Les faux chrétiens

Les faux chrétiens

Ils sont très nombreux encore aujourd'hui ceux qui font profession de craindre Dieu et qui, tout en ayant peut-être une certaine crainte de Dieu, servent néanmoins « leurs propres dieux ». Ils ont en effet d'autres objets de confiance et d'affection qu'au fond du cœur.

« Ils craignaient l’Éternel et ils servaient en même temps leurs dieux (2 Rois 17 v. 33) ». Quand les dix tribus d'Israël furent emmenées captives par le roi d'Assyrie, celui-ci établit à leur place des étrangers appartenant à différentes nations idolâtres qui ne connaissaient rien de la religion des Israélites. Les bêtes sauvages se multiplièrent aussitôt dans le pays et les lions détruisirent beaucoup de monde ; ces étrangers pensèrent alors que tout cela leur arrivait parce qu'ils ne connaissaient pas le dieu du pays et que, par ignorance, ils avaient transgressé sa religion.

Ils en informèrent le roi d'Assyrie qui leur dit de s'adjoindre l'un des prêtres des Israélites pour qu'il leur enseignât la manière de servir le dieu du pays. Ils se rangèrent à cet avis et obtinrent qu'un prêtre israélite vint à Béthel et leur enseignât les cérémonies religieuses pratiquées auparavant en Israël. Ce prêtre leur enseigna à craindre Jéhovah comme le Dieu de la contrée ; mais ils ne reçurent point Jéhovah comme le seul Dieu. Ils le craignirent, c'est-à-dire qu'ils craignirent sa colère et ses jugements et que, pour les détourner, ils accomplirent les rites qu'on leur enseignait. Mais ils « servaient » leurs propres dieux. Ils conservèrent leur culte idolâtre et c'était celui qu'ils préféraient et qu'ils aimaient, bien qu'ils se sentissent tenus de témoigner quelque respect à Jéhovah, comme au dieu de la contrée.

Ils sont très nombreux encore aujourd'hui ceux qui font profession de craindre Dieu et qui, tout en ayant peut-être une certaine crainte de Dieu, servent néanmoins « leurs propres dieux. » Ils ont en effet d'autres objets de confiance et d'affection qu'au fond du cœur ils préfèrent au Dieu vivant. Il y a, comme vous savez, deux sortes de crainte. Il y a cette sorte de crainte qui est le commencement de la sagesse et qui est fondée dans l'amour. Et il y a cette crainte servile qui n'est que de la peur, peur que le diable éprouve et qui est pur égoïsme. Cette dernière crainte est celle que possédaient ceux dont parle notre texte. Ils avaient peur que Jéhovah n'exerçât ses jugements sur eux s'ils n'accomplissaient pas certains rites, et c'était là le motif du culte qu'ils lui rendaient. Ceux qui sont mus par cette crainte sont souverainement égoïstes et tandis qu'ils professent de révérer Jéhovah, ils ont d'autres dieux qu'ils aiment et qu'ils servent.

Il y a plusieurs classes de personnes qui sont dans ce cas et je me propose, ce soir, d'en décrire quelques-unes de telle filon que ceux dont j'aurai défini le caractère puissent se reconnaître.

Servir une personne c'est obéir à sa volonté et être dévoué à ses intérêts. Il n'y a pas proprement service là où il n'y a que l'accomplissement de certains actes, sans que l'on se mette à la disposition d'une personne ; celui qui sert fait son affaire de l'accomplissement de la volonté et du soin des intérêts de la personne à laquelle il est soumis. Servir Dieu, c'est faire de la religion la principale affaire de sa vie. C'est se dévouer soi-même, cœur, vie, forces, temps, influence, tout ce que l'on a et tout ce que l'on est pour servir les intérêts de Dieu, établir son royaume et augmenter sa gloire.

Qui sont ceux qui servent leurs propres dieux tout en faisant profession de craindre le Seigneur ? Je réponds : Ce sont :

1. Tous ceux qui n'ont pas renoncé dans leur cœur et dans leur conduite au droit de propriété sur tous leurs biens, et qui ne les ont pas abandonnés à Dieu.

