Directions pour les pécheurs.18
Je vais expliquer quelle réponse devrait être donnée à ceux qui s’écrient : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? »
« Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? (Actes 16 v. 30) ». Cette question fut adressée par le geôlier de Philippes aux envoyés célestes Paul et Silas, lorsqu’ils étaient confiés à sa garde comme prisonniers. Satan s’était opposé en bien des manières aux serviteurs du Seigneur dans leur œuvre d’évangélisation ; mais autant de fois il avait été battu et humilié. A Philippes il imagina l’emploi d’un moyen nouveau et singulier pour faire manquer l’œuvre évangélique.
Il y avait dans cette ville une certaine femme, possédée du diable, et à qui cet esprit de ténèbres communiquait l’esprit de divination. Comme elle était esclave, elle apportait un grand gain à ses maîtres par l’exercice de son art infernal. Le diable poussa cette créature à suivre Paul et Silas dans les rues, pour que, aussitôt que l’attention du public serait éveillée sur eux, elle se mît à dire à haute voix : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu souverain, et ils vous annoncent la voie du salut (Actes 16 v. 17) ». Ainsi elle entreprit d’appuyer de son témoignage les instructions et les exhortations des prédicateurs.
Elle obtint un résultat tel que Satan le désirait. Tous les habitants de Philippes savaient que cette devineresse était une femme méchante et méprisable, de sorte que, lorsqu’ils apprirent qu’elle tâchait de recommander la nouvelle doctrine, ils en furent dégoûtés d’avance, et ils en conclurent que l’œuvre des apôtres et celle de cette femme n’étaient qu’une seule et même chose. Le diable n’ignorait pas qu’en excitant une telle personne contre les serviteurs du Seigneur il servirait leur cause plutôt que la sienne. Le moment ne permettait pas l’application de cette tactique. C’est pourquoi il suivit une marche tout opposée ; il tira de la bouche de sa créature des louanges pour les envoyés de Dieu, et un témoignage souillé en faveur de leur instruction, pour faire croire au peuple qu’un même esprit animait les prédicateurs de l’Évangile et la diseuse de bonne aventure, et pour empêcher ainsi que la bonne nouvelle du salut ne fût reçue. Mais Paul prévit que, si les choses prenaient une telle tournure, il échouerait complètement dans son projet d’établir une église à Philippes.
Il se tourna donc vers la devineresse, et, au nom de Jésus-Christ, il commanda à l’esprit immonde de sortir d’elle. Lorsque ses maîtres s’aperçurent que l’espérance de leur gain était perdue, ils excitèrent une grande persécution, se saisirent de Paul et de Silas, firent un grand tumulte, traînèrent leurs adversaires devant les magistrats qui, à cause de la clameur, les firent mettre en prison, où leurs pieds furent serrés dans des ceps.
Ils pensaient avoir ainsi mis fin à l’excitation qui avait été produite dans la ville. Mais voici, sur le minuit, pendant que Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu, les prisonniers l’entendant, les murs épais de cette ancienne prison, qui avait si longtemps répété la voix du blasphème et des jurements, et qui, maintenant, retentissait du chant sacré, ces murs, qui n’avaient pas encore été ébranlés, tremblèrent par l’efficacité de la prière. Les ceps des captifs furent déliés, les portes s’ouvrirent ; tous les liens furent brisés ; le geôlier fut réveillé ; et lorsqu’il vit les portes de sa prison ouvertes (sachant que, si les prisonniers se sauvaient, il serait puni de mort), il tira son épée et il allait se tuer.
Mais Paul, qui n’avait pas la moindre idée de s’évader, lui cria à l’instant même : « Ne te fais point de mal, car nous sommes tous ici (Actes 16 v. 28) ». Alors le geôlier demanda une lumière, s’élança dans la prison ; tout tremblant, il se jeta aux pieds de Paul et de Silas et les mena dehors, en leur disant : « Seigneurs, que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » Dans mon dernier discours, je me suis arrêté assez longtemps sur les fausses directions qui sont données aux pécheurs convaincus de péché, et sur les fausses consolations qui ne leur sont que trop souvent administrées.
Mon dessein est maintenant de montrer quelles sont les directions qui devraient être données aux pécheurs inquiets sur leur état de péché, pour leur conversion prompte et efficace ; en d’autres termes, je vais expliquer quelle réponse devrait être donnée à ceux qui s’écrient : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » En conséquence je prendrai en considération les points suivants :
I. Quelles ne sont pas les directions à donner aux pécheurs qui sont en peine de leur salut.
II. Quelle est la seule bonne réponse à faire à la question de mon texte.
III. Enfin, je spécifierai plusieurs erreurs dans lesquelles les pécheurs sont enclins à tomber.
I. Quelles ne sont pas les directions à donner aux pécheurs qui sont en peine de leur salut.
Jamais question plus importante ne fut faite que celle du geôlier de Philippes : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » Quant aux questions que dans le monde on ne cesse de faire : « Que mangerons-nous, et que boirons-nous ? » On peut y répondre de bien des manières, sans qu’il puisse en résulter un grand mal. Mais quand un pécheur demande sérieusement : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » Il est de la plus haute importance qu’il obtienne la bonne réponse.
1° Il ne faut pas que, par la direction qui est donnée au pécheur, celui-ci soit porté à demeurer dans un lien d’iniquité.
Telle réponse qui serait donnée à celui qui s’enquiert du moyen de salut, n’est pas bonne, si elle ne met pas l’âme qui la reçoit à l’instant même en état d’être admise dans le ciel.
2° Aucune direction ne doit être donnée qui n’amène pas un changement de cœur ou une obéissance de cœur à Christ.
Il faut que par elle le pécheur devienne instantanément un vrai chrétien. Toute direction, qui n’a pas cette tendance régénératrice, n’est d’aucune utilité pour le pécheur. Elle ne le rapproche pas du royaume des cieux ; au contraire, elle le porte à renvoyer l’œuvre qu’il doit faire pour être sauvé. Il s’agit de dire, une fois au moins, d’une manière positive au pécheur ce qu’il doit faire pour ne pas périr ; mais rien ne doit lui être dit, qui ne suppose et ne nécessite chez lui un cœur droit. Sans cette droiture de cœur, ô pauvre pécheur ! Tout ce que vous pouvez faire n’est que péché.
