillée.
Un ministre qui se met seul à l’œuvre essaie de rouler un rocher jusqu’au haut d’une montagne. L’Église doit coopérer ; et elle peut beaucoup faire ; on a vu des réveils puissants se faire sans l’entremise d’un prédicateur. Mais quand un ministre sait s’y prendre avec une église déjà réveillée, quand il sait s’asseoir au gouvernail et la diriger, il peut se sentir fort ; et souvent il trouvera qu’elle fait plus que lui-même pour la conversion des pécheurs.
7° Pour obtenir du succès, le ministre doit déployer de la sagesse dans la manière dont il emploie l’Église.
Souvent les membres du troupeau ressemblent à des enfants : Mettez les enfants à un ouvrage, ils vous paraîtront d’abord tout occupés ; mais pas plutôt vous aurez tourné le dos qu’ils s’arrêteront et iront s’amuser. C’est ici qu’est la grande difficulté pour la continuation d’un réveil.
Il faut une grande sagesse pour savoir ramener à l’humilité une église qui s’élève pour avoir reçu des grâces, ou qui se relâche après avoir fait quelques efforts. Et cependant si un ministre désire gagner des âmes, il faut qu’il sache connaître quand le troupeau qui lui est confié commence à s’enorgueillir ou à perdre l’Esprit de prière. Il faut qu’il sache la sonder de nouveau et ramener ses ouvriers dans le champ pour y recueillir la moisson du Seigneur.
8° Il faut aussi qu’il comprenne l’Évangile.
Vous me demanderez peut-être si tous les ministres ne le comprennent pas. Je réponds que certainement ils ne le comprennent pas tous de même, puisqu’ils ne le prêchent pas tous de même.
9° Il doit savoir le « distribuer » de manière à avancer telles et telles vérités particulières en tel ou tel ordre, et à les faire porter sur les sujets et dans les moments les plus propres à produire de l’effet.
Un ministre doit connaître la philosophie de l’esprit humain pour distribuer ses travaux de la manière la plus efficace possible. Il doit savoir présenter la vérité de manière à humilier les chrétiens ou à exciter leur sympathie envers les pécheurs, ou à réveiller et convertir ces derniers.
Souvent, après avoir réveillé les pécheurs, on perd le terrain qu’on avait gagné, faute de savoir pousser son avantage. Peut-être a-t-on prêché un sermon propre à émouvoir, et les pécheurs ont-ils été ébranlés ; puis, le dimanche suivant, on amènera quelque chose qui n’a aucun rapport avec l’état de l’assemblée. Il faut savoir suivre et entasser ses coups pour briser le pécheur et l’amener captif. Il se perd un grand nombre de bons sermons par le défaut de sagesse que j’indique ici.
L’auditoire se voit porté sans suite d’un sujet à l’autre, et un ministre peut se tuer de peine à prêcher ainsi au hasard sans jamais produire un grand effet. Il convertira par-ci par-là quelques âmes isolées ; mais il ne mettra point en mouvement toute une congrégation, à moins de savoir donner à son action une suite, et de calculer son plan d’opérations. Il ne doit pas seulement être en état de sonner de la trompette avec assez de force pour réveiller le pécheur de sa léthargie ; mais il doit savoir, quand celui-ci est réveillé, le conduire au Sauveur par le chemin le plus court. Il faut bien se garder, quand les pécheurs ont été réveillés par un discours, de se mettre d’abord après à prêcher sur quelque sujet tout différent.
10° Il faut encore une grande sagesse pour atteindre différentes classes de pécheurs.
Par exemple : on a prêché un sermon sur un sujet particulier qui a frappé une certaine classe des auditeurs ; peut-être qu’ils deviennent sérieux et qu’ils en parlent, ou peut-être qu’ils s’en moquent. Si le ministre est sage, il saura observer ces différents indices et les suivre avec soin, par des sermons adaptés à la portion de ses auditeurs qui a été touchée et jusqu’à ce qu’il les ait introduits dans le royaume de Dieu. Il retournera ensuite en arrière pour s’attacher à une autre classe de ses auditeurs, pour découvrir où ils se cachent et se retranchent, pour renverser leurs retraites et les suivre à leur tour jusqu’à ce qu’il les introduise, eux aussi, dans le royaume de Dieu.
Il devra aussi battre chaque buisson dans lequel se cachent quelques pécheurs, comme la voix de Dieu criait à Adam dans le jardin : « Adam, où es-tu ? » Jusqu’à ce qu’une classe après l’autre soit prise, et qu’ainsi l’auditoire tout entier soit amené à Christ. Il faut bien de la sagesse pour faire tout cela ; car un ministre doit s’attacher à poursuivre tous les groupes de ses auditeurs, vieux et jeunes, hommes et femmes, riches et pauvres.
