Comment aider les ministères.13
Une Église qui entretient un ministre devrait se rappeler qu’il n’est qu’un conducteur chargé de la diriger dans ce qu’elle doit faire pour la cause de Christ. On trouverait étrange à des hommes de se choisir un général et de le laisser ensuite aller seul à la bataille.
« Et il arrivait que, lorsque Moïse élevait sa main. Israël était alors le plus fort ; mais quand il reposait sa main, alors Hamalec était le plus fort. Et les mains de Moïse étant devenues pesantes, ils prirent une pierre et la mirent sous lui, et il s’assit dessus ; et Aaron et Hur soutenaient ses mains, l’un deçà et l’autre delà ; et ainsi ses mains furent fermes jusqu’au soleil couchant. Josué donc défit Hamalec et son peuple, au tranchant de l’épée (Exode 17 v. 11 à 13) ».
Vous qui lisez vos Bibles, vous vous rappelez le récit d’où ces paroles sont tirées. Le peuple de Dieu livrait bataille aux Hamalécites, et c’est à cette occasion que Moïse, suivi d’Aaron et de Hur, monta au sommet du coteau, tenant en main la verge de Dieu. Il serait difficile de concevoir pourquoi le fait que Moïse élevait ses mains se trouve rapporté ici avec tant d’importance, à moins d’entendre par cette expression l’attitude de la prière. Alors cette action et le succès qui la couronna serviront à nous faire comprendre le besoin pressant que nous avons de prier Dieu de nous assister dans tous nos combats avec ses ennemis. On a généralement reconnu que Aaron et Hur, soutenant les mains de Moïse, représentent l’Église, qui doit secourir et fortifier les ministres dans leurs travaux, et l’importance de cette coopération pour le succès de la prédication de l’Évangile.
Et c’est dans ce sens que je désire vous développer mon texte. Après avoir parlé des devoirs imposés aux ministres, je vais considérer l’importance de la coopération de l’Église pour produire un réveil et pour l’entretenir.
Il y a nombre de choses dont l’importance pour produire un réveil n’a pas été dûment considérée par l’Église et par les ministres, et qui, si elles sont négligées, rendront impossible l’extension ou même la durée d’un réveil. Dans mes deux derniers discours, j’ai insisté sur les devoirs des ministres ; il m’était impossible de prononcer une série de discours sur les réveils sans aborder ce sujet avec plus ou moins d’étendue, quoique je n’aie fait encore que l’effleurer. Pour aujourd’hui, j’ai estimé nécessaire de discuter quelques points dans lesquels une église qui désire un réveil doit prêter secours à son pasteur. J’examinerai :
I. Différentes choses que les chrétiens doivent éviter, s’ils tiennent à soutenir les ministres.
II. Différentes choses qu’ils doivent faire dans le même but.
I. Ce que les chrétiens doivent éviter.
1° En pratique, comme en théorie, repoussez loin de vous l’idée que c’est au ministre seul de réveiller les âmes.
Nombre de personnes inclinent à prendre une attitude passive sur ce sujet, et croient n’avoir rien à faire du tout. Elles ont un ministre qu’elles paient pour les instruire et qu’elles vont régulièrement écouter, puis, elles s’imaginent avoir beaucoup fait, et n’avoir plus d’autre soin que de s’asseoir dans le temple et de recevoir la nourriture qu’il leur donne. Lui, de son côté, est tenu de prêcher une doctrine bonne, solide, agréable, qui leur fasse de bons coussins ; et c’est ainsi qu’elles s’attendent à aller au ciel Je vous dis qu’elles iront en enfer, si c’est là leur religion. Le chemin du ciel est ailleurs. Soyez sûrs que partout où cet esprit régnera, l’Église, quelque bon ministre qu’elle ait, restera plongée dans la mort. Elle pourra voir son ministre déployer toute sa fidélité, mettre en jeu tous ses talents, toute son éloquence, et finalement se tuer d’efforts sans avoir rien obtenu, ou presque rien.