Que vous lisiez votre Bible, ou que vous ne l’ouvriez pas, vous péchez aussi longtemps que vous demeurez dans un état de rébellion. Que vous assistiez aux réunions religieuses, ou que vous n’y alliez pas, que vous priiez, ou que vous ne le fassiez pas, vous êtes à tout moment rebelle, vous ne faites que pécher. On ne comprend même pas comment un pécheur peut s’imaginer qu’il sert Dieu par le seul fait qu’il prie ou qu’il lit sa Bible. Se pourrait-il qu’un citoyen, rebelle au gouvernement de son pays, s’occupât à lire le Code des lois, tandis qu’il n’a pas du tout l’intention d’obéir et qu’il persiste dans sa rébellion. Se pourrait-il que les armes à la main il demandât grâce et pardon ?
Viendrait-il à la pensée de quelqu’un qu’il rend ainsi service à son pays, et que celui-ci est obligé de lui être favorable. Nullement, car on dirait plutôt que ses lectures et ses prières ne sont qu’une insulte faite au législateur et aux lois. De même, vous pécheur, vous qui demeurez dans l’impénitence, vous insultez Dieu, vous le défiez, en quelque sorte, soit que vous lisiez sa Parole, que vous lui adressiez des prières, ou que vous laissiez tout cela de côté. N’importe en quel lieu vous soyez, quelle soit la posture de votre corps ; aussi longtemps que votre cœur n’est pas droit, que vous résistez au Saint-Esprit et que vous rejetez Jésus-Christ, vous êtes rebelle à votre Créateur.
II. Mais quelle est donc la bonne réponse à faire à cette question : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? »
En règle générale, toute direction, qui nécessite un cœur droit, peut être donnée au pécheur ; et, s’il comprend bien cette direction, il sera sauvé. L’Esprit de Dieu, en contestant avec les pécheurs, accommode ses luttes à la disposition morale dans laquelle il les trouve. Le grand objet qu’il a en vue, c’est de les faire sortir de leurs cachettes et de les porter à se soumettre à Dieu complètement. Autant il y a d’individus, autant il y a d’objections à surmonter, de difficultés à lever, de dispositions d’âme à prendre en considération. Les caractères des humains, aussi bien que les circonstances dans lesquelles ils se trouvent placés, présentent une diversité sans bornes. La conduite à tenir à l’égard de chacun pour qu’il soit converti, dépend de ses erreurs particulières. Il est donc nécessaire de constater ces erreurs, de découvrir ce que le pécheur comprend de la doctrine du salut et ce qu’il a encore besoin d’apprendre, d’examiner comment l’Esprit de Dieu cherche à agir sur sa conscience, et de suivre la même marche pour amener cette âme à Christ.
Il s’agit donc de détailler un peu les directions ordinaires à donner aux pécheurs.
1° Une direction sûre et générale, c’est de dire à un pécheur qu’il doit se repentir.
Je dis générale ; car quelquefois l’Esprit de Dieu semble ne pas tant fixer l’attention du pécheur sur ses péchés que sur autre chose. Dans les temps apostoliques, la question qui occupait le plus les esprits, était de savoir si Jésus était le Messie promis. Aussi les apôtres insistaient-ils surtout dans leurs instructions sur ce point, que Jésus est le Christ. Et quand quelqu’un leur demandait ce qu’il fallait faire pour être sauvé, ils l’exhortaient ordinairement à croire au Seigneur Jésus-Christ. Ils prenaient cette doctrine, parce que c’est pour la faire recevoir que l’Esprit de Dieu contestait alors avec les Israélites et les Gentils. De plus, cette question était à l’ordre du jour parmi les descendants des patriarches. Il était conséquemment probable que la première chose qu’une personne ferait en se soumettant à Dieu, serait de reconnaître Jésus pour le Messie. Voilà la question en litige à cette époque ! Amener le pécheur à admettre cette doctrine controversée, était donc le moyen le plus efficace pour l’humilier.
Dans d’autres circonstances le Saint-Esprit lutte avec les pécheurs, principalement au sujet de leurs propres péchés. Un devoir particulier, négligé par eux, est rappelé par l’Esprit à leur conscience. Si par exemple le devoir de la prière ou du culte domestique est contesté par quelqu’un, l’Esprit s’efforce de le rendre inquiet sur ce point. J’ai connu tel individu, qui niait la nécessité de la prière, et qui, forcé par un pouvoir irrésistible à se mettre à genoux pour prier, se sentit vaincu, et fit le sacrifice de son cœur au Seigneur. Dans ce cas il était évident que ce point était le pivot sur lequel tournait la contestation du pécheur avec Dieu.
Il est toujours bon d’amener le pécheur à la repentance ; mais cette direction n’est pas toujours efficace et décisive ; car il peut y avoir telle autre chose qu’il a aussi besoin d’apprendre. Il ne suffit pas de dire à quelqu’un qu’il a à se repentir, il est nécessaire de lui expliquer ce qu’est la repentance, et même ce que n’est pas cette œuvre, car il en est de cette expression comme de bien d’autres : par les raisonnements des hommes elle est devenue susceptible d’acceptions bien différentes les unes des autres.
Il est des personnes, et en grand nombre, qui pensent que la repentance est le remords ou le sentiment de la culpabilité. Mais, dans ce cas, l’enfer serait peuplé de repentants, car les remords sont le partage des damnés. D’autres ont du regret d’avoir fait une chose, et ils disent qu’ils se repentent. Mais s’ils ont du regret d’avoir péché, c’est à cause des conséquences du péché et nullement parce qu’il leur inspire de l’horreur. Ceci n’est pas encore la repentance.
On ne se repent pas non plus quand on a simplement quelques convictions du péché ou même de fortes craintes de l’enfer. Et les reproches de la conscience ne doivent pas être considérés comme constituant à eux seuls la repentance. La plus grande méchanceté peut exister là où se trouvent ces divers sentiments. Le diable les a indubitablement ; et, toutefois, il ne cesse pas d’être Satan.