11° Un ministre a besoin de sagesse pour chasser les pécheurs de leur refuge sans leur en susciter lui-même de nouveaux.
J’ai vécu pendant quelque temps sous le ministère d’un homme qui avait conçu une grande alarme au sujet des hérésies, et qui s’employait constamment à réfuter les unes ou les autres. Il avait coutume d’en traiter une quantité dont son troupeau n’avait jamais entendu parler ; car il puisait ses idées dans des livres, et il se mêlait fort peu avec ses paroissiens pour savoir ce qu’ils pensaient. Le résultat de tous ses travaux fut souvent que le peuple adoptait l’hérésie, plutôt que la réfutation : parce que la nouveauté de l’erreur attirait tellement leur attention, qu’ils oubliaient ce qu’on lui avait opposé. Si un homme ne se mêle pas assez avec ses semblables pour connaître les pensées du jour et les erreurs courantes, il ne peut s’attendre à avoir la sagesse nécessaire pour repousser les objections et les difficultés.
J’ai entendu prêcher contre les universalistes (contre ceux qui croient que tous les hommes finiront par être sauvés) bien des sermons qui ont fait plus de mal que de bien, parce que les prédicateurs ne savaient pas comment résonnent les universalistes d’aujourd’hui ; ils n’ont jamais conversé avec eux, et ils n’ont puisé leurs idées sur l’universalisme que dans des livres écrits depuis longtemps, et qui sont surannés chez les universalistes eux-mêmes. La conséquence en est que, lorsque ces ministres prêchent sur ce sujet, ils se battent contre un homme de paille et non contre l’universalisme qui pourrait se trouver dans leur auditoire. Et alors les gens se moquent du prédicateur, ou disent qu’il n’avance que des faussetés.
Presque tous ceux qui prêchent ou écrivent contre cette doctrine se croient appelés à combattre l’idée qu’il n’y a en Dieu d’autre attribut que la miséricorde ; ils croient que c’est là la doctrine des universalistes, tandis qu’il n’en est rien. Ceux d’à présent rejettent, au contraire, entièrement l’idée de miséricorde dans le salut des hommes, et prétendent que chaque homme est puni dans la pleine proportion de ce qu’il a mérité.
A quoi sert donc de prouver contre les universalistes que Dieu est un Dieu de justice aussi bien que de miséricorde, quand ils regardent la justice de Dieu toute seule comme le fondement de leur salut ? De même, et encore contre la doctrine des universalistes, j’ai entendu attaquer l’idée que les hommes seraient sauvés dans leurs péchés. Or, les universalistes ne croient à rien de pareil ; car ils disent, au contraire, que tous les hommes finiront par être sanctifiés, et que c’est de cette manière qu’ils seront sauvés.
Ceci montre combien il importe de connaître les sentiments des gens avant d’essayer de les redresser. Il est inutile de faire, en face d’un homme, une fausse exposition de ses doctrines pour essayer ensuite de le mieux instruire. Si vous établissez mal les vues ou les arguments d’un adversaire, ou il se fâchera, ou il rira sous cape de l’avantage que vous lui donnez, et il dira : « Cet homme ne peut raisonner avec moi loyalement, et pour réfuter ma doctrine il est obligé de la défigurer ». Sans doute, des ministres ne font pas pareille chose à dessein ; mais le résultat est toujours que de pauvres misérables créatures descendent en enfer, victimes de l’erreur, parce que des ministres ne prennent pas soin de s’informer par eux-mêmes de ce que sont réellement les erreurs régnantes. Là donc encore, il faut du travail, du soin et de la sagesse.
12° Les ministres doivent savoir qu’elles sont les mesures le mieux calculées pour atteindre le grand but de leur ministère, le salut des âmes.
Il y a certaines mesures qui sont d’une nécessité évidente pour gagner l’attention des hommes et les amener à écouter la vérité. Il faut bâtir des lieux de culte, visiter de maisons en maisons, et une foule d’autres choses qui ont toutes pour objet d’attirer l’attention des gens sur l’Évangile. Or pour toutes ces choses il faut beaucoup de sagesse.
Que font les hommes qui s’occupent de politique ? Ils ont des assemblées ; ils font circuler des billets et des brochures ; ils publient leurs idées dans les gazettes ; ils mettent sur des roues des bateaux chargés d’étendards et de bateliers pour parcourir les rues et attirer l’attention ; ils envoient par toute la ville des voitures chargées de cartes de convocation pour enregistrer des votants et amasser des suffrages. Tout cela sont des mesures sagement calculées pour atteindre leur objet ; ces hommes veulent gagner le peuple et le réunir ; or, ils savent qu’ils ne peuvent arriver à leurs fins que par l’excitation. Je ne prétends point que ces mesures soient pieuses, bonnes en elles-mêmes ; je dis seulement qu’elles sont sages, en ce sens qu’elles sont bien calculées pour atteindre leur objet.