Sans doute un réveil pourra éclater sans la coopération du troupeau dans un endroit où il ne se trouvera pas d’église, ou bien lorsqu’elle ne serait composée que de quelques membres ; j’en ai vu des exemples frappants ; dans ce cas-là Dieu accommode sa grâce aux circonstances, comme il le fit quand les Apôtres tiraient chacun de son côté pour annoncer l’Évangile au monde. Mais où les moyens se trouvent, Dieu veut qu’on les emploie.
J’aimerais mieux qu’il n’y eût pas d’église du tout dans un endroit où je voudrais produire un réveil, que d’en sentir une qui refuserait de mettre la main à l’œuvre. Dieu veut que son peuple crie à lui pour obtenir des bénédictions. L’influence d’une église qui ne veut pas travailler est pire que l’infidélité. Quoi qu’en puissent penser quelques-uns, il n’y a pas possibilité d’occuper un terrain neutre quand il s’agit de réveil. Celui qui n’y travaille pas s’y oppose.
Qu’un homme essaie de rester neutre et dise qu’il veut attendre pour voir comment l’ouvrage avancera, c’est justement sur ce terrain que le diable voudra le voir ; cette attitude lui est plus avantageuse qu’une franche opposition. Si cet homme combattait ouvertement le réveil, on dirait de lui qu’il n’a pas de religion, et on l’éviterait ; mais en restant entre deux eaux, il conservera son influence, et accomplira pleinement les désirs du diable.
Une Église qui entretient un ministre devrait se rappeler qu’il n’est qu’un conducteur chargé de la diriger dans ce qu’elle doit faire pour la cause de Christ. On trouverait étrange à des hommes de se choisir un général et de le laisser ensuite aller seul à la bataille ; mais ce ne serait ni plus absurde, ni plus pernicieux que de jeter toute la charge d’une œuvre sur un ministre et se contenter d’assister à ses sermons. C’est méconnaître le but du ministère : le pasteur donne la parole du commandement et l’église doit y obéir.
2° N’allez pas vous plaindre de votre ministre lorsqu’il n’y a point de réveil, si vous-mêmes ne faites pas votre devoir, et si vous êtes endormis.
C’est inutile, et abominable. Il y a des chrétiens qui se glorifient ainsi, et qui cherchent à tranquilliser leur conscience en disant : « Jamais nous n’aurons de réveil avec un ministre comme le nôtre », lorsque le ministre est plus réveillé qu’eux tous.
Voici une autre réflexion relative à ce point qui mérite d’être considérée. Quand l’église s’est relâchée, ceux qui se disent chrétiens sont très disposés à se lamenter sur son triste état, sur sa froideur. Ils gémissent sur cet être abstrait, intangible, irresponsable, qu’ils appellent « l’Église » ; semblant ignorer que l’Église est composée d’individus, et que, aussi longtemps que chacun ne s’occupera pas de son propre cas, ne se plaindra pas de lui-même, ne s’humiliera pas devant Dieu, ne se repentira pas, ne se réveillera pas, l’Église n’aura jamais de force, de puissance, et que par conséquent il ne pourra jamais y avoir de réveil. Mais lorsque vous pourrez vraiment dire que vous travaillez de tout votre possible, vous, à la conversion des pécheurs et que vous êtes nets de leur sang, alors le ministre sentira la justice de vos plaintes, ou, s’il ne le sent pas, Dieu le sentira, Lui, et éloignera ou convertira le pasteur infidèle.
3° Ne laissez pas votre ministre se tuer lui-même en s’efforçant de faire seul l’ouvrage dans lequel vous refuseriez de l’aider.
Il arrive quelquefois qu’un ministre, trouvant que l’arche de l’Éternel ne bouge pas, déploie seul toutes ses forces, et ne se voyant pas secouru par l’Église, tombe mort d’épuisement. Je connais plusieurs cas de ce genre, mais je n’en citerai qu’un.