Il est parfaitement évident que si vous n'avez pas fait cela vous ne servez pas Dieu. Supposez qu'un marchand emploie un commis pour prendre soin de son magasin, et que le commis continue à s'occuper de ses propres affaires, de sorte que lorsqu'on lui demande de faire pour son patron le travail nécessaire, il réponde : « Je Suis vraiment trop occupé de mes propres affaires, je n'ai pas le temps de faire ce que vous me demandez » ; tous n'élèveront-ils pas la voix contre un pareil serviteur et ne diront-ils pas qu'il ne sert pas son patron ; que son temps n'est point à lui, qu'il lui a été payé et que cependant il l'emploie pour lui-même ? Il en est de même de l'homme qui ne renonce pas à la possession de sa propre personne, non seulement en pensée, mais en pratique. Il n'a pas encore appris l'a b c de la religion. Il ne sert point le Seigneur, mais ses propres dieux.

2. Tout homme qui ne fait point de ses affaires une partie de sa religion ne sert point Dieu.

Il arrive parfois que vous entendez quelqu'un dire : « Je suis tout le jour tellement occupé, que je n'ai pas le temps de servir Dieu ». Il croit servir Dieu un petit moment le matin avant d'aller à ses affaires mondaines. Il laisse, en effet, sa religion là où il a dit ses prières. Il est disposé peut-être à donner à Dieu le temps qui précède son déjeuner, avant qu'il soit prêt pour aller à ses propres affaires ; mais dès qu'il est prêt, il court les entreprendre. Peut-être craint-il assez le Seigneur pour dire ses prières soir et matin, mais il sert ses propres dieux. La religion d'un tel homme est la risée de l'enfer. Il prie très dévotement, puis, au lieu de faire ses affaires pour Dieu, il les fait pour lui-même. Il n'y a pas de doute que ses dieux ne soient très satisfaits de cet arrangement, mais quant à Dieu, il en est tout à fait mécontent.

3. Vous servez aussi vos propres dieux, vous qui ne sacrifiez à Jéhovah que ce qui vous coûte peu ou rien.

Il y a bien des gens qui font, consister la religion en certains actes de piété qui ne sont point incompatibles avec leur égoïsme. Vous priez le matin avec votre famille parce qu'en ce moment-là vous pouvez le faire sans inconvénients ; mais vous ne souffrez pas que le service de Dieu vienne gêner le service de vos dieux, vous ne souffrez pas qu'il soit un obstacle à votre recherche des richesses ou des jouissances du monde. Les dieux que vous servez n'ont pas à se plaindre d'être méprisés ou négligés pour le service de Jéhovah.

4. Servent encore leurs propres dieux, : tous ceux qui supposent que les six jours de la semaine leur appartiennent, et que le dimanche seul est le jour du Seigneur.

Il y a une multitude de gens qui pensent que la semaine est le temps de l'homme et que le dimanche est le temps de Dieu, et qu'ils ont le droit pendant la semaine de faire leurs propres affaires, d'être au service de leur propre personne, de prendre soin de leurs propres intérêts, pourvu qu'ils observent strictement le jour du Seigneur, servant Dieu ce jour-là. C'est ainsi qu'un célèbre prédicateur dépeignant la méchanceté qu'il y a à violer le jour du repos, se sert de cet exemple : « Un homme a sept dollars dans sa poche, il rencontre un mendiant en grande détresse et lui donne six dollars, n'en gardant qu'un seul. Mais le mendiant voyant qu'il en garde un, le lui dérobe aussitôt. Chacun ne flétrira-t-il pas la bassesse de ce mendiant ? » Vous voyez là l'incarnation de cette idée qu'il est fort ingrat de violer le jour du repos, puisque Dieu a donné aux hommes six jours pour vaquer à leurs propres affaires, pour être ainsi au service de leurs propres personnes, tandis qu'il ne s'est réservé que le jour du sabbat.

Vous qui faites cela, vous ne servez pas Dieu du tout. Si vous êtes égoïstes pendant la semaine, vous êtes entièrement égoïstes. Supposer que vous avez une piété réelle, impliquerait que vous êtes convertis chaque dimanche et inconvertis chaque lundi. Pour qu'un homme qui n'a fait que se servir lui-même toute la semaine devint réellement religieux le dimanche, il faudrait qu'il se convertit.

