Dieu nous aime dans son Fils
La doctrine de l'amour de Dieu se trouve présenter de gros problèmes lorsqu'elle est examinée attentivement par des chrétiens sérieux. La première difficulté qui risque de perturber leurs âmes c'est leur propre nature pécheresse.
Le problème se résume à ceci : « Comment Dieu peut-il aimer quelqu'un d'aussi pécheur et d'aussi indigne que moi-même ? » La question se pose dans beaucoup de nos hymnes et figure dans de nombreuses prières et témoignages partout où des chrétiens humbles se réunissent.
Il n'est pas évident que l'on puisse répondre de manière à satisfaire un cœur pénitent, car quelle que soit la réponse de la théologie, celui-ci ressentira toujours sa profonde nature pécheresse et reconnaîtra humblement que Dieu serait tout à fait juste et dans son droit de le rejeter pour toujours. Puisqu'il s'agit d'une impulsion du cœur qui n'émane pas de la raison mais de la répugnance morale, la raison est bien impuissante pour la réduire au silence.
Et je me demande d'ailleurs s'il est bon de vouloir totalement éliminer cette émotion de notre cœur. L'exécration de soi peut être menée trop loin, mais une petite mesure de celle-ci nous aide à ne pas nous enorgueillir. Je crois que les grands saints en ont toujours eu une certaine mesure.
Le second problème en est un plus sérieux.
Il s'agit de ceci : Comment un Dieu saint peut-il aimer des hommes qui ne sont pas saints ? Cette question ne doit pas être traitée à la légère, car elle soulève un problème théologique de taille. Dieu aime et doit aimer, ce qui Lui ressemble. Puisqu'il est par nature parfaitement saint, comment peut-Il aimer ce qui par nature est complètement impie ?
L'homme étant faux par dessus tout et désespérément mauvais, toutes les imaginations et les pensées de son cœur n'étant que mauvaises en permanence, comment Dieu, qui est tout à fait à l'opposé de cela, peut-il trouver de quoi aimer chez le pécheur. Cet amour que Dieu éprouverait pour ce qui est radicalement différent de Lui-même ne constituerait-il pas une contradiction morale, le mettant ainsi dans une position de compromis face à sa sainteté ?
Bien évidemment, cela ne pose aucun souci pour les chrétiens tièdes qui pensent à Dieu comme un « Père universel » ou encore à ceux qui Le voient comme une sorte d'esprit bienveillant omniprésent mais sans sainteté, justice, ni vérité. Un faible dieu pleurnichard trop timide pour condamner le péché n'aurait aucun mal à aimer le pécheur. Il ne pourrait pas compromettre sa sainteté pour la simple raison qu'il n'en posséderait pas. Un tel dieu est l'idéal des poètes religieux sentimentaux dont le crédo est l'amour, mais il n'est certainement pas le Dieu de la Bible. C'est le résultat de l'imagination déchue et obscurcie de l'homme et il est aussi faux que l'étaient les dieux des Philistins.
À la question : « Comment un Dieu saint peut-Il aimer un pécheur impie ? »
Il existe une réponse complète et satisfaisante. La réponse, bien sûr, se trouve dans les enseignements des Écritures. Elle nous a été présentée, entre autres, par le théologien allemand Eckhart : « Le Père n'aime rien du tout à part le Fils, et tout ce qu'il trouve dans le Fils. ». Ceci est un juste résumé de la doctrine de l'amour de Dieu telle qu'elle est présentée dans les pages des Saintes Écritures.
« Le Père n'aime rien du tout à part le Fils ». Tout l'amour de Dieu se trouve rassemblé en Christ. Le Père aime le Fils avec tout l'amour qui existe, c'est à dire avec tout son être, et il n'aime directement rien d'autre que le Fils. Dans le Fils et par le Fils toutes choses ont été créées, y compris l'être humain. Dieu aime les hommes non pas pour eux-mêmes mais pour le Fils. Son amour pour eux est reflété sur la face de Jésus Christ et ne tombe sur eux que dans la mesure où ils entretiennent une relation avec le Fils. L'homme a été fait à l'image de Dieu et Christ est décrit comme étant « l'image du Dieu invisible ».
D'une certaine façon mystérieuse la race humaine est reliée au Fils et c'est grâce à lui que Dieu peut déverser son amour sur les pécheurs tout en maintenant sa sainteté.
Un problème subsidiaire, sans importance pratique, est de savoir si Dieu continue d'aimer les pécheurs après qu'ils aient abandonné leurs droits sous sa patiente indulgence et ont été envoyés à leur demeure éternelle en enfer. Croire qu'Il maintient son amour serait admettre une éternelle frustration de cet amour de la part de Dieu. S'il devait continuer éternellement à déverser un amour unilatéral sur les hommes perdus Il ne pourrait jamais être au repos. Son amour gaspillé le torturerait éternellement.
La vérité est que Dieu n'aime que le Fils et « toutes les choses qu'il trouve dans le Fils ». Lorsque les hommes impénitents prennent leur décision finale contre le Fils et quittent définitivement Sa lumière, ils ne sont plus l'objet de l'amour de Dieu. L'amour de Dieu est, comme Lui-même, éternel et constant, mais il ne touche que ceux qui touchent le Fils. L'âme qui rejette le Fils au travers d'un acte décisif et irrévocable abandonne pour toujours l'amour du Père.