Il y a quelques années qu’un ministre, travaillant dans un endroit où il y avait un réveil, fut visité par l’ancien d’une église située à quelque distance de là, qui lui demanda de vouloir bien y aller prêcher. Cette Église n’avait jamais eu de réveil ; et l’ancien, déplorant ce triste état de choses, disait qu’ils avaient eu deux excellents ministres dont l’un avait succombé à la tâche, et dont l’autre, épuisé aussi, et découragé, les avait abandonnés. Il priait instamment le ministre dont je vous parle de venir au secours de cette église si pauvre, si faible, et dont l’avenir menaçait d’être très sombre, à moins qu’un réveil n’y éclatât.
Cet ancien paraissait profondément affligé. Le ministre lui demanda pourquoi il n’y avait pas encore eu de réveil. « Je n’en sais rien » répondit l’ancien, « mais notre ministre avait beau travailler de toutes ses forces, l’église ne semblait pas sortir de son sommeil ». « Bien », lui répondit alors le ministre, « je vois ce qu’il vous faut ; vous avez tué un serviteur de Dieu, vous en avez épuisé un autre, de sorte qu’il s’est vu contraint de vous quitter ; et maintenant vous voudriez en avoir un troisième pour le tuer comme les précédents ; et le diable vous a envoyé ici pour me prier de vous aller bercer. Vous êtes restés endormis, vous ne vous êtes pas éveillés pour agir, et dans votre désespoir, vous venez ici chercher un autre ministre ! A Dieu ne plaise que vous en trouviez jamais un seul, tant que vous continuerez de faire comme jusqu’ici ! »
L’ancien fut confus d’entendre ces paroles, car c’était un brave homme. Des larmes remplirent ses yeux : Et il répondit que c’était bien là ce qu’ils méritaient. « Si vous voulez être fidèle », ajouta le ministre, « et que retournant chez vous, vous disiez à l’Église ce que vous venez d’entendre, et que vous vous réveilliez pour faire votre devoir, vous aurez un ministre, je vous le garantis ». L’ancien y consentit. Il dit à l’Église combien il était cruel de demander un autre ministre, à moins qu’on ne voulût travailler de concert avec lui et le soutenir de toutes ses forces : l’Église le reconnut, confessa ses péchés, et elle ne tarda pas à voir venir un ministre dont la prédication fut suivie alors d’un précieux et puissant réveil.
Les Églises ne voient pas combien de fois leur tiédeur, leur négligence sont la cause absolue et unique de la mort des ministres. L’état des pécheurs pèse sur eux : Ils sont en souffrance jour et nuit, travaillant en temps et hors de temps, bien au-delà de ce que l’homme peut supporter, jusqu’à ce qu’enfin ils tombent sans force et rendent le dernier soupir. L’Église ne connaît pas cette agonie du cœur d’un pasteur qui, faisant tous ses efforts pour la réveiller et obtenir d’elle du secours, voit sans cesse tout retomber, et s’enfoncer dans le sommeil de la mort. Quelquefois elle se réveille ; elle fait quelques efforts convulsifs ; puis, au bout de peu de jours, elle retombe dans la froideur. C’est ainsi que bien des ministres se consument en vain ; pendant que ces lâches chrétiens sont des tous premiers à les blâmer de ce qu’ils travaillent tant.
Je me rappelle le cas d’un bon ministre qui, s’étant rendu dans un lieu où il y avait un réveil, entendit un sermon sur les devoirs du ministre. Il reçut la parole dans son cœur, comme un homme de Dieu ; il ne se rebella pas contre la vérité ; et il fit vœu de ne prendre aucun repos avant que d’avoir vu un réveil dans son troupeau. Il se mit donc à l’œuvre ; mais, à l’exception de quelque peu d’âmes, l’église ne sortit pas de son sommeil ; Dieu bénit ces âmes-là et leur donne son Esprit ; mais le ministre se mit au lit, et mourut au milieu du réveil.
4° Prenez garde de vous plaindre d’une prédication franche, directe, même quand elle s’attaque à vous.
L’Église oublie trop souvent que les ministres ne sont responsables que devant Dieu ; elle voudrait leur donner des règles pour qu’ils prêchassent de la manière qui lui convient à elle.
