Obeissance.2
Plusieurs ont remarqué, sans doute, au moins en partie, à quel point s’est répandu, au milieu des chrétiens, le principe que la bénédiction doit précéder l’obéissance, et que, faute de cela, on est dispensé d’obéir.
L'illusion de vouloir retrouver la bénédiction passée dans la tradition ou par des ordonnances
En revenir, comme on dit, aux traditions apostoliques, ou à une imitation minutieuse des formes de l’Église primitive, n’est ni reconnaître, ni corriger le mal qui existe dans l’Église d’aujourd’hui. Ceux qui donnent dans ce faux système ne reconnaissent pas ce fâcheux état des choses ; ils supposent l’état littéral des choses, mais ne l’accomplissent pas. Ils ne veulent ou ne savent point comprendre que l’Église est tombée dans un état de ruine et de dégradation, et que l’ennemi a fait son œuvre dans le royaume des cieux, comme le Seigneur le dit Il leur répondit : « C'est un ennemi qui a fait cela... (Matthieu 13 v. 28) ».
Ils ne voient de sauvegarde pour l’Église que dans une scrupuleuse exactitude à accomplir littéralement les ordonnances du Seigneur et de ses apôtres, ne prenant point garde que la gloire s’en est allée : « Elle appela l'enfant I-Kabod, en disant: La gloire est bannie d'Israël ! C'était à cause de la prise de l'arche de Dieu, et à cause de son beau-père et de son mari. Elle dit : La gloire est bannie d'Israël, car l'arche de Dieu est prise! (1 Samuel 4 v. 21 et 22) », depuis que celle qui devait être comme une étrangère dans le monde, a voulu régner, et s’est confondue avec le monde.
« Imitons les apôtres, et tout ira bien ! » disent-ils et répètent-ils sans cesse, comme si les formes primitives n’avaient pas, hélas perdu leur puissance, parce que l’Église a souillé son nazaréat, et s’est éloignée de ses rapports avec Dieu. Nous ne disons pas ceci pour affaiblir les motifs à l’obéissance ; car si les choses ont dû aller ainsi, pour que finalement Dieu en tire de la gloire, cela ne saurait diminuer notre responsabilité ou notre obligation d’obéir au Seigneur.
En revenir à la lettre des ordonnances apostoliques et à la tradition, ne remédiera pas non plus au mal existant ; bien plus, c’est placer l’Église sur un mauvais terrain : Car si elle est dans un état de chute, c’est la foi pour obéir, l’esprit de soumission à la volonté de Dieu, qu’il lui faut. Si nous étions parfaitement instruits des formes primitives du culte, de la discipline, de l’organisation, etc., des églises, et parvenus à persuader tous les chrétiens de s’y soumettre, nous ne reconstruirions pas l’Église du Dieu vivant.
Au reste on n’imite pas la puissance ; et le royaume de Dieu est en puissance. Ce n’est pas là ce qui caractérise la vraie Église, ou ce qui convient à son humiliation dans l’état de renversement, de dispersion et de déchéance où elle se trouve. Captive en Babylone, ce ne sont pas des choses que sa position lui rend impraticables qu’il faut lui apporter pour qu’elle relève le nom de ce Dieu qu’elle a déshonoré, mais l’esprit d’humble obéissance.
« La parole est près de toi ! » Que les chrétiens obéissent humblement par l’Esprit à la Parole qui est près d’eux, dans leur bouche et dans leur cœur, voilà ce qui caractérise l’esprit de foi et la confession du nom de Dieu, non pas d’agir avec précipitation. « Souviens-toi… d’où tu es déchu, et repens-toi (Apocalypse 2 v. 5) », est une parole qui renferme en soi notre unique ressource pour recevoir davantage. Charger l’Église d’ordonnances dans l’état de chute où elle se trouve, même d’ordonnances conformes aux traditions bibliques, n’est, en vérité, qu’une dérision : c’est substituer un joug pesant et mortel, à la puissance vivante de la présence divine ou à l’obéissance de la foi, seule base sur laquelle on puisse s’appuyer, lorsque, comme Israël, on a perdu la gloire manifestée de cette présence.