La repentance est un changement total de l’esprit et du cœur quant au péché. Ce n’est pas seulement un changement de vues, mais aussi de sentiments à cet égard. La repentance suppose toujours qu’il y a horreur pour le péché dans le cœur et que l’individu y renonce. Mais les sentiments du pécheur qui se repent sont bien différents de ce que les gens du monde s’imaginent à l’avance qu’ils sentiraient en délaissant leur voie pour devenir religieux. Dans le monde la religion est envisagée seulement sous ce point de vue, que, si quelqu’un devient pieux, il est obligé d’abandonner les amusements auxquels il prend plaisir ; et on ne comprend pas comment on peut encore après tout cela avoir des jouissances quelconques. Mais ce n’est là qu’une idée fausse qu’on se fait de la religion. Elle ne rend nullement malheureux celui qui, par elle, se prive des choses auxquelles il prenait plaisir, puisque le premier pas à faire dans le chemin de la piété, c’est de changer de dispositions à l’égard de toutes les choses mondaines. C’est donc une grande erreur, parmi les pécheurs impénitents, que de croire qu’ils sentiront toujours le besoin de leurs amusements s’ils se convertissent, et qu’ainsi ils auraient sans cesse à s’imposer des sacrifices qui les rendraient malheureux.
Il est vrai qu’il y a quelques personnes qui, tout en faisant profession d’être pieuses, seraient bien aises de prendre ou de garder leur ancien train de vie, si elles ne se sentaient pas retenues par la crainte de perdre entièrement leur caractère de chrétien, ou par d’autres considérations semblables. Mais remarquez que, si elles ont de tels sentiments, c’est parce qu’elles n’ont pas de véritable religion, et qu’elles ne haïssent pas le péché. Elles ne se sont jamais repenties, car, si elles étaient réellement converties, elles se détourneraient avec dégoût de leur ancienne voie, au lieu d’avoir le désir d’y rentrer. Quiconque s’est vraiment repenti trouve son plus grand plaisir à obéir à Dieu.
2° Il faut qu’avec la repentance, la foi à l’Évangile soit aussi indiquée au pécheur comme un moyen de salut.
Mais il importe encore ici de lui dire ce que n’est pas la foi, et de lui faire bien connaître la véritable foi. Rien de plus commun, dans le monde, que d’entendre dire : « Je crois à l’Évangile. » Mais dans la plupart des cas, si on admet le fait que l’Évangile est la vérité, c’est un effet des préjugés, et nullement une conviction provenant de l’évidence de cette vérité. Il est étonnant qu’on ne s’aperçoive pas de l’illusion si fréquente qu’on se fait à ce sujet ; et, toutefois, il est souvent difficile de convaincre ces prétendus croyants de leur manque de foi, quoiqu’ils ne puissent pas ignorer que leur croyance n’exerce aucune influence sur leur manière d’agir, tandis qu’on ne peut pas en dire autant de leur croyance relative aux choses de ce monde.
Le fait est donc, que le pécheur insouciant ne croit pas du tout à l’Évangile. Il ne comprend même pas la doctrine de la foi. Le diable a, lui, cette saine intelligence de la chose ; et c’est pourquoi il tremble à la seule pensée de Dieu. Nul être au monde ne peut croire, théoriquement, au contenu de la Bible, sans que cette croyance influe sur ses sentiments. Aussi le pécheur devient-il inquiet dès qu’il commence à comprendre la vérité. Celui dont les sentiments et la conduite ne sont pas influencés par la religion est un incrédule ; n’importe la manière dont il la professe extérieurement.
Mais la foi qui sauve n’est pas seulement la conviction de l’esprit que Christ est mort pour nous, ni la croyance qu’on est chrétien ou qu’on le sera, ou, vaguement, que nos péchés nous sont remis.
La foi est cette confiance dans les Écritures divinement inspirées, qui porte à l’action celui qui l’a dans son cœur. C’est ce qui nous est enseigné par saint Paul, dans son épître aux Hébreux, (Hébreux 11), où il est dit que « la foi rend présentes les choses qu’on espère, et qu’elle est une démonstration de celles qu’on ne voit point ». L’apôtre démontre cette vérité par plusieurs exemples. Prenons l’exemple de Noé. Noé fut averti de la part de Dieu des choses qui ne se voyaient pas encore. Il reçut l’assurance que Dieu allait faire venir sur la terre le déluge destructeur, il le crut ; et que fit-il ? Pour sauver sa famille il bâtit une arche, et, en agissant ainsi, il condamna le monde incrédule.
La sincérité de sa foi fut rendue évidente par ses actions. Abraham fut appelé de Dieu à quitter son pays. En même temps il reçut la promesse qu’il n’y perdrait rien. Il obéit à l’appel, et il partit sans savoir où il allait. Tout le chapitre est plein d’exemples qui prouvent la même chose. La nature de la foi y est exposée comme nécessairement accompagnée de l’action.
Or, il faut expliquer tout cela au pécheur. Il faut qu’il comprenne que la foi, qui est exigée par l’Évangile, est précisément cette confiance en Christ, qui fait que le croyant agit d’une manière qui ne dément pas la confession de sa bouche. Voilà ce que c’est que de croire en Christ !
3° Une autre direction propre à être donnée au pécheur, c’est qu’il doit donner son cœur à Dieu.
« Mon fils, donne-moi ton cœur (Proverbes 23 v. 26) », ainsi parle Dieu à l’homme. Il s’agit encore ici d’expliquer ce que c’est que donner son cœur à Dieu. Il est étonnant, sans doute, qu’on ait besoin d’une telle explication ; car, quand il est question de donner son cœur à quelqu’un ou à quelque chose de ce monde, personne n’est étranger à ce langage ; il est compris de tous. Qu’on parle à une femme de donner son cœur à son mari, ou à un mari de donner son cœur à sa femme, on ne parlera pas un langage inintelligible pour eux.
Qu’on demande au contraire à un pécheur, n’importe quel soit son âge ou l’éducation qu’il a reçue, ce que c’est que donner son cœur à Dieu, il est embarrassé pour la réponse. J’ai adressé à plus de mille personnes cette question : « Avez-vous donné votre cœur à Dieu ? » Elles me répondaient toujours qu’elles étaient disposées à le faire, elles disaient quelquefois qu’elles désiraient le faire, et ce désir semblait être vif dans leur cœur. Quand je leur demandais aussi si elles savaient ce que c’est que donner son cœur à Dieu, il m’arrivait très rarement de recevoir une réponse juste.
Quelquefois j’ai eu des réponses on ne peut plus étranges ; on me répondait tout autre chose que ce qu’on devait répondre. Il n’y a cependant rien de plus simple que ce sacrifice que Dieu nous demande. Lui donner son cœur, c’est évidemment placer ses affections en lui et s’efforcer de lui plaire en toutes choses. Ainsi cette doctrine n’est pas enveloppée de mystère, comme on le pense dans le monde, elle est toute simple. Pécheur, ce que Dieu demande de vous, c’est que vous l’aimiez par-dessus tout.