Lorsque les prédicateurs exposent les péchés de l’Église, on dit qu’ils font des personnalités, et l’on se révolte. Ou encore, l’on dit qu’il ne faudrait pas prêcher si franchement à l’Église devant le monde. « Vous exposez la religion », dit-on quelquefois, « il serait mieux de prendre les chrétiens en particulier et de les avertir eux seuls, que de dévoiler leurs misères aux yeux des pécheurs ». Mais il y a des cas où un ministre doit montrer à la maison de Jacob ses péchés. Pourquoi ne pas nous prendre à part ? Dit-on. Comme si les incrédules, vous répondrai-je, ne voyaient pas votre mauvaise conduite ? Je vous parlerai à vous seuls, sur vos propres péchés, quand vous ne pécherez qu’entre vous ; mais l’Éternel est si vivant, que si vous péchez devant le monde, vous serez certainement repris devant le monde. N’est-ce pas un fait que vous êtes aux pécheurs une pierre de scandale qui les fait broncher et tomber en enfer ? Cessez de blâmer les ministres qui font leur devoir en reprenant publiquement ceux qui font mal, et ne criez plus contre la prédication trop franche sur les fautes de l’Église. On ne peut jamais prêcher trop franchement.
5° On craint quelquefois que cette prédication ne soit en scandale aux inconvertis.
« Il faudrait les ménager », dit-on, « et adoucir ses expressions ». Cette crainte se manifeste surtout dans les cas où quelque membre de l’Église, riche, influent, aurait été heurté ; on a peur qu’il ne se retire et ne discontinue de fournir sa quote-part pour le salaire du ministre, et qu’ainsi la charge ne soit plus pesante pour l’Église. Mais une pareille Église n’aura jamais de réveil.
L’Église ne doit-elle pas désirer avant toutes choses que la vérité fonde comme du feu sur les impies ? Ils seront offensés ? Eh bien ! Christ saura parfaitement se passer de leur argent. Ah ! Ne blâmez pas votre ministre, et ne lui demandez pas de prêcher autrement pour plaire aux impies et pour se les rendre favorables. Il est inutile de leur prêcher autre chose que la pure vérité. Et que leur servira-t-il à eux de donner de l’argent pour soutenir l’Évangile, à moins que cet Évangile ne leur soit prêché de manière à ce qu’ils soient sauvés ?
Il arrive quelquefois que ceux des membres de l’Église qui se récrient contre l’imprudence du ministre, se réunissent et font un parti animé d’un mauvais esprit. Il y avait un endroit où, à côté d’un puissant réveil, il se leva une grande opposition. L’Église, alarmée, et craignant que, si le ministre continuait à prêcher si ouvertement, quelques-uns des inconvertis n’allassent se joindre à une autre congrégation, lui députa un de ses principaux membres pour lui communiquer son appréhension et le prier d’adoucir sa prédication. Le ministre lui demanda si ce qu’il prêchait n’était pas la vérité. Oui. Dieu n’y met-il pas sa bénédiction ? Oui. Avez-vous jamais vu une si belle œuvre auparavant dans cet endroit ? Non, jamais.
Jamais ? Alors arrière de moi, Satan ! C’est le diable qui vous a chargé de ce message. Vous voyez que Dieu bénit la prédication, que l’ouvrage avance, que chaque jour les pécheurs se convertissent, et vous venez me demander de parler moins fortement, pour mettre les impies à leur aise ! Cet homme sentit le reproche, et le prit en chrétien ; il vit son erreur et jamais on ne l’entendit plus trouver à redire à une prédication trop franche.
Dans une autre ville où il y avait un réveil, une femme sans piété, mais qui jouissait de quelque influence, se plaignait aussi des prédications « trop crues, claires, personnelles », comme elle les appelait. Mais ayant été elle-même amenée à Christ, quelques-unes de ses amies impénitentes lui rappelèrent ce qu’elle avait coutume de dire au sujet du prédicateur. Elle répondit que ses vues étaient bien changées, et que peu lui importait maintenant la force avec laquelle la vérité était prêchée ; pas même quand elle brûlerait comme un fer rouge.
6° Gardez-vous d’épouser en aucune manière la cause des méchants.