5. Preuves de ce que l'obéissance doit précéder la bénédiction.
Mais, abordant les autres parties du sujet, je vais maintenant prouver que l’obéissance doit précéder toute espérance de bénédiction. Multiplier les preuves, après ce qui a été dit, serait chose superflue ; en voici cependant quelques-unes :
L'esprit d'obéissance précède la connaissance de la volonté de Dieu (Jean 7 v. 17). Jésus dit : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra de la doctrine si elle est de Dieu, ou si moi je parle de par moi-même (Jean 7 v. 17) ». Le principe est assez clair : Il faut que, pour connaître une vérité, l’homme soit moralement préparé ; et cette préparation c’est l’esprit d’obéissance : Si quelqu’un veut. Il n’est pas question ici d’un acte extérieur, mais de l’intention préalablement produite dans l’âme, intention qui se manifestera nécessairement dans des actes extérieurs, quand l’âme se trouvera placée devant la volonté de Dieu. Jésus dit : Si quelqu’un veut faire Sa volonté, alors il connaîtra ; la promesse de connaître étant fondée sur l’esprit d’obéissance : car à quoi bon conférer un don de connaissance sans avoir préalablement amené l’âme à vouloir obéir, ne serait-ce pas en Dieu une contradiction réelle avec lui-même ? ne travaillerait-il pas à ternir sa propre gloire ?
La bénédiction est dans le chemin de l'obéissance — cas faisant exception hors du terrain de l’Église. Me bornant à indiquer, sans m’y arrêter, Luc 4 v. 4 à 9 ; Matthieu 3 v. 15 ; Jean 13 v. 16 et 17 ; 12 v. 26, je m’arrêterai sur Jean 14 v. 21 à 23, où l’amour pour Jésus est clairement ainsi caractérisé, et en même temps présenté comme le préliminaire nécessaire de la bénédiction : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime, sera aimé de mon Père ; et moi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ».
Rien de plus positivement et de plus explicitement enseigné dans la parole de Dieu, que la souveraineté de la grâce envers le pécheur par l’obéissance de Christ ; et la sûreté pour le fidèle d’être béni de Dieu dans le sentier de l’obéissance à la parole de Dieu. Je ne parle pas ici des châtiments de l’amour immuable du Père, pour amener cette bénédiction. Mais la parole du Seigneur est expresse sur ce point, que l’attachement à l’obéissance de Christ, est le canal de tout don spécial, comme ce qui tient le don en exercice.
Sans aucun doute, la souveraineté de Dieu agira extraordinairement, comme dans le cas d’un Balaam, d’un Caïphe, d’un Judas, ou de tel autre, qui prophétisent sans que leur cœur obéisse à Dieu ; mais ce n’est pas là le terrain sur lequel l’Église est appelée à marcher. Ce ne sont pas des exemples à suivre qui nous sont présentés là, mais des cas affreux dont il faut se garder, à moins qu’on ne veuille s’associer à la plus odieuse révolte.
Placés comme des fanaux sur les écueils dangereux des rives de destruction, ces hommes, qui jettent une lumière sans amour, peuvent être utiles à l’Église en éclairant autour d’eux ; mais ce ne sont pas des feux destinés à attirer le navigateur et à le diriger vers le lieu où ils sont placés, bien que nous puissions bénir la main qui les a donnés pour être des signaux de terreur pour les disciples qui voguent durant la nuit, et des avertissements à se tenir bien loin. Malheureux personnages, ils ne vivent que pour être témoins de la ruine qui les entoure.
On devrait penser que les chrétiens discerneraient intuitivement que l’obéissance est le sentier préparé pour eux ; mais l’Ennemi n’est pas surmonté par la simplicité de la vérité, parce que nos âmes ne sont pas simples, et qu’en une manière ou une autre ils sont attachés à des choses qui ne sont pas de l’Esprit et sous l’influence desquelles la simplicité de la vérité a perdu sa puissance en eux devant la subtilité de l’Ennemi. On repousserait de rejeter ouvertement la Parole, c’est pourquoi Satan ne se présente pas en proposant la désobéissance, mais il modifie l’obéissance par des préliminaires, et en introduisant quelque chose à la place de la parole de Dieu.