4° La soumission à Dieu est encore un devoir à l’accomplissement duquel les pécheurs inquiets sur leur salut doivent être amenés.
Et cette soumission non plus n’est pas comprise dans le monde. On s’en fait de fausses idées. Être soumis à Dieu, c’est lui obéir. Si dans un pays un citoyen, ayant pris les armes contre son gouvernement, était appelé à se soumettre, qu’entendrait-il par cet appel ? Il comprendrait qu’il est appelé à déposer les armes et à obéir aux lois de son pays. Voilà précisément ce que le pécheur doit faire à l’égard de Dieu. Il doit mettre fin à ses oppositions et à ses résistances hostiles envers son Créateur, et prendre l’attitude d’un enfant docile et obéissant, disposé à être et à faire toujours ce que Dieu exige de ses créatures : « Me voici, Seigneur ! Que veux-tu que je fasse ? » c’est là son langage !
Représentons-nous encore une compagnie de soldats en état de révolte. Le gouvernement a mis sur pied une armée pour les soumettre. Ils se sont retirés dans une forteresse, où les provisions ont bientôt manqué. N’ayant pas moyen de se sauver, ils n’ont su que faire jusqu’à ce qu’un des révoltés se soit décidé à s’adresser aux autres en ces termes : « Eh bien ! Camarades, nous sommes dans nos torts depuis le commencement de cette affaire. Il est probable que nous ne tarderons pas à recevoir ce que nous méritons justement. Nous ne pouvons échapper ; et, quant à moi, je ne veux absolument pas trouver ma mort en ce lieu. C’est pourquoi je vais me livrer à la clémence de notre chef ».
Cet homme se soumet ; et dès ce moment il cesse d’être un rebelle. Il en est de même du pécheur quand il cesse de lutter contre Dieu, et qu’il consent dans son cœur à être et à faire ce que Dieu demandera de lui. Il peut être dans le doute pour ce qu’il a à faire ; il peut même craindre qu’en se jetant entre les mains du Tout-Puissant, il ne soit immédiatement jeté en enfer, comme il le mérite. Mais il remet toute cette affaire à son Dieu ; il ne lui résiste plus longtemps ; et, sans aucune condition, il lui abandonne son sort avec une pleine confiance en sa bienveillance. Jusqu’à ce que vous ayez suivi cette marche, ô hommes pécheurs, vous n’avez rien fait pour votre salut.
5° Ce que les pécheurs ont encore à faire, c’est de confesser leurs péchés et d’y renoncer.
Les péchés contre Dieu doivent être confessés à Dieu ; ceux contre le prochain, au prochain, et les uns comme les autres doivent être abandonnés. Aussi longtemps qu’un homme n’a pas fait toutes les réparations en son pouvoir, il n’a pas renoncé au péché. S’il a volé de l’argent, ou s’il a fait tort à son prochain de telle ou telle autre manière, il n’abandonnera pas le péché par la seule résolution qu’il prendra de ne plus voler ou de ne plus nuire ; il faut qu’il répare, autant que possible, le tort qu’il a fait. Un calomniateur de même doit une réparation ; il ne lui suffit pas non plus de dire qu’il ne calomniera plus. De la même manière, si quelqu’un a dérobé quelque chose à Dieu (et qui est le pécheur qui ne l’a pas fait ?, (1) il faut aussi qu’il fasse réparation, autant que cela dépend de lui.
Supposons un homme en rébellion contre Dieu ; il a gagné de l’argent ; et il n’a pas fait tourner au profit du règne de son Créateur, son temps, ses talents et son service ; il n’a fait usage des bontés de la Providence que pour se réjouir, sans songer à se dépenser pour le salut du monde. Eh bien ! S’il meurt avec le sentiment que l’argent qu’il a est à lui, et qu’ainsi il le laisse à ses héritiers, il peut être aussi sûr qu’un voleur de grand chemin qu’il ira en enfer. Jamais il n’a rien fait pour Dieu.
Quand même il aurait eu un langage très religieux, il n’a jamais confessé son précédent péché à Dieu ; il ne l’a pas même abandonné ; car il ne s’est jamais reconnu l’économe de Dieu. S’il refuse d’administrer ses biens comme un économe de Dieu, s’il s’en attribue la possession et qu’il les laisse à ses enfants, il dit par le fait à Dieu : « Ces biens ne t’appartiennent pas ; ils sont à moi, et je les donnerai à mes enfants ». Il a persévéré dans son péché, car il n’abandonne pas la possession de ce qu’il a ravi à Dieu. Que dirait de son commis un marchand, si ce commis s’emparait de tout son capital, sans vouloir le lui rendre ? Cet homme irait-il au ciel ? Non, direz-vous ; car, s’il ne va pas en enfer, on peut aussi bien dire, qu’il n’y a pas d’enfer du tout. Dieu serait infiniment injuste, s’il laissait un tel individu impuni. A-t-il abandonné le péché ? Je vous dis que non. S’il ne s’est pas rendu à Dieu avec tout ce qu’il a, il n’a pas même fait le premier pas dans le chemin du ciel.
6° Un autre bon conseil à donner aux pécheurs est celui-ci : « Choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir ».
Sous l’ancienne alliance cette direction était la plus ordinaire qui fût donnée aux hommes, car jusqu’aux jours de Jean-Baptiste ils étaient rarement appelés à croire au Christ. Saint Jean baptisait ceux qui s’adressaient à lui du baptême de repentance ; et il leur disait de croire en Celui qui devait venir après lui. Sous Josué, les Israélites étaient exhortés à choisir qui ils voulaient servir ; et cette exhortation était bien plus facilement comprise que n’aurait été celle de recourir par la foi à un Messie qui n’était pas prêt à être manifesté. Moïse parlait au peuple en ces ternies : « Je prends aujourd’hui à témoin les cieux et la terre contre vous, que j’ai mis devant vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction ; choisis donc la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité (Deutéronome 30 v. 19) ». Ainsi, les directions qui étaient données aux pécheurs étaient accommodées à leurs connaissances, Il faut qu’il en soit de même de nos jours. Les hommes sont appelés à faire un choix. On leur demande s’ils veulent servir Dieu ou le monde, s’ils veulent rechercher la sanctification ou pratiquer le péché. Qu’ils apprennent donc à connaître ce que c’est que de choisir et ce qu’il faut choisir ; et ils seront sauvés si du fond de leur cœur ils font un bon choix.