Pour peu que vous le fassiez, vous fortifierez leurs mains. S’ils taxent le ministre d’imprudence et l’accusent de tomber dans des personnalités offensantes, et que l’Église, sans admettre qu’il agit ainsi, reconnaisse cependant que les applications personnelles sont déplacées, les méchants se trouveront fortifiés par ces remarques. Ne vous unissez pas du tout avec eux ; autrement ils vous sentiront de leur côté et contre le ministre.
Et en adoptant leurs principes et leur langage, vous leur feriez croire que vous sympathisez avec eux. Qu’est-ce donc, après tout, que la prédication personnelle ? La seule qui puisse faire du bien à l’individu, en lui prouvant que c’est lui qu’on a en vue, que c’est à lui qu’on s’adresse, la conscience des méchants leur fait tellement regarder la prédication comme dirigée sur eux, qu’ils tremblent d’entendre prononcer leur propre nom en pleine église.
Un ministre peignait un jour certains caractères, et disait : « Si je possédais l’omniscience, je pourrais appeler par leur nom les personnes qui répondent au portrait que je viens de tracer ». Un homme s’écria : « Nommez-moi seulement ! » Il semblait atterré. Plus tard il dit qu’il n’avait pas la moindre idée de se nommer ainsi ; mais que le ministre l’avait si parfaitement décrit, qu’il pensait réellement qu’il allait prononcer son nom d’un moment à l’autre ; tandis que le ministre ignorait qu’il y eût un tel homme au monde.
Il est très commun de voir des hommes, qui pensent que c’est leur propre conduite qu’on décrit, se demander avec irritation ou tristesse : « Mais qui est-ce donc qui a parlé de moi à ce ministre ? Il faut qu’on l’ait prié de prêcher pour moi seul ! » J’ai connu de ces cas-là par centaines. Or, si le ministre a tort, à, votre avis, d’avoir en vue les individus dans sa prédication, vous feriez tout aussi bien de le renvoyer. A qui prêcherait-il si ce n’est à des individus ? Et comment leur parler s’il ne leur applique pas ce qu’il dit ?
7° Si vous désirez seconder votre ministre, ne contredisez pas sa prédication par votre vie.
S’il annonce que les pécheurs iront en enfer, n’allez pas lui donner un démenti par votre légèreté et votre insouciance. J’ai entendu des pécheurs parler de l’effet que produisait sur leurs esprits la légèreté des chrétiens après un discours pénétrant. Eux, les gens du monde, commençaient à s’alarmer de leur triste état ; des pensées solennelles et émouvantes s’emparaient de leurs âmes ; mais ils voyaient ceux qui s’appellent chrétiens, au lieu de pleurer sur eux, se conduire avec une frivolité qui semblait leur dire : « Ne craignez pas, pécheurs ! Après tout, cela n’ira pas si mal ; ne vous faites pas tant de mauvais sang ! Croyez-vous que nous serions dans la joie, et que nous ririons de si bon cœur si vous deviez tomber si certainement en enfer ? Nous ne le ferions pas quand votre maison serait en flammes ; encore moins si nous vous y voyions brûler ! » Dans un pareil état de choses, que sert-il à un ministre de parler aux pécheurs ?
8° N’occupez pas sans nécessité le temps de votre ministre, ce temps plus précieux que l’or, puisqu’il peut être employé à ce que l’or ne saurait procurer.
Le ministre aime à voir ses amis, et est même souvent trop disposé à entrer en conversation avec ceux qu’il est chargé de nourrir et que son cœur aime et estime ; mais il y a un grand péché à l’arracher à sa Bible et à ses études, à le faire relever de dessus ses genoux pour lui parler de, choses de peu d’importance, et lui voler ainsi un temps précieux. Quand vous avez de bonnes raisons pour le faire, alors ne craignez pas de lui prendre tout le temps qui sera nécessaire ; mais si vous n’avez rien de particulier à lui dire, laissez-le tranquille. J’ai connu un homme d’une de nos villes qui, oisif lui-même, avait coutume de voler au ministre des semaines entières ; il allait dans son cabinet, et s’y asseyait commodément pendant des heures entières, causant par la seule raison qu’il n’avait lien à, faire. Mais le ministre finit par le censurer vivement et lui reprocher le péché qu’il commettait en cela.