Aussi n’est-ce point avec de simples et grossiers mensonges que le tentateur séduit les chrétiens ; il manquerait son but, et procède par conséquent en général différemment. Quand il dit à Ève : « Vous serez comme Dieu », il y avait du vrai dans cette parole, car un plus grand que Satan dit plus tard : « Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal (Genèse 3 v. 5 à 22) ». Mais quel déluge de maux, quelle ruine effrayante n’a pas attirés sur le monde la désobéissance qui fut le résultat de cette vérité présentée par le tentateur, présentée intempestivement et à part des conséquences funestes qu’elle devait avoir, l’acte qu’elle était destinée à produire étant une fois consommé !
Le meilleur moyen de repousser Satan est donc la simple vérité, les paroles qui sont sorties de la bouche de Dieu, cette vérité dans laquelle notre bonheur est renfermé. Et si notre faiblesse, le peu d’accord qui se trouve entre chrétiens, donnent accès à l’adversaire, prenons pour nous défendre l’épée de l’Esprit, la sagesse de la Parole dans ce qu’elle nous présente d’analogue avec nos circonstances ; et usons de cette vérité écrite, dont une bonté illimitée, instruite d’avance de la faiblesse de ses enfants et de la subtilité de leur puissant adversaire, les a dotés dans la prévision des avantages que l’Ennemi chercherait à tirer de leur position.
Satan a cherché à persuader le Sauveur de suivre sa volonté en des choses qui n’étaient pas mauvaises en elles-mêmes, lui suggérant d’user de ses privilèges de Fils. Quelle subtilité chez le prince de ce monde ! Il cite à Jésus une promesse inconditionnelle, renfermant un privilège qui appartenait légitimement au Fils de Dieu, au Messie d’Israël : « Si tu es Fils de Dieu », lui dit-il, « jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera, etc… (Matthieu 4 v. 6) » Car il est écrit ! Ô raffinement de ruse et de malice ! Satan dirait-il la vérité, lui qui est menteur ? Non, mais si Satan lui-même alléguait une promesse du Dieu de vérité, ce Dieu de vérité se devait de faire honneur à sa promesse !
Que Jésus y croie donc, s’il est le Fils de Dieu ; qu’il en réclame l’accomplissement, afin de manifester la puissance et la gloire de la nouvelle économie ! Rien de plus plausible au premier abord. Se précipiter de si haut impunément en se reposant sur une simple parole de Dieu, quelle gloire pour Jésus, quel sceau cela imprimerait à sa mission, quel témoignage à la fois éclatant et digne rendu à sa personne, quelle énergie ajoutée à son ministère ! Pourquoi donc hésiter ? Y aurait-il autre chose que les subterfuges de l’incrédulité dans les raisons alléguées pour s’abstenir ? Dieu ne tiendrait-il pas des promesses, et des promesses faites à son Fils ? Dieu se montrerait-il menteur ? Ne s’agissait-il pas de ce qui était l’honneur et la place du Messie, de ce à quoi les esprits administrateurs de l’économie qui allait s’ouvrir s’empresseraient de prêter leur ministère, le servant Lui, leur chef : N’était-ce pas là chose urgente et tout à fait de saison ?
Mais c’était une proposition de Satan ; aussi n’obtint-elle qu’un refus absolu du Seigneur : Car, quoique Fils, il s’était constitué serviteur. Il n’avait pas d’ordre pour agir, autrement dix mille temples entassés ne l’auraient pas empêché de se jeter en bas, même s’ils avaient été aussi grands et aussi élevés que celui de Jérusalem. Un autre principe se découvre ici : au fond, ce que Satan suggérait, aurait été de la méfiance de la part de Jésus, un essai pour voir si Dieu accomplirait ses promesses. C’est le sens des mots tenter Dieu. Israël tentait Dieu en disant : « l’Éternel est-il vraiment au milieu de nous ». Il faut de la confiance en Dieu pour obéir, et c’est dans l’obéissance seule que cette confiance se trouve.
L’obéissance en temps de ruine est l’obéissance de la foi.