Chacune de ces diverses directions, si elle est suivie, constitue la conversion chrétienne. Leur application peut varier suivant les différents cas dans lesquels les pécheurs se trouvent placés.
Tantôt, la première manifestation de la conversion est la soumission à Dieu ; tantôt, c’est la repentance ou la foi, ou le choix de servir Dieu. Cela dépend de ce qui frappe le plus leur esprit dans le moment où l’œuvre commence dans leur âme. Si leurs pensées sont d’abord dirigées vers Christ, l’exercice de la foi est la première manifestation. Si la conscience est d’abord agitée par le sentiment du péché, la repentance est nécessairement le premier caractère de la conversion. Si la conversion qui nous est proposée ici-bas, fixe d’abord l’attention, le choix de servir Dieu est le premier exercice de l’âme convertie. Enfin la soumission à Dieu est le premier exercice, si les pensées commencent par être dirigées vers son gouvernement. Il est donc important de découvrir la marche du Saint-Esprit dans l’œuvre de la conversion et de la suivre fidèlement dans les directions à donner aux pécheurs.
C’est une grande erreur que de croire que l’Esprit de Dieu agit toujours de la même manière, avec le même ordre, dans la conversion des hommes. Il y a une grande variété dans ses opérations.
Il suffit que quelqu’un suive la direction qui lui est donnée par le Saint-Esprit dans sa conscience, pour qu’il soit vrai de dire de lui qu’il est converti. Il faut seulement qu’il en résulte une obéissance de cœur à Dieu ; car, quand le pécheur se soumet à l’autorité divine dans un point, il est prêt à s’y soumettre dans tous les autres. S’il obéit à Dieu dans une chose, parce que c’est la volonté de Dieu, il obéira aussi dans d’autres choses, en tant qu’il croira que Dieu les veut. Ainsi, il importe peu laquelle des directions soit donnée à un pécheur, pour qu’elle soit une pierre de touche à laquelle l’obéissance à Dieu puisse être reconnue.
III. Plusieurs erreurs dans lesquelles les pécheurs sont enclins à tomber.
Il me reste à faire connaître plusieurs erreurs dans lesquelles les pécheurs angoissés sont enclins à tomber par rapport à la grande question du salut.
1° La première erreur consiste à croire qu’il faut qu’on se rende meilleur, ou qu’on se prépare de manière à se recommander à la miséricorde de Dieu.
Il est étonnant que les pécheurs ne comprennent pas que tout ce qu’ils ont à faire est d’accepter le salut de Dieu qui a tout préparé. Tous les hommes, instruits ou ignorants, commencent par s’adonner à la pratique des œuvres légales pour être soulagés dans leur cœur. Voilà pourquoi ils ne deviennent pas chrétiens dès le moment où ils s’occupent de leur salut. Ils s’imaginent que, de manière ou d’autre, ils doivent être préparés pour cette œuvre : Que leur extérieur doit être changé, leurs haillons remplacés par d’autres vêtements ; en un mot, pour s’approcher de Dieu, ils veulent avoir un extérieur plus attrayant.
Il importe qu’on leur montre, une fois pour toutes, qu’il est impossible qu’ils deviennent tant soit peu meilleurs, jusqu’à ce qu’ils fassent la seule chose que Dieu demande d’eux. Jusque-là, à chaque respiration de leurs poumons, à chaque battement de leurs pouls, ils deviennent pires qu’ils n’étaient dans leur état de rébellion ouverte contre Dieu ; et ils restent tels, aussi longtemps qu’ils ne font pas la grande œuvre, qui est la première chose à faire, l’abandon total à Dieu.
2° Une autre erreur consiste à croire que le pécheur doit être angoissé pendant un certain temps par le sentiment du péché, avant qu’il poisse aller à Christ.
Ceux qui partagent cette erreur, prétendent que c’est une punition que le pécheur ne peut éviter. C’est pourquoi ils pensent que, quand ils auront été pendant un certain temps humiliés et dans la détresse, Dieu aura pitié d’eux et qu’il sera plus disposé à les secourir, alors qu’il les verra si misérables. Il faut au contraire qu’on fasse comprendre clairement aux pécheurs qu’ils ne sont malheureux et misérables que parce qu’ils refusent d’accepter le soulagement que Dieu leur offre. Que dirait-on d’un enfant obstiné qui, pendant que son père le ferait trembler en le menaçant de la verge, s’imaginerait que, par cette épreuve et cette terreur, son sort s’améliore ? Son père aurait-il plus de pitié de lui par cela seul qu’il endure un châtiment ? Qui ne voit au contraire que, par sa conduite, cet enfant irait de mal en pis, s’il s’imaginait que sa peur sans amendement le rend meilleur ?
3° Il est aussi des pécheurs qui pensent que, pour se soumettre à Dieu, ils doivent attendre d’autres sentiments et d’autres impressions.
« Je ne pense pas », disent-ils, « que je sois déjà assez bien disposé pour accepter le Christ ; je ne pense pas que je sois déjà préparé à être converti ». Mais il faut leur répondre que ce que Dieu exige d’eux, c’est qu’ils tiennent un langage tout à fait différent. Ce qu’ils disent revient à dire : « Je n’ai pas de bons sentiments ». C’est comme si l’homme répondait à Dieu, quand il lui commande de l’aimer : « Seigneur, je dois attendre que j’aie des sentiments différents de ceux que j’ai ! » C’est à-dire, ô homme, que tu dois attendre, pour aimer Dieu, d’avoir commencé à l’aimer ! » Pécheur aveugle ! Tu n’as point à attendre ainsi que ces sentiments entrent dans ton cœur comme du dehors ! Ce que Dieu demande de nous, c’est que notre âme agisse, pour se détourner du péché vers la sainteté, du service de Satan vers celui du Dieu vivant. Ce qu’il y a de plus important en cela, sans doute, c’est d’avoir de bonnes dispositions : mais il ne s’agit pas de les attendre, ce sont des exercices et des devoirs imposés à notre âme.
4° Une autre erreur, toute pareille des pécheurs, consiste à croire qu’il faut qu’ils attendent jusqu’à ce que leur cœur soit changé.