Mais est-ce là l'idée du dimanche : un jour mis à part pour le service de Dieu à l'exclusion de tous les autres ? Dieu a-t-il besoin de nos services le jour du repos pour continuer son œuvre ? Dieu demande tous nos services autant pendant les six jours ouvriers que pendant le jour du repos ; seulement il a réservé le sabbat pour des devoirs particuliers et il demande qu'il soit observé comme un jour de repos où la fatigue corporelle cesse, ainsi que tous les soins et les travaux qui concernent ce présent siècle. Mais parce que l'homme a un corps aussi bien qu'une âme, et que l’Évangile doit être propagé et maintenu par des moyens terrestres, Dieu demande que vous travailliez les six jours à vos emplois séculiers ; travail qui doit être uniquement pour son service aussi bien que le culte du dimanche.

Ce jour n'est donc pas plus voué au service de Dieu que le lundi. Vous n'avez pas plus le droit d'être au service de vous-même le lundi que le dimanche. Si quelqu'un de vous a compris ce sujet en ce sens que les six jours de la semaine lui appartiendraient, cela montre qu'il est souverainement égoïste. Ne vous imaginez pas, je vous en conjure, que vos prières et vos dimanches soient un véritable service de Dieu, si pendant le reste du temps vous vivez pour vous-mêmes. En ce cas, vous ne savez pas même ce que c'est que de servir Dieu.

5. Ils sont au service de leurs propres personnes, ou au service de leurs propres dieux, ceux qui ne veulent pas faire de sacrifices quant à leurs aises et à leur confort dans l'église.

Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas les églises où les bancs sont gratuits parce que, d'après eux, elles n'ont point assez d'égard à l'agrément personnel de leurs membres. Ils disent : « Nous désirons être assis avec nos familles » ; ou bien : « Nous tenons à avoir nos sièges garnis de coussins » ou encore : « Nous aimons à être assis toujours à la même place ». Ils admettent bien que les églises à places gratuites sont nécessaires pour rendre l’Évangile accessible aux milliers de gens qui dans cette cité sont sur le chemin de l'enfer ; mais ils ne peuvent se résoudre à faire pour leur propre compte ces petits sacrifices afin d'ouvrir à cette multitude les portes de la maison de Dieu.

Ces petites choses indiquent souvent avec la plus grande clarté quel est l'état d'un cœur. Supposez que votre servante en vienne à dire : « Je ne puis pas faire ceci. Je ne puis pas faire cela, parce que cela porte atteinte à mes aises et à mon confort. Je ne puis pas faire ceci, parce que j'aime à être assise sur des coussins pour travailler. Je ne puis pas faire cela, parce que cela me séparerait de ma famille pendant une heure et demie ». Quoi ! Serait-ce là ce qui s'appelle servir ? Si un homme entre au service d'un autre, il abandonne ses aises et son confort pour se vouer aux intérêts de cet autre et pour suivre sa volonté. Est-il vrai qu'un homme soit dévoué au service de Dieu au suprême degré, quand il montre que ses aises et son confort lui sont plus chers que le royaume de Jésus-Christ et qu'il sacrifierait le salut des pécheurs plutôt que d'aller s'asseoir sur un siège un peu dur, ou que d'être séparé de sa famille pendant une heure ou deux ?

6. Ceux-là servent leurs propres dieux, qui, lorsqu'ils donnent leur temps et leur argent, les donnent à contrecœur, par contrainte et non point avec empressement et d’un cœur joyeux.

Que penseriez-vous de votre domestique si vous aviez à le harceler ou à le contraindre constamment pour lui faire faire quelque chose pour vous ? Ne diriez-vous pas qu'il n'est qu'un mercenaire paresseux et négligent ? Combien de gens n'y a-t-il pas qui, lorsqu'ils font quelque chose pour la religion, le font à contrecœur ! Si vous demandez à l'un d'eux son temps ou son argent pour quelque objet religieux, vous obtiendrez difficilement qu'il s'engage à faire quelque chose ; et s'il s'y résout, il ne le fera qu'à regret ; rien ne lui sera aisé, ni naturel. Il est évident que cet homme-là ne considère point les intérêts du royaume de Christ comme étant les mêmes que les siens. Il peut faire grand étalage de sa crainte de Dieu, mais il sert d'autres dieux qui sont « ses propres dieux ».