Or l’objet du ministère est d’amener les hommes à sentir que le diable n’a pas le droit de gouverner ce monde ; mais que leur devoir à tous est de se donner à Dieu et de donner leurs votes au Seigneur Jésus-Christ, comme au Maître légitime de l’univers. Que faut-il donc faire ? « Gardez-vous des innovations », disent quelques-uns. Singulière chose ! Je dis, au contraire, que notre objet étant d’attirer l’attention, il nous faut avoir quelque nouveauté.
Comptez que, dès le moment où une mesure est stéréotypée, elle cesse d’attirer l’attention, et il vous faut chercher quelque chose de nouveau. Je ne dis pas qu’il faille tout changer ; mais toutes les fois que les circonstances exigent quelque chose de plus, il faut quelque chose de nouveau, sans cela vous manquez votre but. Sans doute un ministre ne devrait jamais introduire d’innovations sans nécessité ; s’il le fait, elles l’embrasseront ; il ne peut altérer l’Évangile ; l’Évangile reste le même ; mais il faut de temps en temps quelques nouvelles choses pour attirer l’attention du public sur cet ancien Évangile ; et alors un ministre doit savoir introduire des nouveautés de manière à créer le moins possible de résistance. Les hommes sont avides de formes en religion ; ils aiment que leurs devoirs à cet égard soient pétrifiés de manière à les laisser à l’aise ; et c’est pour cela qu’ils sont enclins à repousser toute innovation qui a pour but d’exciter chez eux quelque vie et quelque mouvement. Mais c’est pour cela aussi qu’il importe au plus haut degré d’introduire quelques sages innovations, de manière à ne pas fournir inutilement des occasions de résistance.
13° Il ne faut pas moins de sagesse chez le ministre pour arrêter des innovations qui seraient superflues.
Lorsqu’une mesure présente à elle seule assez de nouveauté pour attirer l’attention sur la vérité, il faut ordinairement n’en pas introduire d’autres. Vous avez atteint le but que se propose la nouveauté ; tout ce que vous feriez de plus risquerait de détourner l’attention publique de dessus votre grand objet et de la fixer sur vos mesures elles-mêmes. Le champ des innovations est si vaste, que, si vous abusez de ces mesures, vous finirez par choquer l’esprit public.
Soyons donc économes sur ce point. En usant avec sagesse du moyen de la nouveauté, nous pourrons rester dans le champ de celles qui sont sans reproche, puis, au bout de quelques années, ramener celles que nous avons introduites aujourd’hui et que nous pourrons abandonner dans quelque temps.
14° Pour gagner des âmes, un ministre doit savoir se conduire avec les pécheurs suivant qu’ils sont insouciants, déjà réveillés ou inquiets sur leur salut, de manière à les conduire à Christ par le chemin le plus court et le plus direct.
C’est une chose étonnante, que le nombre des ministres qui ne savent que dire aux pécheurs dans leurs différents états spirituels. Une bonne femme d’Albany me racontait qu’à l’époque où elle était fort travaillée, elle alla chez son pasteur pour le prier de lui indiquer ce qu’elle avait à faire pour trouver le repos. Il lui répondit que Dieu ne lui avait pas donné beaucoup d’expérience sur ce sujet, et l’adressa à tel et tel diacre, qui peut-être pourrait mieux lui parler. Le fait était qu’il ne savait que dire à un pécheur travaillé par l’Esprit de Dieu quoiqu’il n’y eût rien de particulier dans le cas dont il s’agit. Or, si vous croyez que ce ministre fût une rare exception, vous vous trompez grandement. Il y a des ministres qui ne savent que dire aux pécheurs.
Un ministre convoqua un jour une assemblée destinée aux pécheurs angoissés (an anxious meeting) ; puis, au lieu d’entrer successivement en quelque conversation avec les assistants, il se mit à leur faire cette question du catéchisme : « En quoi est-ce que Christ remplit l’office d’un sacrificateur ? » Question qui allait aussi bien au cas de plusieurs des assistants que toute autre question de théologie.
Je connais un autre ministre qui tenait une assemblée du même genre, et qui y arriva avec un discours écrit, qu’il avait préparé pour l’occasion. C’était juste aussi sage que si un médecin, avant d’aller faire ses visites, s’asseyait tranquillement pour mettre par écrit toutes sortes de recettes avant d’avoir vu ses malades. Un ministre doit connaître l’état spirituel des gens avant de pouvoir décider laquelle des vérités évangéliques il convient de leur administrer. Je dis ces choses non pour mon plaisir, mais parce que la vérité et l’objet que j’ai devant moi exigent que je les dise ; car des exemples du genre de ceux que j’ai mentionnés sont loin d’être rares.