Il est à remarquer que, dans ce combat avec Satan, c’est à ce même livre du Deutéronome, qui nous a déjà fourni matière à quelques observations, que Jésus emprunte toutes ses réponses. Comme le nom de Lo-Ammi (Osée 1 v. 9) n’avait point été, depuis la captivité, effacé de dessus le front du peuple juif, qui le portait encore, Jésus répond au tentateur par des textes applicables précisément à leur état actuel. Il les met comme un signe sur ses mains, comme des fronteaux entre ses yeux (Deutéronome 11 v. 18) ; aussi Satan ne peut-il pas l’atteindre dans cette occasion.
Un autre principe important, lié au précédent, se trouve aussi établi par là même. À l’égard d’Israël, les promesses de Dieu étaient sûres, ses dons et sa vocation irrévocables (et c’est le sens direct du passage cité par Satan, Psaume 91 v. 11 et 12) ; mais rien de tout cela n’était pour Israël en désobéissance. Satan aurait bien voulu qu’on use des promesses de Dieu sans avoir égard à l’état de choses présent ; mais l’obéissance consistait à saisir la pensée de Dieu dans ce cas. Aussi le Seigneur (qui, comme Messie, était le représentant d’Israël) n’applique-t-il pas à un peuple en état de chute ce qui est destiné à ce peuple hors de cet état.
C’est précisément l’esprit contraire que l’on trouvait chez les juifs. Ils se prévalaient des promesses, sans reconnaître leur déchéance complète, montrant par là qu’ils n’avaient pas l’Esprit de Dieu ; et c’est ainsi qu’ils sont tombés sous la puissance et la conduite de Satan. Le Seigneur refusa de les imiter, et ainsi il trompa les efforts du tentateur. Choisissant et tenant le sentier de l’obéissance en simplicité, il rejeta la tradition ; même il repoussa des promesses, oui, de vraies promesses, mais saisies ou présentées mal à propos en faisant abstraction de l’obéissance et de l’intention de la Parole divine ; aussi, força-t-il Satan de se retirer d’avec lui.
La première chose qui se voie, le premier point que l’Esprit Saint enseigne, c’est l’état de ruine lui-même dans lequel l’Église est tombée ; là est, pour ceux qui agissent dans l’Église et que l’Esprit a enseignés, la clef de la conduite qu’ils ont à tenir, le principe dont il faut partir, et ne jamais dévier. C’est, comme nous l’avons vu en méditant Deutéronome 30, l’obéissance de la foi, et non celle qui est selon la lettre, que Dieu a établie en principe pour les cas où cette dernière devient impossible.
Il ne rejettera ni n’abandonnera jamais son peuple, quel que soit d’ailleurs le malheur des temps. Immuable et fidèle, il nous fera trouver, même dans les positions les plus fâcheuses, ce qui nous est nécessaire ; dans les temps fâcheux, Lui et les Écritures, peuvent nous « rendre sages à salut par la foi qui est dans le Christ Jésus » et sont utiles « pour enseigner… afin que l’homme de Dieu soit accompli et parfaitement accompli pour toute bonne œuvre (2 Timothée 3 v. 15 à 17 ; comp. Actes 20 v. 32) ». Quelle précieuse parole, quel coup porté à ces prêcheurs de la tradition, et à tous ceux qui prétendent à une plus excellente lumière que celle qui peut rendre l’homme de Dieu accompli, que celle de la Parole de sagesse, de force et de consolation, donnée par le Seigneur lui-même. Qu’il plaise à Dieu que nous nous réjouissions, comme David, dans le chemin de ses témoignages.
Nécessité de la séparation du monde.
Abordons maintenant la dernière partie de notre sujet, qui était de prouver directement que l’obéissance précède la jouissance d’une grâce ou d’un don particulier. Le chapitre 15 de l’évangile de Jean nous fournira des instructions claires et précises sur ce point. Déjà le nazaréen Samson nous offre un exemple frappant, qui appuie le principe en sens direct et inverse. Séparé pour le service de Dieu, sanctifié à l’Éternel, et placé en conséquence dans une position spéciale d’obéissance, le nazaréen ne devait point passer de rasoir sur sa tête ; et de l’observation de ce précepte péremptoire dépendait la durée de sa force.