7. Ceux qui cherchent toujours le moyen de faire pour le service de Dieu le moins et non pas le plus possible, ceux-là aussi servent leurs propres dieux.

Il y a une multitude de gens qui semblent toujours demander s'il ne suffit pas de faire telle petite part de ce que l'on pourrait faire pour Dieu. Vous pouvez voir de telles personnes faire leurs comptes par profits et pertes : « Tant de donné cette année — tant pour la charité — obligé de donner tant pour la religion (obligé donner pour les intérêts du royaume de Christ !) — tant de perdu pour cause d'incendie, tant par les mauvaises créances, etc. » De telles gens servent-ils Dieu ? — Si vous êtes tels, il est certain que vous n'avez jamais mis votre cœur à l'avancement du règne de Dieu dans le monde. Si vous l'aviez fait, vous demanderiez : « Combien puis-je faire pour cette œuvre ; combien pour celle-là ; ne pourrais-je pas faire davantage, donner telle somme plus considérable ? »

8. Ceux qui mettent de côté des richesses pour leurs familles, afin de rehausser leur position, de leur donner éclat et grandeur, servent leurs propres dieux et non pas Jéhovah.

Ceux qui ont pour but de faire monter leur famille, de la faire entrer dans une classe plus élevée de la société, en amassant pour cela des richesses, ceux-là montrent que leur vie a un autre but que celui d'amener le monde sous l'autorité de Jésus-Christ. Ils ont d'autres dieux à servir. Ils peuvent avoir la prétention de craindre Dieu, mais ils servent leurs propres dieux.

9. Ceux qui ont pour objet d'accumuler assez de biens pour pouvoir se retirer des affaires et vivre à leur aise, servent leurs propres dieux.

Il y a beaucoup de gens qui font profession d'être les serviteurs de Dieu et qui travaillent ardemment à acquérir des biens, calculant de manière à pouvoir se retirer bientôt dans leur maison de campagne pour y vivre à leur aise. Qu'en pensez-vous ? Dieu vous donne-t-il droit à un sabbat perpétuel dès que vous avez acquis certaine somme d'argent ? Quand vous avez déclaré entrer à son service, vous a-t-il dit de travailler rudement pendant tant d'années et qu'après cela vous pourriez avoir vacances perpétuelles ?

Vous a-t-il promis de vous tenir quittes, après cela, d'avoir perdu la plus grande partie de votre temps et de vos talents ? Du reste, vous a-t-il seulement promis de vous laisser, après vos labeurs, vivre à votre aise le reste de vos jours ? Si vous avez de telles idées, je vous le dis, vous ne servez point Dieu mais seulement votre propre égoïsme et votre paresse.

10. Ceux-là servent leurs propres dieux qui aiment mieux satisfaire leurs appétits que de se priver de choses nécessaires, nuisibles même, afin de faire du bien.

On trouve des gens qui aiment extrêmement des choses qui ne leur font aucun bien, d'autres qui se créent un appétit artificiel pour une chose positivement repoussante ; et ils s'adonneront à leur passion sans que jamais aucun argument puisse les décider à l'abandonner, pas même la pensée de faire du bien. De telles gens sont-ils absorbés par le service de Dieu ? Certainement non. Sacrifieront-ils leurs vies pour le royaume de Jésus-Christ ? On ne peut pas même leur faire abandonner une chique de tabac ! une mauvaise herbe qui est nuisible pour la santé et dégoûtante pour la société, ils ne peuvent y renoncer, fût-ce même pour sauver une âme de la mort !

Qui ne voit, pas que l'égoïsme prédomine en de telles personnes ? Les faits que je viens de rappeler montrent la puissance étonnante de l'égoïsme. Souvent cette puissance se montre davantage en de telles petites choses qu'en de plus grandes. L'homme montre l'état réel de son cœur dans le fait que sa propre satisfaction est le mobile de sa vie ; il recherche cette satisfaction égoïste avec tant de force, que, même dans les bagatelles, il lui sacrifiera ces grands intérêts à la poursuite desquels il est ténu de se vouer tout entier.

11. Ceux qui sont dans un état d'âme tel, que ce sont les appels à leurs intérêts égoïstes qui les décident le plus vite à l'action, montrent par là qu'ils sont au nombre de ceux qui servent leurs propres dieux.