Un ministre devrait surtout savoir appliquer la vérité à tous les cas d’un pécheur mourant, sur le point de tomber en enfer. En général, il devrait savoir prêcher, savoir prier, savoir tenir des assemblées de prière, et appliquer les doctrines aux différents cas. Ne faut-il pas pour toutes ces choses de la sagesse ?
II. Toutes choses d’ailleurs égales, le succès du ministère est proportionné à la sagesse dont il a été accompagné.
1° La chose est clairement décidée dans notre texte : « Celui qui gagne des âmes est sage ».
C’est-à-dire qu’il adapte avec habileté les moyens à sa fin ; et il se montrera plus sage, à proportion que le nombre des pécheurs qu’il sauvera sera plus grand. Un homme stupide pourra sans doute de temps à autre tomber sur quelque vérité ou sur une manière de la présenter qui sauve une âme. Ce serait bien malheureux, si un ministre n’avait pas de temps en temps dans ses discours un mot qui s’appliquât à quelque individu.
Mais la sagesse du ministère se montre, toutes choses d’ailleurs égales, par le nombre des conversions réelles qu’il opère (je dis réelles et non apparentes). Prenons encore le cas d’un médecin. Le plus misérable charlatan de New-York peut bien mettre la main de temps à autre sur une cure merveilleuse, et se faire ainsi une réputation auprès des ignorants ; mais les hommes sobres et judicieux jugent de l’habileté d’un médecin par l’uniformité de ses succès à guérir les maux, par la variété des maladies qu’il sait traiter, et par le nombre de cas où il a sauvé des malades. C’est le plus habile qui en sauve le plus ; voilà le bon sens, voilà la vérité.
2° Ce principe n’est pas seulement affirmé dans notre texte ; c’est une vérité de fait : « Celui qui gagne des âmes est sage » ; il a employé les moyens les plus propres à atteindre son objet.
3° Le succès à sauver les âmes est une preuve qu’un homme comprend l’Évangile.
Qu’il connaît la nature humaine ; qu’il a du bon sens, et qu’il a cette espèce de tact, ce discernement pratique qui nous apprend comment nous pouvons arriver au cœur des autres. Si son succès est étendu, cela prouve qu’il sait se conduire avec une grande variété de caractères et dans des circonstances très différentes, toutes également hostiles à l’œuvre de Dieu.
4° Le succès à gagner des âmes prouve non-seulement qu’un ministre est sage, mais aussi qu’il sait où puiser ses forces.
Vous savez qu’on exprime souvent des craintes au sujet des ministres qui visent le plus directement et le plus sérieusement à la conversion des pécheurs. « Cet homme », dit-on, « travaille dans sa propre force ! On dirait qu’il s’imagine qu’il va convertir les âmes lui-même ». Mais combien de fois l’événement a prouvé que cet homme savait bien ce qu’il faisait, et qu’il savait bien aussi où était sa force. Il travaillait à convertir les pécheurs, comme si tout dépendait de lui : mais c’était, en effet, son devoir : il devait raisonner et plaider avec les pécheurs, aussi fidèlement et aussi ardemment que s’il n’avait attendu aucune interposition de l’Esprit de Dieu, et comme si cet Esprit n’existait pas. Mais quand un homme fait ces choses avec succès, cela prouve qu’après tout il sait très bien que tout son succès dépend de Dieu seul. Mais il faut planter et arroser.
Objection.
Il y a des personnes qui puisent une objection contre ce que je viens d’avancer, dans une certaine vue qu’elles se sont faite du ministère de Jésus-Christ. « Jésus n’était-il pas sage » dit-on, « et quel fut cependant le succès visible de son ministère ? » Sans doute il était infiniment sage ; mais nous répondrons à cette objection :
1° Que son ministère eut bien plus de fruits qu’on ne le pense en général. Nous lisons, dans un des écrivains sacrés : « ...qu’il fut vu, après sa résurrection de plus de cinq cents frères à la fois (1 Corinthiens 15 v. 6 ) ». S’il se trouva en une seule fois cinq cents frères réunis, il doit y en avoir eu un bien grand nombre répandus dans le pays.
2° Mais considérez surtout le dessein particulier de son ministère. Son grand objet était de faire expiation pour les péchés du monde, et non de susciter momentanément un réveil. La « dispensation de l’Esprit » n’était pas encore donnée. Il ne prêcha pas l’Évangile aussi ouvertement que le firent plus tard ses apôtres ; parce que les préjugés du peuple étaient si enracinés et si profonds, qu’il n’aurait pu supporter cette prédication.