Il aurait été difficile de découvrir quelque rapport entre les deux choses ; mais Dieu l’avait ainsi ordonné, et celui qui obéit et honore Dieu a pour lui la force de Dieu. Le privilège, cette force extraordinaire, était attaché, quant à sa conservation, à l’obéissance, c’est-à-dire à une manière d’agir en accord avec le vœu de nazaréat. Ce secret, livré au monde, trahissait à celui-ci l’influence corruptrice qui avait enlacé le cœur de l’abusé Samson : Les boucles de ses cheveux tombèrent sous les ciseaux d’une misérable, en apparence amie et associée du nazaréen de Dieu, mais en réalité l’alliée des Philistins et l’instrument choisi du pouvoir de Satan.
Une fois privé de sa force, et dans les mains des Philistins, on crève les yeux à Samson ; et ce qu’il peut regagner ensuite de sa vigueur passée, il l’emploie, comme un aveugle qu’il est, à se détruire avec ses ennemis. Je rappelle ce trait dans le but spécial de montrer que ce qui est la marque de la séparation d’avec le monde pour obéir, est le vrai moyen et le secret de la possession de la force pour obéir, la présence ou l’absence de cette force dépendant absolument de la présence ou de l’absence de l’obéissance. Samson n’avait pas conscience de la puissance qu’il donnait à ses ennemis, par la perte du signe de ce nazaréat qui le consacrait spécialement au service du Seigneur ; il apprit à ses dépens et pour son malheur, que l’on ne s’écarte pas de la ligne prescrite par le Seigneur, sans se mettre en dehors de la force du Seigneur. Triste, mais instructive histoire, pour des volontés à la fois faibles et opiniâtres comme les nôtres.
Mais j’ai parlé du chapitre 15 de Jean comme d’une source d’instruction positive et explicite sur notre sujet, et j’y arrive. Dans le chapitre 14, le Seigneur avait, ainsi qu’il a été remarqué plus haut, posé ce principe général, que la manifestation de sa présence spirituelle serait accordée aux disciples ou à ceux qui obéissent, et non pas au monde : « Celui qui a mes commandements (*), et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime, sera aimé de mon Père ; et moi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ». Dans ce principe général, nous relèverons ce point important : « Celui qui a mes commandements ».
Au chapitre 15, le Seigneur nous dit : « Demeurez en moi, et moi en vous. Comme le sarment ne peut pas porter de fruit de lui-même, à moins qu’il ne demeure dans le cep, de même vous non plus vous ne le pouvez pas, à moins que vous ne demeuriez en moi ». Il s’agit ici de l’acte pratique de demeurer, sans quoi ce ne serait pas un commandement que celui de demeurer en Christ comme dans le vrai cep, et non en quelque autre chose : Car, quant à la vigne de la terre (Apocalypse 14), ses raisins doivent être foulés au pressoir de la colère de Dieu. Plus loin, verset 7, le Sauveur ajoute : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et il vous sera fait » ; et encore au verset 10 : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour » (dans cet amour d’où découlent toute grâce excellente et tout don parfait), « comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour ».
L’Église oserait-elle bien s’arroger une plus haute prérogative de sûreté de l’amour du Père, que le Sauveur lui-même, qui, pour ce qui concerne sa continuité, a dit : « Comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour » ? N’est-ce pas là dire assez clairement que le fondement de la jouissance actuelle de l’amour de Dieu, que ce qui assure la durée de cette jouissance et de la bénédiction, est la persévérance dans les paroles de Christ, celles qu’il a laissées à son Église ? La déclaration n’est pas moins claire que le fondement qui est posé pour la jouissance de la bénédiction et qui est le saint commandement du Seigneur, sans l’observation duquel, en effet, la puissance de Dieu et sa gloire ne serviraient qu’à sanctionner la désobéissance. Le même principe se retrouve encore au verset 14 : « Vous êtes mes amis » (et pourquoi ? nous le voyons au verset 15), « si vous faites tout ce que je vous commande ». Obéissance de notre part, et communication de la part de Jésus des choses qu’il a ouïes du Père, voilà la grande règle ; et c’est la troisième preuve que ce chapitre nous fournit en faveur de notre thèse.
