La sanctification par la foi
Seule la justification par la foi produit la vraie obéissance à la loi de Dieu, c'est-à-dire la sainteté.
« Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! au contraire, nous établissons la loi (Romains 3 v. 3) ». Les motifs que présente la loi n'empêcheront jamais des êtres égoïstes et méchants de pécher. Maintenant que l'homme est sous la puissance de l'égoïsme et que le péché est devenu en lui une habitude invétérée, il serait absurde de supposer que les mêmes motifs qui n'ont pas suffi à l'empêcher de tomber dans le péché, puissent l'en retirer.
Par la chute, les motifs que présente la loi se trouvent avoir perdu une partie de leur influence ; ils exercent même une influence opposée à celle qu'ils avaient auparavant. Par le fait qu'ils s'adressent à un être égoïste, ils tendent à faire abonder le péché. C'est là l'expérience de tout pécheur. Voir la spiritualité de la loi, sans voir les motifs évangéliques qui la font aimer, provoque l'orgueil, excite la rébellion et endurcit le cœur.
Les pénalités de la loi ne tendent pas du tout à produire l'amour, directement du moins. Elles peuvent l'accroître chez ceux qui le possèdent déjà, alors qu'ils les considèrent comme des manifestations de l'infinie sainteté de Dieu. Et c'est ce qui arrive chez les anges et chez les hommes régénérés quand ils considèrent la convenance de ces pénalités et qu'ils y voient l'expression de l'excellente volonté de Dieu à l'égard de ses créatures ; mais chez l'homme égoïste, il en est autrement. Il voit le châtiment suspendu sur sa tête, sans aucun moyen d'y échapper.
S'attendra-t-il à ce qu'il s'éprenne d'amour pour Celui qui tient la foudre suspendue sur sa tête ? Il s'enfuira plutôt de lui. Les écrivains inspirés ne semblent pas avoir jamais eu la pensée que la loi par elle-même pût sanctifier l'homme. Elle a été formulée pour tuer plutôt que pour faire vivre ; elle devait détruire à jamais chez l'homme toute illusion de propre justice et le contraindre ainsi à fuir vers Christ. La doctrine de la justification par la foi, au contraire, eut produit, et produit en effet une réelle obéissance aux préceptes de la loi ; elle ne supprime pas la loi comme règle du devoir, elle ne met de côté que ses pénalités. La prédication de la justification, comme don purement gratuit accordé à un simple acte de foi, est la seule voie par laquelle l'obéissance à la loi puisse être obtenue. C'est ce que je vais montrer par les considérations suivantes :
1. La justification par la foi délivre l'esprit du fardeau des soucis égoïstes à l'égard du salut.
Tant que la loi absorbe notre attention, nous sommes mus par l'espérance et la crainte qui perpétuent en nous les efforts purement, égoïstes. Mais la justification par la foi met fin à cet esprit de servitude. « Vous n'avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte (Romains 8 v. 15) » ; dit l'apôtre Paul. La justification, don gratuit, engendre l'amour et la gratitude envers Dieu et dispose l'âme à goûter les douceurs de la sainteté.
2. La justification par la foi délivre l'esprit de la dure nécessité où il se trouvait de faire de son propre salut son suprême.
Celui qui croit au plan du salut tel qu'il est présenté par l’Évangile, trouve un salut tout préparé pour lui, salut qui renferme tout, pardon, sanctification et vie éternelle ; au lieu de commencer une vie de pharisien, vie d'efforts laborieux qui l'épuiseraient, il reçoit le salut comme un don purement gratuit ; c'est ainsi qu'il se trouve libre pour exercer la bienveillance désintéressée, et pour ne plus vivre que pour le salut des autres, en abandonnant sa propre âme sans réserve à Christ.
3. Le fait que Dieu a pourvu à son salut et le lui a donné d'une manière purement gratuite, est fait pour éveiller chez le croyant le souci du salut des autres.
Quand il les voit périr dans l'ignorance et les ténèbres, il est pris du désir de les amener à la connaissance de la vérité et à l'acceptation du salut. Il est ainsi bien éloigné de tout motif égoïste. La justification par la foi manifeste Dieu non comme un ennemi irréconciliable, ainsi que le fait la loi, mais comme un père offensé et affligé, désirant ardemment que ses enfants soient réconciliés avec lui et qu'ils vivent ; ce qui est fait pour produire l'amour. L’Évangile nous montre Dieu faisant le plus grand sacrifice pour réconcilier le pécheur avec soi et cela sans autre pensée que le bonheur de la créature. Essayez de cette méthode-là dans l'éducation de vos enfants.