Et la preuve qu’en effet il ne jugea pas à propos d’annoncer encore l’Évangile dans sa pleine clarté, c’est que ses apôtres, qui vécurent constamment avec Lui pendant quelques années, n’avaient pas encore compris de son vivant la doctrine de la rédemption, ni pu se persuader qu’il allait mourir : quand ils apprirent sa mort, ils se désespérèrent et pensèrent que tout était perdu.
Il y a beaucoup de ministres qui, n’ayant que peu ou point de succès, se cachent derrière ce ministère de Jésus-Christ ; mais ils ne réfléchissent pas que, comparativement aux circonstances dans lesquelles il travaillait, et que, prêchant avant sa propre mort expiatoire et avant l’effusion du Saint-Esprit, il eut des succès proportionnellement immenses. D’ailleurs, cette place est bien la dernière au monde où un ministre qui manque de succès devrait aller se cacher.
Remarques additionnelles.
1. Un ministre peut être très savant et manquer de sagesse. Il y a, en effet, des ministres qui savent toutes les sciences physiques, morales et théologiques ; ils connaissent toutes les langues mortes, et cent autres objets de ce genre ; mais l’expérience prouve qu’ils ne sont pas sages : « Celui qui gagne des âmes est sage ».
2. Un ministre peut être pieux et instruit, et cependant manquer de sagesse. Il n’est pas équitable de conclure de ce qu’un ministre n’a pas de succès, qu’il est un hypocrite : Il peut y avoir eu quelque chose de défectueux dans son éducation, il peut manquer de bon sens jusqu’à un certain degré, et cependant être sauvé ; « mais comme à travers le feu (1 Corinthiens 3 v. 15) ».
3. Un ministre peut être très sage sans être savant. Il peut ne pas connaître les langues mortes ou la théologie dans le sens ordinaire du mot, et savoir cependant précisément ce que doit savoir un ministre de l’Évangile. Savant et sage sont deux choses très différentes : L’histoire de l’Église de Christ dans tous les âges le prouve abondamment. Les Églises sont très disposées, lorsqu’elles cherchent un pasteur, à chercher un homme savant. Je ne veux nullement mépriser la science ; plus un ministre en aura, mieux cela vaudra, pourvu qu’il soit en même temps sage sur le grand point qui constitue sa vocation. Mais s’il manque, sur ce dernier point, toute sa science lui deviendra inutile et souvent même nuisible.
4. Le défaut de succès chez un ministre (toutes choses d’ailleurs égales) prouve :
A. Ou qu’il n’a jamais eu de véritable vocation pour son œuvre, et qu’il n’a agi que de son propre, mouvement.
B. Ou qu’il a été mal élevé et mal instruit.
C. Ou qu’il est paresseux ou infidèle.
5. Ceux-là sont les ministres les mieux élevés qui gagnent le plus d’âmes. Souvent on méprise un prédicateur, et on l’appelle ignorant, parce qu’il ne connaît pas les sciences et les langues, quoiqu’il soit loin d’ignorer le grand objet pour lequel il est ministre. C’est très mal. La science est importante et habituellement utile ; mais après tout, c’est « l’homme qui gagne le plus d’âmes qui est le plus sage ».
6. Il y a évidemment un grand défaut dans la méthode actuelle de former des ministres. Ceci est un fait solennel sur lequel l’attention de l’Église doit être vivement dirigée, savoir que la grande masse des jeunes ministres qu’on forme dans les séminaires produit fort peu d’effet.
Sont-ils propres, en effet, je le demande, à entrer dans un réveil ? Voyez les endroits où il s’en est déclaré un, et où l’on a besoin d’un pasteur. Qu’on l’envoie chercher dans un séminaire ; le jeune homme saura-t-il entrer dans l’œuvre, la maintenir et la continuer ? Bien rarement.
Comme David chargé de l’armure de Saül, il arrive chargé, d’une lourde friperie théologique dont il ne sait que faire. Laissez-le la quinze jours et le réveil est à bout. Les églises savent et sentent que la grande majorité de ces jeunes gens ne savent absolument comment s’y prendre pour conduire un mouvement religieux, et qu’ils restent loin en arrière, des troupeaux. Vous trouverez cet état de choses dans toute l’étendue des États-Unis ; quelle calamité !
L’éducation des jeunes ministres devrait, les préparer à l’œuvre spéciale à laquelle ils se destinent ; mais au lieu de cela, on leur donne une éducation générale qui s’appliquerait à tout ; et on les entretient même souvent de matières insignifiantes. Leur esprit se promène à travers un champ trop vaste, qui détourne leur attention de son grand objet, et ainsi ils se refroidissent sur le point de la religion, et deviennent complètement malhabiles et maladroits à gagner des âmes. Que l’éducation apprenne donc aux jeunes gens ce qu’ils doivent savoir et non ce dont ils n’ont aucun besoin.