9° Évitez absolument tout ce qui tendrait à détourner les esprits du sujet de la religion.
Souvent, l’hiver, lorsque les nuits sont longues, telle personne, tel membre de l’Église se met à donner une soirée, mais en y invitant des chrétiens, afin que la soirée soit religieuse. On se croit ensuite obligé à la réciprocité ; on rend les invitations ; et l’hiver se consume ainsi dans ces divertissements qui semblent innocents, propres à lier et unir les chrétiens entre eux, et à favoriser et entretenir de bons sentiments. Mais, au lieu de réunion de prières, on a des soirées, et les maux qui en résultent sont très grands ; on y dépense des sommes considérables et plusieurs y font preuve de gourmandise.
On m’a dit que certaines personnes, qui portent le nom de chrétiens, trouvaient moyen d’excuser l’impie abus qu’elles faisaient de l’argent de Jésus-Christ en donnant aux pauvres les restes du festin, et qu’elles se faisaient ainsi une vertu de vivre dans la joie, dans les fêtes, dans les excès de table, sous prétexte de bienfaisance ! C’est la même chose qu’un bal splendide qui fut donné, il y a quelques années dans une ville voisine, au bénéfice des pauvres.
Chaque personne devait donner une certaine somme ; et, quand le bal fut fini, tout l’argent qui n’avait pas été dépensé en frais, etc., revint aux pauvres. Singulière, ou plutôt effroyable charité ! Boire, manger, danser ! Et quand on n’en peut plus, donner aux pauvres les miettes qui tombent de votre table ! Mais je ne vois pas ce qu’un bal pareil a de moins évangélique que bien de ces soirées données entre chrétiens. Le mal qu’il y a aux bals n’est pas seulement dans l’exercice de la danse, mais dans la dissipation, dans les excès et dans les tentations qui y sont attachées.
On dit que dans ces soirées il n’y a que des chrétiens, ou du moins fort peu d’autres personnes, et qu’en outre ces soirées sont souvent terminées par la prière. J’estime que c’en est là un des traits les plus malheureux. Après avoir perdu son temps, son argent, fait peut-être des excès dans le manger et dans le boire, tenu de vaines conversations, folâtré, on s’efforce de sanctifier ces soirées et d’en imposer à Dieu en les terminant par la prière ! Dites ce que vous voudrez, il ne serait pas plus absurde ni plus impie de terminer de la même manière un bal, un spectacle ou une partie de cartes.
En sommes-nous donc venus au point que ceux qui se disent chrétiens et qui professent avoir à cœur le salut du monde, quand des quatre vents des cieux on leur crie, on les supplie de propager l’Évangile, de répandre des Bibles, des traités, et d’envoyer des missionnaires pour sauver le monde de la mort, aillent dépenser une centaine de francs pour une soirée, puis sel rendent plus tard à la réunion mensuelle pour y prier en faveur des païens ?
Il y en a qui trouvent des excuses pour leur conscience dans le fait que leur ministre fait partie de soirées semblables. Cette circonstance donne ordinairement du poids à une telle pratique J car un membre invite une fois le ministre à sa soirée, il n’y a pas de raison pour qu’un second ne l’imite pas, et ainsi de suite. Quelles en seront les conséquences ? Une fois ce pas franchi, ils pourront plus tard donner un bal, que sais-je ? En confier la direction à leur pasteur, qui peut-être finira par leur accorder la faveur de jouer du violon. Et pourquoi pas ? A mon avis, il le pourrait tout aussi bien que de terminer des soirées pareilles par la prière.
J’ai appris avec douleur qu’à Rochester, cette ville si hautement favorisée de l’Éternel, on a organisé de ces soirées. Mais je voudrais conjurer toute Église qui emploie ainsi son temps de renvoyer en même temps son pasteur, et de le laisser aller, lui, prêcher à ceux qui voudront l’écouter et mettre ses paroles à profit, au lieu de rester et de se tuer à avancer la religion parmi des gens qui sont engagés corps et âme au service du diable.