J'ai entendu un père raconter qu'il avait essayé d'imiter, dans sa famille, le gouvernement de Dieu. Son enfant s'étant mal conduit, il s'était entretenu avec lui, il lui avait montré ses fautes, et quand l'enfant avait été pleinement convaincu de son tort, confondu et condamné dans sa conscience, il lui avait posé la question : « Mérites-tu d'être puni ? « Oui, avait répondu l'enfant. » « Maintenant, avait reparti le père, si je te dispensais purement et simplement du châtiment, négligeant de reprendre le péché, quelle influence cela aurait-il sur mes autres enfants ? Plutôt que de le faire, j'endurerai moi-même la punition ». Et il s'était appliqué à lui-même la punition due à l'enfant. L'effet avait été merveilleux ; la parfaite soumission, qu'aucun autre moyen n'avait pu produire, fut obtenue par celui-là. Selon les lois de notre esprit, il devait en être ainsi. La grâce affecte l'esprit et le cœur tout autrement que la loi.
4. La justification par la foi place l'esprit sous des influences entièrement nouvelles ; elle lui donne la liberté nécessaire pour apprécier les raisons d'être saint, et pour se décider selon ces raisons.
Sous la loi, la crainte et l'espérance sont les seuls motifs qui puissent agir sur l'esprit du pécheur. Mais quand l’Évangile est accepté, ces deux motifs perdent leur pouvoir, un nouvel ordre de considérations se présente, tout le caractère de Dieu se dévoile et exerce son influence sur celui qui le contemple. L’Évangile manifeste les traits du caractère de Dieu les plus propres à briser le cœur du pécheur et à détruire le péché en lui. Il révèle aux sens Dieu incarné dans la nature humaine. Il manifeste son désintéressement.
Quand les enfants de Dieu voient ce même Dieu saint qui donna la loi, s'émouvoir de compassion pour des rebelles, leur tendre ses bras paternels, leur donner son Fils bien-aimé, et travailler à leur salut avec une sollicitude qui ne se dément jamais, ne pensez-vous pas qu'il y ait là de quoi fortifier les motifs de leur amour et de leur obéissance ?
Le démon, qui est un être purement égoïste, accuse sans cesse les autres d'égoïsme : « Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu ? (Job 1 v. 9) ». De même auprès de nos premiers parents, il accusa Dieu d'égoïsme, en prétendant que Dieu n'avait été porté à leur interdire le fruit de l'arbre de la connaissance que par la crainte de les voir s'égaler à lui par leur savoir. L’Évangile révèle ce qu'est Dieu. S'il était égoïste, il ne montrerait pas une si grande et si persévérante sollicitude pour le salut de pécheurs que d'un mot il pourrait anéantir.
Rien n'est propre à rendre l'égoïste honteux de son égoïsme comme la vue de la bienveillance désintéressée chez les autres. De là vient que le méchant s'efforce toujours de paraître désintéressé. Que l'égoïste à qui il reste un peu de cœur soit le témoin et l'objet d'une bienveillance sincère, il sera couvert de confusion. C'est ce qui a fait dire au Sage : « Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger ; s'il a soif, donne-lui de l'eau à boire. Car ce sont des charbons ardents que tu amasses sur sa tête (Romains 12 v. 20) ». Rien, en effet, n'est puissant comme la bienveillance pour dompter un ennemi et en faire un ami. C'est là le moyen qu'emploie l’Évangile à l'égard des pécheurs.
Il en est comme d'un homme condamné à mort pour crime de rébellion. Il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour se recommander à la clémence du gouvernement, mais en vain, parce que toutes ses démarches portent l'empreinte de son égoïsme et de la sécheresse de son cœur. Cependant, contre toute espérance, arrive une lettre de ce même gouvernement qui lui offre sa grâce à condition qu'il la recevra comme un don purement gratuit. Quel effet cette lettre produira-t-elle sur lui ? Dès qu'il verra le châtiment écarté sans qu'il ait plus aucun effort à faire pour se justifier, il sera rempli d'admiration pour une telle délivrance. Et maintenant, qu'il apprenne que son gouvernement a fait les plus grands sacrifices pour lui procurer cette délivrance, son égoïsme en recevra le coup de mort, son cœur se fondra, il tombera comme un petit enfant aux pieds du souverain qui lui accorde une telle grâce, et désormais la loi le trouvera toujours prêt à l'obéissance parce qu'il aime son souverain.