(*) Les commandements du Seigneur sont toujours moraux, et ne sont pas de simples ordonnances. Les ordonnances que le Seigneur a établies, qui séparent l’Église du monde, le baptême et la cène, quoiqu’elles soient instituées par Lui, ne sont pas des commandements pour l’obéissance personnelle. À l’égard du baptême, cela est parfaitement clair par l’absence de commandement et à cause de Actes 8 v. 36 et 10 v. 47. À l’égard de la cène on pourrait penser qu’il en est autrement, mais : « Faites ceci en mémoire de moi », n’est pas un commandement de faire la chose (comp. 1 Corinthiens 11 v. 25).
Les ordonnances sont toujours séparatives. Si je suis marqué, en quelque sorte, par l’accomplissement d’un certain acte prescrit, cet acte me distingue et m’associe à tous ceux qui ont part à cette institution, comme corps, en contraste avec ceux qui n’y ont point de part. Ainsi toutes les ordonnances établies de Dieu sont destinées à séparer comme corps, d’avec le monde, ceux qui sont à Dieu. Je lis dans la Bible : Nous n’avons pas une telle coutume, pour le cas où il s’agissait de combattre l’introduction d’un mal dans l’Église ; mais jamais à l’égard d’aucune circonstance : Nous avons telle ou telle ordonnance, langage cependant assez commun. je ne crois pas que les apôtres eux-mêmes aient eu la puissance d’établir quelque forme que ce soit qui ne tende pas directement au bien moral de l’Église. J’en ordonne ainsi dans toutes les assemblées, disait Paul ; mais c’était à propos de quelque chose qui se rapportait à la gloire de Dieu.
6. L’obéissance immédiate est le propre de la marche par la foi, seul moyen de prospérité spirituelle.
Ainsi l’ordre établi de Dieu pour ses enfants n’est pas d’attendre une bénédiction quelconque avant d’obéir, mais d’obéir sur-le-champ à son commandement, afin que la bénédiction s’ensuive. Et c’est là marcher par la foi. Il n’y aurait pas de foi si la bénédiction venait la première et si on n’avait d’autres motifs pour agir que celui-ci : Dieu le veut ; ou bien si on attendait que les difficultés se soient aplanies. Christ est la porte des brebis ; il ne s’agit pas de savoir où la porte nous mène : Ce qui nous importe, c’est que Christ soit cette porte, et d’entrer ou de sortir par elle ; le reste est l’affaire de Christ, et non pas la nôtre.
À cet égard, et en tant qu’homme, Christ nous est un admirable exemple, car il a, lui aussi, obéi avant d’avoir la récompense. Nous-mêmes nous sommes justifiés par l’obéissance à la parole de Dieu, et à notre obéissance sont liées les grâces qui suivent, selon qu’il est dit : « À chacun qui a, il sera donné et il sera dans l’abondance ». Chercher quelle est la volonté du Seigneur, en posséder une intelligence instinctive par la crainte du Seigneur, telle est l’occupation et le privilège de la spiritualité. « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ? » répondait l’enfant Jésus à Joseph et à Marie. « Si quelqu’un est spirituel », dit Paul, « qu’il reconnaisse que les choses que je vous écris sont le commandement du Seigneur ».
Et si nous le reconnaissons, que faire ? Y obéir, autant que nous avons de force et de lumière. C’est cette obéissance qui est l’âme de la vie chrétienne, et le seul moyen de prospérer, spirituellement. Comment les différents dons de Dieu nous sont-ils communiqués ou augmentés ? Quand, dans l’esprit d’obéissance, on use de ce qu’on a déjà reçu. L’Église a été sanctifiée pour l’obéissance. Élue pour cela dans l’éternité, Dieu la sanctifie encore pour cela dans le temps. Le Seigneur, par sa puissante et secrète énergie, l’amène à l’obéissance de la foi, il la convertit et lui fait faire abnégation de sa volonté propre. Tombé en terre, l’homme s’écrie : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » Et il reçoit grâce et il marche dans l’obéissance de l’amour ; et tant qu’il y marche, il continue à être béni et heureux. Mais vient-il à s’en écarter, il est châtié et jugé, quoique la patience du Seigneur puisse user de patience envers lui avant que de réprimer sa rébellion.