« Comment », s’écrient-ils, « dois-je croire en Christ, avant que mon cœur soit changé ? Pouvez-vous dire que je dois me repentir avant ce changement ? » A cette question, il y a une simple réponse à faire : c’est que le changement du cœur est précisément la chose dont il s’agit. Dieu demande que les pécheurs l’aiment, c’est-à-dire, qu’ils changent leur cœur. Il demande qu’ils croient à l’Évangile, c’est-à-dire, qu’ils changent leur cœur. Il demande qu’ils se repentent, c’est-à-dire qu’ils changent leur cœur. Dieu ne dit pas à l’homme d’attendre que ce changement ait lieu, pour se repentir ensuite, pour croire et pour aimer Dieu. La repentance même, d’après l’étymologie du mot, est un changement d’esprit ou de cœur. Changer de cœur, c’est faire l’une ou l’autre de ces œuvres chrétiennes, c’est se faire un cœur nouveau comme Dieu le veut.
5° Souvent les pécheurs s’imaginent qu’ils sont parfaitement disposés à faire ce que Dieu veut.
Qu’on leur dise de faire ceci ou cela, de se repentir ou de croire, ou de donner son cœur à Dieu, et ils répondent : « Oh ! Oui, je suis tout à fait disposé à le faire, je voudrais pouvoir le faire, je donnerais tout pour pouvoir le faire ». Il importe de faire comprendre à ces personnes, que vouloir observer un commandement de Dieu, c’est l’observer en effet ; mais il y a une grande différence entre désirer et vouloir. On peut souvent avoir quelque désir d’être chrétien, et cependant ne pas vouloir l’être. Quand un homme voit quelque chose qui lui semble bon, il le désire naturellement.
Ce désir augmente à mesure que la bonté de l’objet se montre davantage à ses yeux. Et, malgré cela, il peut ne pas avoir la volonté absolue de l’avoir dans toutes les circonstances. Il se peut qu’il préfère que la personne, à qui l’objet appartient, continue pourtant à le posséder, ou bien qu’il choisisse son ami ou son enfant pour en être mis en possession. Quelqu’un peut avoir le désir d’aller à Philadelphie, tandis que, pour des raisons bien plus importantes que celles qui lui ont donné ce désir, il choisit pourtant de ne pas y aller. De la même manière, le pécheur peut désirer d’être chrétien : il peut savoir que, s’il l’était, il serait beaucoup plus heureux, et qu’à la mort il irait au ciel ; et néanmoins il ne veut peut-être pas encore définitivement devenir chrétien. Être véritablement disposé à obéir à Christ est ce qui constitue le caractère même du disciple du Seigneur. Quand un homme se décide à obéir à Dieu, il est chrétien. Mais les désirs qui ne portent pas à faire un choix, ne sont rien.
6° Le pécheur vous dira quelquefois qu’il offre de donner son cœur à Dieu, mais il fait entendre en même temps que Dieu ne veut pas recevoir son offre.
Ceci est absurde ; car qu’est-ce que Dieu demande, si ce n’est que nous l’aimions ? Or, dire qu’on veut donner son cœur à Dieu, mais qu’il n’a pas la volonté de l’accepter, c’est dire qu’on veut aimer Dieu, mais qu’il ne veut pas être aimé, qu’il ne souffre pas qu’on l’aime. Il est important d’éclairer le pécheur sur toutes ces choses, afin qu’il n’y ait pas pour lui quelque retraite obscure et mystérieuse, où la vérité ne puisse pas l’atteindre.
7° L’homme s’imagine aussi quelquefois qu’il se repent, tandis qu’il est seulement convaincu de son péché.
Dans ce cas, comme dans tous les autres, où le pécheur est engagé dans quelque erreur, il faut que la vérité chasse ce mensonge de son esprit, quelque pénible que cela puisse être pour lui. Il faut absolument que la chose se fasse, pour empêcher l’âme de tomber dans l’abîme de l’enfer.
8° Il arrive souvent aux pécheurs d’avoir les regards fixés sur eux-mêmes, pour y chercher quelque chose qui puisse les recommander à Dieu.
Il est évident qu’ils font cela faute de connaissance. Pendant longtemps le pieux David Brainerd était ainsi occupé de lui-même.
Quelquefois il s’imaginait qu’il avait des sentiments propres à le recommander à la miséricorde divine. Alors il se sentait disposé à faire part de sa découverte à Dieu et à lui exposer tous ses bons sentiments. Mais il ne tardait pas à s’apercevoir qu’il se trompait ; et alors il était confus à la pensée de sa méprise. Le pauvre pécheur est souvent porté au désespoir, faute de connaissance de lui-même, et il est facile de voir que sa fausse science exerce une fâcheuse influence sur sa conduite chrétienne, et qu’elle diminue considérablement ses consolations, de même que son utilité dans le monde.
Il faut donc que les regards du pécheur soient détournés de dessus lui-même pour se porter sur quelque autre objet. Pour le distraire salutairement, que son attention s’arrête sur l’accomplissement de quelque devoir ; qu’on lui montre le Christ ; et alors, avant de s’en douter, il s’apercevra qu’il s’est soumis à Dieu. Il verra alors que ce que Dieu demande est on ne peut plus raisonnable ; que le salut qui est en Jésus est complet ; il reconnaîtra quelque autre vérité de ce genre ; et s’il la considère, son cœur est gagné et son angoisse est passée.
Remarques additionnelles.
1° Les fausses directions, qui ont été données aux pécheurs, ont beaucoup augmenté le travail des ministres et multiplié les difficultés dans l’œuvre du salut des âmes. Il en est résulté qu’un enseignement, qui était en lui-même très simple, est maintenant obscur. On a si longtemps enseigné au peuple que la conversion est quelque chose de terriblement mystérieux, et d’inintelligible, qu’il n’essaie plus de comprendre. Ces fausses notions font que partout les pécheurs se retranchent derrière des excuses : « Je ne puis me repentir, je dois attendre que Dieu vienne agir en moi, etc. »
Autrefois il suffisait de dire aux pécheurs (comme nous le savons par la Bible) qu’ils devaient se repentir ou croire au Seigneur Jésus-Christ ; maintenant on parle de la foi comme d’un principe, et non comme d’un fait, et de la repentance comme de quelque chose qui est mis dans l’esprit, et non comme d’un exercice de cet esprit même. De là vient que les pécheurs sont dans la perplexité. Les ministres sont même accusés d’hérésie, lorsqu’ils ont la présomption d’enseigner que la foi est un exercice de l’esprit et non un principe, et que le péché est un acte et non une partie constituante de l’être humain.