Vous voyez quel motif influe sur de telles gens. Supposons que je veuille les faire contribuer à l'érection d'un temple, quelles considérations devrai-je leur présenter pour réussir ? Je devrai leur montrer que cela augmentera la valeur de leur propriété, ou que cela fera les affaires de leur parti, ou que leur égoïsme y trouvera sa satisfaction de quelqu'autre manière.

Si ces gens sont plus touchés par de tels motifs que par le désir de sauver les âmes qui se perdent et d'avancer le règne de Christ, il est clair qu'ils ne se sont jamais donnés eux-mêmes au Seigneur ; ils sont, toujours au service de leur propre personne. Tous ces principes bienfaisants qui sont à la base de toute vraie piété ont moins d'influence sur eux que leurs intérêts égoïstes. Le caractère d'un vrai serviteur de Dieu est juste le contraire.

Prenez le cas de deux serviteurs, l'un dévoué aux intérêts de son maître, l'autre n'ayant aucune conscience et ne se faisant souci de rien, si ce n'est de tirer ses gages. L'un rejette dans l'ombre toute considération personnelle et se donne cœur et âme à l'accomplissement de sa tâche. L'autre ne veut rien faire à moins que son maître ne lui présente quelque motif qui satisfasse son égoïsme, à moins qu'il ne lui dise : « J'augmenterai tes gages, » ou « je te donnerai une position plus élevée ; » ou quelque chose de semblable. N'y a-t-il pas une différence radicale entre ces deux serviteurs ?

Et n'est-ce pas là une image de ce que l'on voit, actuellement dans nos églises ? Proposez, pour faire du bien, un plan dont l'exécution ne coûtera rien, tous en seront partisans. Mais si vous en proposez un qui touche à leurs intérêts personnels, qui doive leur coûter de l'argent ou leur prendre du temps au moment de leurs plus grands travaux, vous les verrez se diviser. Les uns hésiteront, douteront, feront des objections, d'autres refuseront résolument ; mais d'autres accepteront immédiatement parce qu'ils verront un grand bien à accomplir. Plusieurs se tiendront sur la réserve jusqu'à ce que vous trouviez moyen de mettre leur égoïsme de votre côté. Pourquoi cette différence entre eux ? C'est que beaucoup servent leurs propres dieux.

12. Sont aussi dans ce cas, ceux qui sont moins intéressés par la religion que par d'autres sujets.

Si vous trouvez un homme plus empressé à parler des choses de ce monde que des choses qui sont d'En-Haut, plus facilement excité par ces choses terrestres, plus éveillé pour apprendre les nouvelles du jour ; c'est là un homme qui sert ses propres dieux (1). Quelle multitude de gens n'y a-t-il pas qui sont plus émus par la question de la bourse, par celle de la guerre, ou par le récit des incendies ou de tout autre événement de ce monde, que par les réveils, les missions, ou autres faits concernant l'avancement du règne de Dieu !

Vous les trouvez tout absorbés par la politique ou la spéculation ; mais si vous mettez sur le tapis le sujet de la religion, les voilà tout effrayés à la pensée de l'excitation que cela pourrait produire, ils parlent alors du danger qu'il y a à échauffer les imaginations. Ils montrent par-là que la religion n'est point du tout le sujet le plus cher à leurs cœurs. C'est toujours par le sujet qui lui tient le plus à cœur que l'homme est le plus facilement ému. Qu'on le lui présente et il est aussitôt intéressé. S'il n'est donc pour vous jamais ni trop tôt ni trop tard pour parler des nouvelles du jour et de tout autre sujet mondain de conversation, tandis qu'il est impossible de vous intéresser en vous présentant le sujet de la religion, vous avez là la preuve que votre cœur n'est point à la religion ; et si vous prétendez être un serviteur de Dieu, vous êtes un hypocrite.

13. Si vous êtes plus jaloux de votre réputation que de la gloire de Dieu, vous montrez par-là que vous vivez pour vous-mêmes et que vous servez vos propres dieux.