Serviteur obéissant, le Seigneur, à cause de cela, a été élevé au lieu du pouvoir, au rang de Donateur des dons de Dieu (Philippiens 2 v. 9 ; Éphésiens 4 v. 8 et 9) ; il prit la forme d’esclave et devint obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix ; c’est pourquoi Dieu l’a haut élevé. Ainsi, tandis que la rédemption de l’Église est par là un fait accompli : Car « par l’obéissance d’un seul, plusieurs seront constitués justes », le principe demeure que, dans l’œuvre qui se fait dans l’Église, l’obéissance vient avant la manifestation de quelque bénédiction que ce soit. Ainsi, lorsque Saul est renversé sur le chemin de Damas, le Seigneur lui dit : « Lève-toi, et entre dans la ville ; et il te sera dit ce que tu dois faire » ; et Saul obéissant reçoit à Damas consolation, force et bénédiction, par le moyen d’Ananias qui lui est envoyé ; mais la première chose, c’est que Saul obéit. Ainsi encore ce pauvre aveugle (Jean 9 v. 1, etc)., qui, aux jours de Jésus, fut, dans la chair, un beau type de ce qui arrive dans le sens spirituel, reçut l’ordre : « Va et lave-toi au réservoir de Siloé (ce qui est interprété Envoyé). Il s’en alla donc, et se lava, et revint voyant ».
Ayant été fidèle à obéir, il est à même d’enseigner ses maîtres ; et, chassé de la synagogue à cause de cela, il reçoit une nouvelle grâce, le Fils de Dieu, qui avait appris le traitement qu’on lui avait fait souffrir, le trouvant et se manifestant à lui : « Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain », dit encore Élisée à Naaman (2 Rois 5). Cet ordre était humiliant. « Voici », s’écrie Naaman dans sa colère, « je me disais (expression naïve de l’opposition qui existe entre les pensées de l’homme et l’esprit d’obéissance) : il sortira… il promènera sa main sur la place malade, etc. ». Mais plus tard, ayant obéi, il montra qu’il avait cru le témoignage de Dieu, qui parlait par la bouche du prophète : Il reconnut le Saint Esprit, qui parlait par le prophète, dans l’obéissance de la foi, et la guérison se fit incontinent.
7. L’obéissance caractérise la vraie marche par l'Esprit.
Ce fait est instructif ; il nous montre qu’une soumission implicite et sans réserve à la parole qui est la voix de l’Esprit, est la reconnaissance de l’autorité de l’Esprit et la reconnaissance que Dieu, quand nous donnons ainsi gloire à Sa vérité, glorifie sa vérité en nous bénissant.
Une bénédiction, quelle qu’elle soit, qui n’est pas le fruit de l’obéissance, n’est pas telle dans ses effets subséquents ; témoin les cailles du désert. Toute notre affaire est donc de nous enquérir de ce que Dieu veut, et puis de marcher selon cette lumière. Dès les premiers pas, nous pourrons nous assurer que la bénédiction nous accompagne, car c’est le témoignage de l’Esprit que nous suivons, et c’est honorer l’Esprit que de ne chercher la bénédiction que dans cette voie. C’est pour cela que même recevoir le Seigneur Jésus est une affaire d’obéissance, aussi bien que le don de Dieu : Car « c’est ici son commandement, que nous croyions au nom de son Fils Jésus Christ » ; et : « C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé (1 Jean 3 v. 23 ; Jean 6 v. 29) ». C’est pour cela encore que le Seigneur Jésus, qui demeurait dans l’amour du Père, dit néanmoins en donnant sa vie : « J’ai reçu ce commandement de mon Père (Jean 10 v. 18) ». C’est pour cela enfin que l’évangile, comme aussi le mystère de Dieu, « a été donné à connaître à toutes les nations… pour l’obéissance de la foi (Romains 1 v. 1 à 5 ; 16 v. 26) ».
L’opération du Saint Esprit est de nous rendre obéissants ; et, si nous ne le sommes pas, nous désavouons son autorité, tandis que notre obéissance est la preuve réelle que nous croyons au Saint Esprit et que nous sommes conduits par Lui, seule chose que Dieu approuve, que le monde en juge ou non comme Lui. Aussi j’estime que les personnes les plus avancées dans la vie spirituelle ne sont pas celles qui montrent extérieurement le plus d’activité et d’énergie, mais celles qui sont toujours plus convaincues que tout est renfermé dans la sphère de l’obéissance, et que hors de cette sphère notre travail est sans fruit et sans succès, parce que c’est là l’ordre établi de Dieu, et que tout ce qui vient de nous est nécessairement mauvais. Serait-il possible que l’esprit du mal et notre volonté nous poussent à obéir ? Certainement non ! « À la loi et au témoignage », est notre seule ressource ; et, en y revenant, nous reconnaissons la Parole, et l’opération de l’Esprit, la puissance et la lumière de cet Esprit, qui a pour charge de soumettre nos cœurs et celui des autres.