Et ces faux raisonnements ont égaré les pécheurs au point qu’il faut se donner beaucoup de peine pour leur expliquer non-seulement ce que n’est pas la conversion, mais ce qu’elle est. Sans cela, ils peuvent être à peu près sûrs qu’ils ne comprennent pas ce qui leur est enseigné ; et, dans leur angoisse, ils se donnent un faux soulagement, en se déchargeant de leur devoir sur Dieu, ou bien ils se livrent au désespoir, en s’imaginant qu’il leur est impossible de faire ce qu’ils doivent faire pour être sauvés. Il est souvent on ne peut plus difficile de les faire sortir de ces labyrinthes théologiques, où ils ont été fourvoyés, et de les conduire le long du droit et simple chemin de l’Évangile. On dirait qu’on a employé la plus grande adresse à séduire les esprits et à les envelopper dans un tissu de fausse théologie.
Qui n’a pas rencontré, dans des temps de réveil, cette suite de folies, qu’on a inculquées à la masse des chrétiens, et qui ont mis des prédicateurs dans la nécessité d’exposer la vérité en recommençant par l’A.B.C., et d’instruire les plus avancés comme des écoliers ? Voilà ce que les révérends docteurs ont fait pour égarer les esprits dans les choses les plus simples ! Dites à un pécheur qu’il faut croire ; et tout surpris, regardant autour de lui, il répond : « Que dites-vous ? La foi n’est-elle pas un principe ? Or, comment puis-je croire avant d’avoir reçu ce principe ? » Et si le ministre emploie les expressions mêmes d’un apôtre, lorsque, le jour de là première Pentecôte, il s’écria : « Amendez-vous » est-il rare d’entendre sortir de la bouche des auditeurs ce langage : « Je suis sûr que ce prédicateur est un Arminien. A-t-on besoin de pareilles exhortations, destructives de la doctrine « du salut gratuit » ? Cet homme nie l’influence du Saint-Esprit, etc.
Il y a de quoi faire pleurer l’humanité, quand on voit les épais brouillards par lesquels on a rendu méconnaissables les plus simples directions de l’Évangile, et précipité des générations entières dans les ténèbres de l’enfer !
2° Il vaut infiniment mieux laisser les pécheurs dans l’ignorance, que de leur donner des instructions erronées. Rien n’était plus difficile pour Jésus-Christ, que de faire renoncer les Juifs à leurs fausses notions de théologie, et cette même difficulté se présente encore à ceux qui veulent faire comprendre à leurs descendants les points les plus simples de l’Évangile ; parce que ces hommes ont hérité de leurs pères leurs fausses notions, et qu’ils ont perverti la vérité. Toute fausse théologie ouvre aux pécheurs des refuges de ce genre, où ils aiment à se cacher : C’est la chose la plus difficile du monde, que de les faire sortir de ces retraites d’une prétendue orthodoxie, qui donne au pécheur une fausse sécurité et qui, en quelque sorte, condamne Dieu lui-même. Cette œuvre est une des plus décourageantes du ministère évangélique.
3° Il n’est, pas étonnant que l’Évangile, chargé de tous ces dogmes d’une fausse théologie, ait eu si peu d’effets salutaires. Le fait est que, depuis longtemps, l’Évangile n’a été que rarement porté au monde dans toute sa pureté. La même bouche, qui proclamait la nécessité de la repentance pour le salut du pécheur, déclarait en même temps que l’homme ne peut pas se repentir. De cette manière la vérité et l’erreur ont été confondues, et il s’est trouvé que l’Évangile qu’on annonçait était un autre évangile, ou plutôt qu’il n’était plus digne de ce nom. Il était impossible que l’influence pratique d’une telle prédication ne se ressentît beaucoup de cette confusion du vrai et du faux.
4° On comprend donc facilement ce que c’est que de bander à la légère la plaie du peuple de Dieu, et quel est le danger d’une telle opération. Il n’est pas difficile, sans doute, de dire aux pécheurs, convaincus de péché, quelque chose qui leur donne du soulagement dans leur angoisse ; mais ils n’auront alors qu’une fausse espérance. Ils seront convertis d’après leur manière de voir ; mais ils seront toujours des chrétiens pauvres, faibles, chancelants, dans le doute, et ne produisant rien de vraiment bon.
5° La conduite qu’on tient à l’égard d’une personne convaincue de péché, la clarté, la force et la fermeté, avec lesquelles les directions de l’Évangile lui sont données, contribuent beaucoup à soulager son cœur et à la rendre utile. Si ceux qui la dirigent, craignent de porter la sonde trop avant dans son être moral, cette personne sera toujours un chrétien pauvre et infirme ; il n’aura jamais une foi inébranlable. Jamais il ne fera beaucoup de bien. La seule bonne marche à suivre est toujours de montrer avec franchise au pécheur toute La vanité de ses excuses, et de lui faire connaître clairement ce qu’il est et ce qu’il doit devenir. Il bénira Dieu pendant toute l’éternité d’avoir été mis en rapport avec de fidèles serviteurs du Seigneur.
C’est parce qu’un grand nombre de ministres ne suivent pas cette marche, qu’il y a tant de personnes à qui l’on ne peut charitablement refuser le nom de chrétiens, et dont néanmoins la conversion a quelque chose d’incertain et de douteux. Elle semble plutôt être un changement d’opinion qu’un changement de cœur. Si au contraire la sonde de la vérité est portée jusque dans les profondeurs de l’âme du pécheur, si l’ancien fondement de ses espérances est détruit de fond en comble, si ses fausses retraites sont mises à découvert devant ses yeux, si, enfin, la Parole de Dieu lui est appliquée comme un feu et comme un marteau, alors ce pécheur aura des vues claires sur son état réel devant son Dieu ; il embrassera des principes fermes ; sa foi en Christ, son Sauveur, sera forte, et il suivra son Seigneur d’un pas assuré. Voilà la conduite à tenir à l’égard des pécheurs pour en faire des chrétiens solides !
L’histoire des réveils, même dans les temps modernes, offre des exemples sans nombre qui prouvent que, par ses dispensations directes, le Saint-Esprit justifie cette conduite à tenir à l’égard des pécheurs. J’ai connu un jeune homme qui fut converti hors de chez lui. L’endroit où il demeurait n’avait pas de ministre ; l’Évangile n’y était pas prêché ; on y était sans religion. Trois jours après sa conversion, il se rendit chez lui, et immédiatement il mit la main à l’œuvre pour travailler à un réveil. Il ouvrit des réunions dans son voisinage ; il pria, il travailla, et un réveil eut lieu. Il garda la principale direction de cette œuvre ; et ses efforts puissants convertissaient la plupart des notables de l’endroit.