5. La foi assure la sanctification en plaçant l'âme sous le pouvoir de motifs capables de la produire.
Elle donne aux éternelles vérités accès dans l'esprit et prise sur leur cœur. En ce monde, les motifs temporels s'adressent à nos sens ; dans le ciel, au contraire, les motifs qui influencent les bienheureux ne sont point de ceux qui peuvent agir sur nos sens. La foi fait disparaître le mur de séparation qui se trouve entre la terre et le ciel ; par elle, les réalités infinies de l'éternité agissent sur notre esprit de la même manière que sur celui des bienheureux. L'esprit est le même partout, et n'étaient les ténèbres de l'incrédulité, les hommes vivraient ici-bas comme on vit dans le monde invisible.
On verrait les pécheurs en furie, vomissant leurs blasphèmes exactement comme on fait dans l'enfer, tandis que les saints aimeraient serviraient et loueraient Dieu exactement comme on fait dans le ciel. La foi rend les choses à venir présentes et réelles ; elle délivre l'esprit de toutes les entraves de ce monde ; elle saisit Dieu, sa loi et son amour, motifs qui ne peuvent pas agir sur l'esprit autrement que par elle.
Quelle action profonde la foi n'exerce-t-elle pas sur l'âme, quand c'est de l'amour de Christ qu'elle s'empare ! quelle puissance de vie ne devient-elle pas quand, grâce à elle, les purs motifs de l’Évangile se saisissent du cœur et le remuent avec l'énergie même de Dieu ! Chaque chrétien sait que son esprit est libre, puissant et actif à proportion que sa foi est forte ; tandis qu'au contraire son âme n'est que faiblesse et obscurité quand sa foi défaille. Seule la foi rend capable de comparer avec justesse les choses temporelles avec les choses éternelles ; seule elle remet les unes et les autres à leur vraie place en leur donnant leur vraie valeur. Elle détruit les illusions, délivre l'âme de ses erreurs et de ses entraves, la relève et la réintègre dans la communion de Dieu.
Remarques
1. Il n'est ni philosophique ni scripturaire d'essayer de convertir et de sanctifier les âmes sans leur présenter les motifs de l’Évangile. Vous pouvez, la loi en main, presser le pécheur de se convertir, vous pouvez lui montrer la grandeur et la justice de Dieu, vous pouvez lui montrer son état de perdition ; mais tant que vous lui cacherez l’Évangile, tout sera vain.
2. Il est absurde de penser que la grâce offerte par l’Évangile soit de nature à produire une espérance égoïste. Quelques personnes craignent de faire connaître au pécheur tous les traits du caractère de Dieu ; elles s'efforcent de le jeter dans le désespoir afin de le soumettre à Dieu.
Ce procédé n'est pas seulement contraire à l’Évangile, il est encore absurde en lui-même. Il est, en effet, absurde de penser que pour détruire l'égoïsme du pécheur, il faille lui cacher la grandeur de l'amour et de la pitié que Dieu ressent pour lui, et ne rien lui dire de l'immensité du sacrifice que l'amour divin a accompli afin de le sauver.
3. Il est si peu vrai qu'en faisant connaître au pécheur toute l'étendue des compassions de Dieu, on s'expose à lui donner de fausses espérances, qu'au contraire, en les lui laissant ignorer, vous le mettez au point de ne pouvoir entretenir qu'une espérance fausse. En effet, cacher au pécheur qui se débat sous une conviction poignante de péché que Dieu a pourvu à son salut par un don purement gratuit, c'est le vrai moyen de l'endurcir dans son égoïsme. Et s'il parvient, en cette position, à concevoir quelque espérance, cette espérance ne peut être qu'illusoire. La soumission obtenue par la, loi seule ne peut être que la fausse soumission du propre juste.