Si vous voyez un homme plus vexé ou plus affligé par ce qui est dit contre lui que par ce qui est dit contre Dieu, qui penserez-vous qu'il sert ? Quel est son Dieu, sa propre personne ou Jéhovah ? Si un ministre est jeté dans un état de fièvre par un mot peu élogieux que quelqu'un aura pu dire sur son savoir, sur son mérite, ou sur son infaillibilité, tandis qu'il est froid comme glace au sujet de toutes les indignités dont on couvre le nom béni de Dieu ; cet homme est-il un imitateur de Paul qui était tout disposé à être considéré comme fou à cause de Christ ? A-t-il jamais appris l'a b c de la religion ? S'il l'avait jamais appris, il se réjouirait quand son nom serait « rejeté comme mauvais » pour la cause de la religion. Non ! un tel homme ne sert point Dieu, il sert ses propres dieux.

14. Il en est de même de tous ceux qui ne font pas de salut des âmes le grand et le premier but de leur vie.

Le but de toutes les institutions religieuses, ce qui leur donne à toutes leur valeur, c'est le salut des pécheurs. Le but pour lequel Jésus-Christ a vécu et pour lequel il a laissé son église dans le monde, c'est le salut des pécheurs. C'est là l'affaire dont Dieu charge ses serviteurs et si quelqu'un n'en fait point son affaire, la première et maîtresse occupation de sa vie, il ne sert point Jéhovah, mais ses propres dieux.

15. Ceux qui ne font que peu pour Dieu, ou qui ne font rien d'efficace, rien qui subsiste pour l'éternité, ne peuvent pas être appelés proprement serviteurs de Dieu.

Je suppose que vous demandiez à quelqu'un qui prétend être un serviteur de Dieu : « Que faites-vous pour Dieu ? Réussissez-vous à faire quelque chose de positif ? Êtes-vous un instrument pour la conversion des pécheurs ? Produisez-vous quelque impression sur les autres en faveur de la religion, avancez-vous la cause de Christ ? » Et qu'il réponde : « Eh bien…. je ne sais pas, — j'espère ; je pense quelquefois que j'aime Dieu ; mais je ne peux pas dire qu'en ce moment je fasse quelque chose de particulier pour lui ». Je le demande, celui qui parle ainsi sert-il Dieu ? Ou sert-il ses propres dieux ? « Je parle parfois aux pécheurs, dit-il mais ils ne semblent pas en recevoir grande impression ».

Alors, vous, vous ne sentez pas ce que vous dites. Si votre cœur n'y est pas, il n'y a rien d'étonnant à ce que vous ne fassiez pas impression sur les pécheurs. Tandis que si vous faisiez votre devoir, mettant votre cœur à votre œuvre, les pécheurs ne pourraient s'empêcher de sentir ce que vous leur diriez.

16. Ceux qui cherchent à être heureux dans leur religion, plutôt qu'à être utiles, ceux-là servent leurs propres dieux.

Leur religion est entièrement égoïste. Ils désirent jouir de la religion et cherchent toujours comment ils pourront acquérir d'heureuses et agréables dispositions d'esprit, éprouver de vives et douces émotions. Ils ne veulent que des réunions et des prédications qui les rendent heureux, et ils ne posent jamais la question de savoir si c'est le moyen de faire le plus grand bien.

Maintenant représentez-vous que votre serviteur agisse ainsi et soit toujours à calculer comment il peut, faire pour jouir ; il pense qu'il peut être plus heureux au salon, il y va, il s'étend sur le sofa, avec un coussin de plumes sous la tête, se faisant éventer par un autre serviteur, et il refuse de faire le travail que vous lui avez donné et que votre intérêt exige impérieusement. Au lieu de manifester un désir de travailler pour vous, de la sollicitude pour vos intérêts et de l'empressement à se mettre lui-même de toutes ses forces à votre service, il ne pense qu'à être heureux !

Il en est exactement de même de ces gens qui professent être serviteurs de Jéhovah et qui ne veulent rien faire d'autre que de s'asseoir sur leurs moelleux coussins pour s'y laisser « nourrir » par le prédicateur de leur choix.

Au lieu de chercher comment faire le bien, ils ne cherchent absolument qu'à être heureux. Leur prière quotidienne n'est pas comme celle du converti Saul de Tarse : « Seigneur, que veux-tu que je fasse (Actes 9 v. 6) ? » Mais plutôt : « Seigneur, dis-moi comment je puis être heureux ». Est-ce là l'esprit de Jésus-Christ ? Non, car il disait : « C'est mes délices, o mon Dieu, de faire ce qui est ton bon plaisir (Psaume 40 v. 8) ». Est-ce là l'esprit de l'apôtre Paul ? Non, car en un instant il déposa son costume de rabbin pour entrer bras nus dans une vie de rudes labeurs.