Le fait est qu’on s’était conduit à son égard de manière qu’il savait ce qu’il se voulait et ce qu’il avait à faire. Il comprenait son sujet, et il n’ignorait pas ce qui lui était arrivé et ce qu’il était devenu. Il n’était pas toujours troublé par des doutes sur sa propre conversion. Il savait qu’il servait Dieu, et que Dieu était avec lui. Aussi allait-il en avant dans l’œuvre de la conversion des autres, avec hardiesse et fermeté. Mais si vous entreprenez de faire des convertis, sans détruire toutes leurs œuvres et sans leur ôter leurs fausses espérances, vous ne pourrez faire qu’une troupe d’hypocrites ou de chétifs chrétiens, qui doutent toujours, qui sont aisément détournés du bon chemin, et qui, en un mot, ne savent ce que c’est qu’un réveil. Il s’agit d’amener les pécheurs tout droit à la lumière. Si quelqu’un est converti de cette manière, vous pouvez compter sur lui, et savoir à quoi vous en tenir avec lui.
6° Quand le pécheur est trop longtemps accablé par le sentiment de sa culpabilité, cela provient ordinairement d’un défaut d’instruction. Là où des instructions claires et fidèles sont données, ce sentiment de la culpabilité est ordinairement profond et poignant, mais de courte durée.
7° Quand des directions claires sont données aux pécheurs convaincus de leur péché, s’ils ne les suivent pas bientôt, ils finissent alors bientôt par ne plus même sentir leur culpabilité : Ils retombent dans l’insensibilité. Mais s’ils sont trompés par de fausses vues, ils peuvent se traîner dans un état de langueur spirituelle pendant des semaines, peut-être pendant des mois, et quelquefois pendant des années, sans que leur état se déclare suffisamment. Mieux vaut abréger la crise. Que si la vérité a été rendue parfaitement claire à l’esprit d’un homme, au point que toutes ses erreurs aient été dissipées, alors il se soumettra bientôt à la direction de l’Évangile, ou son cas est désespéré. Il n’y a plus rien à faire là où le pécheur résiste directement à la vérité même qui doit le convertir et qui a été mise à la portée de son intelligence. L’esprit ne tardera pas à l’abandonner, car il a résisté aux armes qui sont employées par cet Esprit même pour le vaincre.
S’il y a ici des pécheurs travaillés dans leur conscience, et qu’ils voient le chemin de leur devoir clairement tracé devant eux, je vous dirai : Prenez garde à votre conduite. Si vous ne vous soumettez pas à la direction de l’Esprit de Dieu, il vous abandonnera, et vous êtes perdus.
8° Une grande partie des directions données, parmi nous-mêmes, aux pécheurs inquiets sur leur salut, ressemble à la doctrine romaine sur les indulgences. Le pape vend des indulgences qui autorisent le péché. Ce trafic scandaleux fut l’occasion de la réforme sous Luther. Quelquefois le peuple achetait une indulgence pour pouvoir pécher pendant un certain temps, ou pour commettre tel ou tel péché particulier, ou un nombre de péchés donnés.
Or, dans les églises protestantes, il se passe quelque chose d’à peu près semblable. On dit au pécheur qu’il faut attendre, c’est-à-dire qu’on l’autorise à persévérer un peu plus longtemps dans le péché, en attendant que Dieu le convertisse. N’est-ce pas là le pendant de la doctrine romaine ? Toute direction donnée au pécheur, qui n’exige pas qu’il obéisse à Dieu, immédiatement, est une indulgence. C’est lui donner la liberté de continuer à pécher contre Dieu. De telles directions ne sont pas seulement fausses, mais funestes et cruelles. Si elles ne perdent pas toujours l’âme, elles ont toujours pour résultat que le pécheur tarde à jouir de la communion avec notre Sauveur ; et, en écoutant de telles instructions, il risque même de périr pour toujours. Oh ! qu’il est dangereux de donner au pécheur une raison de penser qu’il peut attendre plus tard pour donner son cœur à Dieu !
9° Autant que j’ai pu l’observer, les conversions qui ont été les plus subites ont ordinairement été les meilleures. Je sais que le contraire a été souvent soutenu, mais sans aucune raison valable, quoique le grand nombre tienne ces conversions subites pour suspectes. La Bible est loin d’approuver une telle supposition ; au contraire, elle ne mentionne aucune conversion qui se soit opérée par gradation ; toutes celles qu’elle rapporte se sont faites subitement. Je suis persuadé qu’il n’y aurait jamais eu dans l’Église tant de chrétiens à convictions faibles et souvent inefficaces, si la pure théologie n’eût pas été pervertie par cette funeste doctrine de l’ impossibilisme (1).
Dans les jours de la Bible, les pécheurs se repentaient alors qu’on leur disait qu’il fallait se repentir. Les théories théologiques qui, aujourd’hui, laissent sans la moindre nécessité les pauvres âmes dans la détresse, et qui les exposent même à une ruine complète, n’avaient pas encore été inventées ni débitées. Quand un pécheur est amené à savoir réellement ce qu’il a à faire, et que, sans plus de délai, il se met à agir, il continue ordinairement à travailler à son œuvre ; il persévère, et il déploie un caractère décidé. Il ne ressemble en rien à ces traîneurs qu’il faut faire avancer par la force dans la voie du bien, comme des navires qu’il faut traîner et remorquer contre le vent et la marée.
Examinez ces chrétiens languissants, qu’il faut toujours pousser à l’accomplissement de leurs devoirs, et vous vous apercevrez qu’ils n’ont pas reçu de directions claires et fermes. Ces personnes sont effrayées des conversions subites !
Effrayées des conversions subites ! Quelques-uns des meilleurs chrétiens, de ma connaissance, ont été convaincus de péché et convertis dans l’espace de peu de minutes. Dans un quart d’heure plusieurs de mes auditeurs furent réveillés un jour pendant que je leur parlais au nom du Seigneur.
Ils se tournèrent franchement vers lui, et depuis ce temps ils ont été des porte-flambeaux dans l’Église, et ils n’ont cessé, en général, de montrer la même fermeté de caractère qu’ils manifestèrent au moment où ils se déclarèrent pour le Seigneur. (1) Cannotism.
Un message de Charles Finney
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