Gardez-vous surtout de les élever de manière à ce qu’après avoir passé à l’étude six, huit ou dix ans, ils ne vaillent pas la moitié moins de ce qu’ils valaient en commençant. Un ancien d’une église du voisinage me disait dernièrement qu’un jeune homme avait travaillé pendant quelque temps au milieu d’eux comme laïque ; qu’il y avait conduit des assemblées de prière, et s’y était montré extrêmement utile. On l’envoya au séminaire. Mais lorsqu’au bout de quelque temps on eut besoin de son secours, il était complètement changé, il ne produisait plus aucune impression, et l’église déclara que tout périrait sous sa conduite.
Il dut donc quitter cette œuvre, parce qu’il était absolument incapable de la conduire. C’est un fait très commun parmi de jeunes ministres qui s’emploient avec fruit à l’œuvre de Dieu, d’affirmer que leur cours d’études ne leur a fait que peu ou point de bien, et qu’il leur a fallu même oublier bien des choses avant de pouvoir agir avec fruit. Je ne dis pas ceci dans un esprit de censure, mais c’est sérieux et grave ; je le dis dans l’amour de Dieu et de mon prochain.
Supposons que vous vouliez former un chirurgien pour la marine ; il faut l’envoyer à l’école de médecine. Mais si vous lui apprenez la navigation, vous en ferez un marin, et non un chirurgien. On devrait apprendre aux ministres à connaître ce qu’est la Bible, et ce qu’est l’esprit de l’homme, puis leur montrer comment on applique l’un à l’autre.
7. Je recommande encore une fois le bon sens. Il ne se trouve pas toujours avec la piété et le savoir.
8. Nos jeunes gens sont trop enfermés dans leurs écoles et confinés dans les livres, ce qui fait qu’ils ignorent la manière de penser de la masse du peuple. C’est ce qui explique comment il se fait que des gens simples, habitués aux affaires et qui connaissent la nature humaine, sont dix fois mieux qualifiés pour gagner des âmes et dix fois plus propres au ministère, que ceux qui sont élevés dans le principe dont je parle. On les appelle des gens sans éducation. C’est une grande erreur. Ils ne sont pas instruits dans les sciences, mais ils le sont dans les choses dont ils ont besoin comme ministres ; et ainsi ils sont plus propres à leur œuvre que s’ils avaient traversé tout l’attirail des études ordinaires.
9. Le succès d’une mesure quelconque prise pour favoriser un réveil en démontre la sagesse, sauf ces deux exceptions.
A. Une mesure peut n’être introduite que pour l’effet et que pour produire une excitation momentanée. Si elle est telle qu’en la considérant après coup on y trouve quelque chose de déplacé ou de ridicule, elle apparaîtra comme une mesure de charlatanisme, et elle finira par faire du mal.
B. Souvent un puissant réveil peut avoir lieu par des causes qui n’ont pas été apparentes et malgré certaines mesures peu convenables qu’on aura prises. Mais quand il est évident que la bénédiction est arrivée à la suite d’une certaine mesure, alors cette mesure est sage, quoique puissent en penser la timidité ou le préjugé de plusieurs. Alors c’est une chose profane que de dire que cette mesure fera plus de mal que de bien. Dieu sait ce qu’il a à faire. Son but est de produire la plus grande somme de bien possible ; et certainement il n’accordera pas sa bénédiction à une chose qui ferait plus de mal que de bien.
Quelquefois peut-être il ne bénira pas une mesure qui semble faite pour produire du bien, parce que ce serait aux dépens d’un autre bien plus grand encore ; mais jamais il ne bénira une mesure mauvaise en elle-même. On ne peut tromper Dieu. Il pourra bénir certains travaux malgré quelques défauts qu’on y mêlera ; mais quand il semble évident que c’est le moyen même qu’on a employé qui a été béni, c’est faire un reproche à Dieu même que d’accuser ce moyen de manquer de sagesse. Que celui qui voudrait le faire y prenne garde.
10. Il est évident qu’on a souvent critiqué à tort les mesures éminemment et continuellement bénies de Dieu pour l’avancement d’un réveil. Sans doute les horribles imprécations d’un impie ont pu être en telle occasion le moyen dont Dieu s’est servi pour réveiller un pécheur moins endurci que le jureur ; mais les cas de ce genre sont rares, et Dieu ne fait pas d’ordinaire tourner l’impiété à cette fin. Mais, lorsqu’une mesure est continuellement ou habituellement bénie, alors que l’homme, qui se croit plus sage que Dieu, prenne bien garde de contester avec lui !