17. Celui-là aussi sert ses propres dieux qui fait de son propre salut le but suprême de sa religion.

Il y a une foule de gens dans l’Église qui montrent par leur conduite et qui même avouent ouvertement que leur but suprême est de faire leur propre salut (2) ; leur détermination la plus ferme est que leur âme soit installée un jour sur les solides créneaux de la Jérusalem céleste. Si la Bible n'est pas dans l'erreur, de telles gens sont tous sur le chemin de l'enfer. Leur religion est pur égoïsme. « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; et celui qui veut perdre sa vie pour l'amour de moi, la sauvera. ».

Remarques

1. Vous voyez pourquoi, dans le monde, il n'y a encore que bien peu de chose de fait pour le règne de Jésus-Christ.

C'est parce qu'il y a si peu de gens qui fassent quelque chose pour établir ce règne ; parce que Jésus-Christ a si peu de réels serviteurs dans le monde. Combien pensez-vous qu'il y ait de professants dans cette église, ou parmi toutes vos connaissances, qui soient réellement à l’œuvre pour Dieu, faisant de la religion leur affaire, se donnant eux-mêmes tout entiers pour avancer le règne de Jésus-Christ ?

La raison pour laquelle la religion n'avance pas plus vite, c'est qu'il y a si peu de gens pour la faire avancer, tandis qu'il y en a tant pour l'enrayer. Voyez cette foule à cet incendie ; on s'efforce de sortir les marchandises d'un magasin en feu. Quelques-uns sont déterminés à les sortir ; mais les autres n'y sont pas décidés et ils détournent l'attention des premiers en parlant d'autre chose ; ou bien ils les empêchent d'agir en trouvant à redire à leur manière de faire ou en les retenant loin du feu. Ainsi en est-il dans l’Église. Ceux qui désirent faire l’œuvre sont grandement empêchés par la répugnance, les contestations et la résistance positive des autres.

2. Vous voyez pourquoi si peu de chrétiens ont l'esprit de prière.

Comment pourraient-ils avoir l'esprit de prière ? Pourquoi Dieu le leur donnerait-il ? Voilà un homme tout absorbé par les choses de ce monde ; supposez que Dieu lui donne l'esprit de prière ; il priera alors tout naturellement pour les choses qui lui tiennent le plus à cœur, c'est-à-dire pour le succès de toutes ses affaires mondaines ; il priera pour le service de ses propres dieux. Dieu donnerait-il l'esprit de prière pour de pareils objets ? Jamais que cet homme aille à ses propres dieux pour leur demander un esprit de prière ; mais qu'il ne s'attende pas à ce que Jéhovah lui accorde jamais cet esprit tant qu'il ne renonce pas à servir ses propres dieux.

3. Vous voyez qu'il y a une multitude de gens qui professent la religion et qui n'ont pas encore commencé à être religieux.

Si l'on dit à l'un d'eux : « Avez-vous le sentiment que vos biens et toutes vos affaires sont à Dieu, les gardez-vous et les administrez-vous pour Dieu ? » « Oh non ! répondra-t-il, je ne suis pas aussi avancé que cela. » — Pas aussi avancé ! Cet homme a fait profession d'être chrétien pendant des années et il n'en est pas encore arrivé à considérer ses biens, ses affaires et tout ce qu'il a, comme appartenant à Dieu !

Il n'y a pas de doute que jusqu'à maintenant il n'ait servi ses propres dieux. J'insiste sur ce point, car c'est là le vrai commencement de la religion. Qu'est-ce que la conversion, si ce n'est abandonner le service du monde pour entrer au service de Dieu ? Or cet homme n'était pas, de son propre aveu, un serviteur de Dieu, et il semblait penser que c'était avoir atteint un degré très supérieur de vie religieuse que de sentir que tout ce que l'on a est au Seigneur.