4. Pour autant que nous pouvons le savoir, le salut par grâce, salut qui n'est obtenu à aucun degré par le mérite de nos propres œuvres, est la seule voie possible pour obtenir la régénération du pécheur égoïste. Supposez que le salut ne soit pas absolument gratuit, mais qu'il soit attribué en quelque mesure à nos bonnes œuvres ; il stimulera notre égoïsme dans la proportion où nos bonnes œuvres auront été prises en considération.
Il faut amener le pécheur à ce qu'il se voie dans une dépendance absolue de la libre grâce de Dieu ; il faut qu'il reconnaisse qu'une justification complète et parfaite est accordée comme un don purement gratuit au premier acte de foi, non en retour d'une œuvre quelconque qu'il aurait à accomplir. Une telle justification est la seule qui puisse détruire l'égoïsme et produire la sainteté.
5. Si tout ceci est vrai, les pécheurs doivent être mis le plus vite possible en pleine possession de tout le plan du salut ; il faut qu'ils en aient la connaissance la plus complète possible.
Il faut leur faire connaître la loi et leur propre culpabilité ; il faut qu'ils voient la complète impossibilité où ils sont de se sauver par eux-mêmes. Il faut ensuite leur faire connaître le plus possible « la longueur, la largeur, la hauteur, la profondeur de l'amour de Dieu » ; plus vous y réussirez, plus vous crucifierez leur égoïsme, et vous soumettrez leur âme à Dieu dans l'amour. En conversant donc avec les pécheurs, ne craignez pas de leur donner au plus tôt la complète connaissance de tout le plan du salut et des compassions infinies de Dieu. Montrez-leur que malgré leur culpabilité, le Fils de Dieu frappe à la porte de leur cœur les suppliant de se laisser réconcilier avec Dieu.
6. Vous voyez pourquoi tant de pécheurs convaincus en restent au Sinaï ; faisant, dans leur propre justice, tous les efforts possibles pour se sauver par leurs propres œuvres.
Qu'il est fréquent de voir le pécheur s'efforçant, avant de se convertir, de sentir davantage, ou attendant d'avoir fait plus de prières, ou de plus grands efforts, pensant se recommander ainsi à Dieu ! Il faut détourner le regard du pécheur de toutes ces choses, il faut lui montrer que, par tous ces délais et toutes ces demandes préliminaires, il ne fait pas autre chose que chercher son salut dans la loi, et que tout cela, est rendu plus que superflu par l’Évangile qui lui offre à titre gratuit tout ce dont il a besoin. Il faut qu'il entende la voix de Jésus qui lui crie : « Tu ne veux pas venir à moi pour avoir la vie ; tu veux bien prier, aller aux réunions religieuses, lire la Bible, faire toute sorte de choses, excepté la seule qui puisse te sauver : Venir à moi ».
7. Vous comprenez pourquoi tant de gens qui font profession d'être chrétiens restent cependant toujours dans les ténèbres. Ils regardent, toujours à leurs péchés et ne contemplent que leur propre personne. Ils oublient qu'ils n'ont autre chose à faire qu'à saisir Christ et à se reposer sur lui ; qu'ainsi tout ira bien.
8. La loi est utile pour convaincre de péché ; mais (c'est un fait qu'on ne peut nier) elle ne brise jamais le cœur du pécheur ; l’Évangile en est seul capable. Et vous pouvez observer que le nouveau converti a le cœur brisé en proportion du degré de clarté avec lequel l’Évangile lui est apparu.
9. Les convertis, si vous voulez leur donner ce nom, qui suivent une prédication légale, et qui, au point de vue même de cette prédication, entretiennent des espérances de vie éternelle, peuvent donner à la loi une approbation intellectuelle, avoir un zèle aride, mais ils ne seront jamais des chrétiens au cœur doux et humble. S'ils n'ont pas connu Dieu tel qu'il se présente à nous dans l’Évangile, ils ne ressembleront jamais à ces chrétiens bienheureux tels que nous en connaissons quelques-uns, cœurs simples et purs qui, au nom de Jésus, tressaillent d'émotion jusque dans leurs dernières profondeurs.
10. Les pécheurs qui sont convaincus de péché et les chrétiens de profession qui sont dans les ténèbres, doivent être conduits les uns et les autres, droit à Christ pour saisir en lui le plan du salut par la foi. Il n'y a pas d'autre moyen de leur faire du bien.
Un message de Charles Finney
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