11. Les chrétiens devraient beaucoup prier pour les ministres. Frères, si vous sentiez combien les ministres ont besoin de sagesse pour remplir avec fruit les devoirs de leur vocation, combien tous sont ignorants, « incapables par eux-mêmes de penser quelque chose, comme d’eux-mêmes », vous prierez pour eux beaucoup plus que vous ne le faites, pour peu du moins que vous vous intéressiez au succès de leurs travaux. Se plaindre des ministres, lorsqu’on ne les soutient pas par ses prières, c’est tenter Dieu.
Vous n’êtes pas fondés à attendre quelque heureux résultat des travaux d’un ministre, ni à voir vos familles converties par sa prédication, si vous négligez de prier pour lui. Il en est de même pour les païens et partout. Au lieu de toujours demander à Dieu uniquement de pousser davantage d’ouvriers dans la mission, vous devez lui demander de donner aux ministres sa sagesse pour gagner les âmes, et de faire de tous ceux qu’il envoie des scribes bien instruits dans le royaume de Dieu.
12. Les membres de l’Église qui, sans être ministres, savent gagner les âmes, doivent être réputés sages ; et ce n’est pas à eux qu’on peut appliquer l’épithète « d’ignorant ». Et ces ecclésiastiques qui ne savent pas comment convertir les pécheurs ne devraient pas, en tant que chrétiens, être appelés sages. Celui-là seul qui gagne les âmes est sage. Ils pourront bien être versés dans la politique, dans toutes les sciences, habiles dans l’administration des affaires ou d’autres choses semblables, et jeter les yeux avec dédain sur ceux qui gagnent les âmes, comme sur des hommes simples et ignorants ; mais s’il s’en trouvait parmi vous qui fussent dans ces tristes dispositions, et qui méprisassent ceux qui gagnent les âmes, comme n’étant pas aussi sages ni aussi habiles qu’eux-mêmes, je leur dirais : « Vous vous décevez ». Vous possédez quelques connaissances qu’ils n’ont pas, mais ils savent, eux, ce qu’il importe le plus à un chrétien de connaître ; et vous, vous l’ignorez.
Supposons, pour mieux me faire comprendre, un ministre qui se rende à bord d’un navire, et qui, quoique instruit, ne sache nullement comment s’y prendre pour organiser un vaisseau. Il commence à questionner les matelots sur ceci, sur cela ; à quoi servent ces câbles, etc. « Comment ! » lui répondront-ils, « ce ne sont pas là des câbles, nous n’avons qu’un câble dans le vaisseau ; on appelle cela des agrès. Ce que cet homme dit-là n’a pas le sens commun ». Et ce ministre, par son ignorance en marine, deviendra peut-être la risée des matelots. Mais, s’il leur débitait la moitié seulement de sa science sur d’autres points, il serait peut-être pris alors pour un sorcier qui sait tout. C’est ainsi que des étudiants peuvent parfaitement savoir leur hic, hoc, se moquer d’un chrétien humble et vivant, en le traitant d’ignorant, quoiqu’il s’entende à gagner plus d’âmes que cinq cents d’entre eux.
Je fus un jour vivement peiné d’entendre un ministre parler avec mépris d’un jeune prédicateur dont la conversion avait été accompagnée de circonstances remarquables, et qui fut autorisé à prêcher sans avoir fait d’études régulières. Ce ministre qui n’avait jamais, ou du moins très peu, été connu pour convertir les âmes, parlait de ce jeune homme d’un ton hautain et dédaigneux, parce qu’il n’avait pas eu l’avantage de jouir d’une éducation libérale, tandis qu’en réalité il était l’instrument de la conversion de vingt fois plus d’âmes que lui.
Je ne voudrais rien dire qui dépréciât, ou qui fit déprécier, une éducation complète pour les ministres. Mais je n’appelle pas complète celle qu’ils reçoivent dans les collèges et dans les écoles de théologie. Cette éducation est loin de les rendre propres pour leur vocation ; l’expérience est là pour le prouver. Parcourez les rapports de la Société des missions indigènes. Si je ne me trompe, en 1830, le nombre des conversions opérées par les missionnaires de cette Société était de cinq par missionnaire ! Je crois qu’il s’est accru depuis lors ; mais il reste encore excessivement petit comparé à ce qu’il aurait pu être si les missionnaires avaient reçu une éducation plus en rapport avec l’œuvre à laquelle ils se vouaient. Je ne dis pas cela pour leur faire des reproches ; au contraire, je les plains de tout mon cœur ; et je plains aussi l’Église d’être obligée de supporter des ministres pareils, ou de n’en point avoir ; car ce sont les meilleurs qu’ait pu se procurer la Société.