4. Il est malhonnête de prétendre servir le Seigneur quand en réalité on se sert soi-même.

Vous qui accomplissez des devoirs religieux par des motifs égoïstes, vous ne faites pas autre chose en réalité que de vous efforcer de rendre Dieu votre serviteur. Si votre propre intérêt est votre but suprême, tous vos services religieux ne sont que des tentatives pour amener Dieu à travailler à vos propres intérêts. Pourquoi priez-vous, pourquoi gardez-vous le jour du repos, pourquoi donnez-vous de vos biens pour des œuvres religieuses ? Vous répondez : « Pour avancer l’œuvre de mon propre salut. » Vraiment ! Ce n'est pas pour glorifier Dieu, mais seulement pour acquérir le ciel Ne pensez-vous pas que, s'il y trouvait son intérêt, le diable lui-même ferait tout cela tout en restant le diable ? Le plus grand chef-d’œuvre de l'égoïsme doit consister à s'emparer de Dieu, pour l'enrôler, avec tous ses glorieux attributs, au service de notre moi.

Et maintenant, mes chers auditeurs, où en êtes-vous ? servez-vous Jéhovah ou servez-vous vos propres dieux ? Comment avez-vous travaillé pendant ces six mois de mon absence ? Avez-vous fait quelque chose pour Dieu ? Avez-vous vécu comme serviteurs de Dieu ? Le royaume de Satan a-t-il été affaibli par ce que vous avez fait ? Pouvez-vous me dire maintenant : « Venez avec moi et je vous montrerai tel pécheur converti et encore tel autre, je vous montrerai des chrétiens déchus ramenés sur le champ de bataille, je vous montrerai des saints qui étaient faibles et qui ont été aidés et fortifiés ? » Pouvez-vous m'amener des gens qui soient de vivants témoignages de ce que vous avez fait au service de Dieu ?

Ou me répondrez-vous : « Je suis allé aux réunions régulièrement le jour du Seigneur et j'ai entendu beaucoup de bonnes prédications ; j'ai assisté généralement aux réunions de prières et nous en avons eu de précieuses ; j'ai prié avec ma famille, je l'ai fait aussi deux ou trois fois par jour dans la solitude de mon cabinet, et j'ai lu la Bible.

 Et en tout cela vous avez été purement passifs. S'il ainsi, vous avez « craint le Seigneur et servi vos propres dieux. »

 « Oui, mais j'ai vendu tellement de marchandises et gagné tant d'argent, que j'ai l'intention d'en donner la dîme aux missions. » — Qui a requis cela de vos mains, au lieu de travailler à sauver des âmes ? Envoyer l’Évangile aux païens et laisser, sous ses propres yeux, les pécheurs se précipiter vers l'enfer ! Ne vous trompez pas vous-même ; si vous aimiez les âmes, si vous étiez engagé au service de Dieu, vous penseriez aux âmes qui sont ici et vous feriez l’œuvre de Dieu ici. Que penseriez-vous d'un missionnaire qui se rendrait auprès des païens et qui n'aurait jamais dit un mot aux pécheurs dans sa maison et autour de lui ? Aurait-il l'amour des âmes ? C'est une idée burlesque que d'envoyer de tels hommes comme missionnaires auprès des païens. L'homme qui ne veut rien faire chez lui n'est pas qualifié 'pour aller parler aux païens. Et celui qui prétend ramasser de l'argent pour les missions, tandis qu'ici il ne veut pas essayer de sauver les âmes, n'est qu'un hypocrite.

(1) À ce sujet, voici un trait qui nous a beaucoup frappé. Un de nos prédicateurs les plus pieux et les plus instruits ne s'était jamais animé dans sa prédication ; certes, il faisait bien de ne pas chercher à faire des gestes ; mais c'était avec tristesse qu'on en était réduit à le comparer à un robinet d'eau tiède. C'était sa nature, disait-on, et personne n'avait l'idée de le considérer comme moins pieux pour cela. Mais voilà qu'au milieu de son sermon un dimanche en 1870, il se met à parler des Prussiens. Aussitôt il prend feu, son auditoire se réveille, on est suspendu à ses lèvres, on ne respire plus. Jamais on n'avait vu de prédicateur plus animé, plus éloquent (Note du traducteur).

(2) De lugubres personnages, comme Charles-Quint, le duc d'Albe et beaucoup d'autres, ont été dans ce cas (Note du traducteur).

 

Arthur KatzUn message de Charles Finney
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