Avoir les commandements de Dieu est déjà le signe d’une âme obéissante et enseignée de Dieu, d’une âme qui, en communion spirituelle avec Lui, a acquis le discernement par lequel la pensée de Dieu, dans la Parole, est saisie et comprise. Garder les commandements de Dieu est alors la preuve d’une volonté, patiente et soumise, de persévérer à marcher sous la conduite et dans la force du Seigneur, malgré l’Ennemi et ses assauts, Dieu opérant en nous « et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir (Philippiens 2 v. 13) ».
Au contraire, s’attacher à des traditions, à des choses établies par l’homme, prouve manifestement que l’on n’a pas les commandements du Seigneur ; et quand la route de l’obéissance est bien frayée devant nous, refuser, pour une raison ou pour une autre, d’y marcher fidèlement, est une marque que nous ne voulons pas les garder : Double témoignage rendu contre nous-mêmes, que nous n’aimons pas Celui qui a donné ces commandements. La dernière disposition en particulier, celle qui nous laisse à l’entrée du chemin tracé sans que nous y avancions, bien qu’elle puisse se parer du titre d’humilité, n’est au fond, et quelles que soient les raisons mises en avant pour la justifier, qu’une accusation de dureté ou de sévérité lancée contre Dieu.
Quoi ! Vous avez reçu de Dieu une lumière, une lumière qu’il nous donne comme gage de sa protection future, et vous ne sauriez vous fier assez à sa bonté pour obéir simplement, et sans calcul, et recevoir plus de cette lumière ? Dieu vous témoigne de la confiance en mettant à votre disposition un commandement à observer, un talent pour en trafiquer, et vous ne voulez lui en témoigner aucune en agissant d’après ses intentions connues ? Oh ! N’est-ce pas imiter ce méchant et paresseux serviteur de la parabole qui, après avoir caché son talent, se présente en disant : Je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère ?
En disant aux chrétiens de faire valoir leur talent par le moyen de l’obéissance, je suis bien loin de leur prêcher l’imitation de ce qui constituait la justice de la loi, ou l’obéissance des temps passés : C’est à la seule obéissance de la foi que je les supplie de se soumettre. Notre seule confiance doit être en l’Esprit de Dieu, parce que nous n’avons en nous-mêmes ni force, ni lumière. De sa présence au milieu de nous (présence qui doit être le grand et continuel objet de nos prières), dépendent tout ordre, toute bénédiction, toute vraie obéissance ; par lui seul nous reconnaissons ce que le Père et le Fils sont pour nous dans les conseils divins, nous le reconnaissons comme chose présente et actuelle.
Le Saint Esprit est le grand agent immédiat de toutes les opérations de Dieu, soit en créant, soit dans la créature, comme il l’est de tous les actes selon Dieu accomplis par l’homme. Mais on ne peut connaître, dans ce dernier, la mesure de l’Esprit que par l’obéissance de la foi, d’une foi éclairée, à ce que ce même Esprit nous enseigne par la Parole. Quel que soit son pouvoir, nous chercherons toujours l’accroissement de celui-ci quant à son exercice dans l’obéissance à Dieu. Nous avancerons ainsi toujours plus dans le sentier de l’obéissance, en même temps que Dieu sanctionnera les pas que nous aurons faits précédemment dans ce chemin : car, quoique nous sachions peu ce que c’est que cette puissance de l’Esprit, c’est bien elle qui nous a conduits jusque-là où nous sommes.
Que le Seigneur nous accorde la grâce, que nous nous confiions assez en sa fidèle bonté, pour avoir le courage de faire sa volonté partout où nous la verrons, sachant que nous serons aidés, soutenus et bénis dans cette voie.
Un message de John Nelson Darby
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