On trouvera peut-être que j’aurais mieux fait de ne pas en parler, mais la chose est trop vraie et trop pénible pour que je la tienne cachée. Ceux qui ont élevé nos jeunes ministres sont des hommes estimables ; mais ils n’appartiennent pas à notre temps et ont d’ailleurs une trempe autre que celle que requièrent ces jours de réveil dans lesquels nous vivons et où le monde et l’Église naissent à de nouvelles pensées et à de nouvelles actions.
Ces chers frères ferment les yeux là-dessus, je suppose ; et ils trouvent que je parle un peu rudement. Mais je plaide la cause de Christ. Quelques-uns d’entre eux, affaiblis par la vieillesse, vont laisser leur place à de plus jeunes, qui, par leur âge, ne seront pas physiquement incapables de suivre les mouvements progressifs de l’Église. A mes yeux, il est de toute évidence que, à moins que nos professeurs en théologie ne prêchent beaucoup, ne communiquent avec l’Église et ne sympathisent avec elle dans tous ses mouvements, il est moralement impossible qu’ils puissent élever des jeunes gens dans l’esprit de leur siècle.
C’est une honte et un péché de ne prêcher qu’à de rares intervalles et d’abandonner les devoirs actifs du ministère, pour s’asseoir dans son cabinet et envoyer de là par écrit des avis, des conseils, des ordres aux églises et ministres qui seuls sont capables de discerner ce qui convient d’avec ce qui ne convient pas, et de juger de l’utilité ou du danger de telle ou telle mesure. Autant vaudrait pour un général s’établir dans sa chambre à coucher pour livrer une bataille.
Deux ministres s’entretenaient un jour d’un autre ministre peu instruit, mais dont les travaux avaient été couronnés par la conversion de plusieurs milliers d’âmes. L’un d’entre eux disait : « Cet homme devrait discontinuer ses prédications et entrer dans un séminaire pour y suivre un cours régulier d’études ; il pourrait ainsi devenir très utile ». L’autre lui répondit : « Et croyez-vous qu’il serait plus utile pour avoir été dans un séminaire ? Montrez-moi tous ceux qui en sont sortis, et je vous défie d’en trouver un seul qui ait porté plus de fruits que lui. Non, monsieur, le fait est que, depuis que cet homme a embrassé le saint ministère, il a été un instrument plus béni pour la conversion des âmes que tous les jeunes gens qui, dans le temps, sont sortis de cette école ». Quelle logique ! S’arrêter, se rendre dans un séminaire, s’y préparer pour convertir les âmes, quand actuellement on en convertit plus que tous ceux qui en sont sortis !
Je désire vous demander, en terminant, lequel d’entre vous peut prétendre à la possession de la divine sagesse dont nous venons de parler. Le pouvez-vous, vous laïques ? Vous ministres ? Le puis-je, moi ? Travaillons-nous avec sagesse pour gagner les âmes ? Ou tenterions-nous peut-être de nous persuader que le succès n’est pas le critérium de la sagesse ? Je dis que s’en est la pierre de touche d’après laquelle chacun peut s’examiner. Toutes choses étant égales, les fruits donnent la mesure de la sagesse qu’un ministre a employée dans l’exercice de ses fonctions.
Qu’ils sont peu nombreux parmi vous ceux qui n'ont jamais eu assez de sagesse pour gagner un seul pécheur ! N’allez pas dire : « Je ne puis convertir les pécheurs ? Comment cela me serait-il possible ? C’est Dieu seul qui le peut ». Regardez notre texte : « Celui qui gagne les âmes est sage », et ne croyez pas pouvoir échapper à cette sentence.
Oui, c’est Dieu qui convertit les pécheurs ; mais dans un sens se sont aussi les ministres. Et vous avez quelque chose à faire ! Et si vous le faites bien, vous serez sûrs de la conversion des pécheurs, en proportion que vous aurez déployé plus de sagesse. Si vous ne l’avez jamais fait, il est grand temps d’y penser pour vous-mêmes, et de vous demander si vous avez assez de sagesse pour sauver vos propres âmes.
Hommes ! Femmes ! Cette sagesse vous est imposée comme un devoir ; et c’est pour l’avoir négligée que vous avez peut-être des amis, des enfants qui se trouvent en enfer. Cette ville, le monde entier marche et tombera dans la perdition si l’Église ne s’occupe pas sérieusement de ce qu’elle doit faire pour gagner les âmes. Les hommes politiques sont sages ; les enfants de ce monde sont prudents en leur génération, et savent fort bien les moyens qu’il faut employer pour en venir à leurs fins ; et nous, ignorant ce que nous devons faire, comment et par quel bout mettre la main à l’œuvre, nous laissons les pécheurs tomber dans la perdition !...
Un message de Charles Finney
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