Des chrétiens ne devraient jamais entreprendre quoi que ce soit qui pût détourner l’attention publique de dessus la religion, sans avoir consulté leur ministre et sans en avoir fait eux-mêmes le sujet de prières spéciales. Si, en examinant la chose sérieusement, ils trouvent, qu’après tout, elle ferait plus de mal que de bien, et qu’elle mettrait obstacle à un réveil, ils doivent y renoncer et n’y plus penser.
Quant aux grandes soirées, dites tant qu’il vous plaira que ce sont des récréations innocentes, j’en appelle à tous ceux d’entre vous qui pourraient s’y être trouvés, et je vous demande si elle vous ont jamais disposés à la prière. Ont-elles augmenté votre spiritualité ? Y avez-vous jamais vu des pécheurs se convertir, ou des chrétiens prier avec angoisse pour le salut des âmes qui périssent ?
II. Différentes choses qu’ils doivent faire dans le même but.
Je vais maintenant mentionner différentes choses que doivent faire les Églises qui désirent soutenir leur ministre et avancer un réveil.
1° Il faut d’abord qu’elles pourvoient à ses besoins temporels et à ceux de sa famille.
Un ministre qui se jette tête baissée dans son œuvre ne peut pas, ne doit pas s’occuper des affaires de ce monde, et naturellement il dépend à cet égard entièrement de son troupeau. Je n’ai pas besoin de m’étendre sur ce sujet que vous comprenez tous parfaitement. Dieu ordonne que « ceux qui prêchent l’Évangile vivent de l’Évangile (1 Corinthiens 9 v. 14) ». Or, jetez les yeux autour de vous, et dites-moi ce que font une multitude d’églises à cet égard.
Il y en a qui, lorsqu’elles ont besoin d’un ministre, se demanderont combien il leur coûtera ; et calculant jusqu’à un sou ce qu’il aura à dépenser de sel, de farine, lui donneront un salaire si mesquin, si vil, que c’est à peine s’il pourra vivre, lui et sa famille. Un ministre devrait avoir l’esprit libre de soucis pareils, pour se livrer avec succès à ses travaux, et ne pas être obligé de rechercher par tous les moyens possibles comment il pourra se procurer ce qui lui est nécessaire sans dépasser les bornes étroites de son traitement.
S’il le faisait, son esprit serait préoccupé au détriment de ses auditeurs ; car comment se donnerait-il entièrement à son ouvrage, s’il est absorbé par la vue de ses besoins temporels ? Soyez donc équitables et loyaux envers votre ministre, et ne supputez pas avec anxiété combien de sel et de boisseaux de blé il lui faudra pour se tirer d’affaire. Rappelez-vous que vous avez à faire à Christ, qui vous demande de placer ses ministres dans une situation telle, qu’avec une prudence ordinaire ils soient sans aucun souci au sujet de la nourriture et du vêtement.
2° Soyez ponctuels avec lui.
Quelquefois des Églises resteront en arrière de deux, trois, quatre ans, pour une partie du paiement de leur ministre, puis elles pensent qu’il leur fera grâce de ce qu’elles lui doivent. Et elles s’étonnent de ne pas voir de réveil ! Mais la raison en est claire, c’est que l’Église a menti ; elle avait promis de payer une paie ; et elle a violé ses engagements. Dieu ne lui donnera pas son Esprit.
Donnez donc son salaire au pasteur sans vous le faire demander. Rien n’est souvent plus embarrassant pour un ministre que d’être obligé de presser les gens pour cet objet ; il s’expose à les offenser et à s’en faire des ennemis. Ils auraient payé depuis longtemps sans doute si leur crédit avait pu en souffrir. Mais comme il ne s’agit que de leur conscience et de la bénédiction de Dieu, ils ne se sont pas fait scrupule de négliger la chose ! S’ils avaient une lettre de change à payer à la banque, ils se garderaient bien de l’oublier, ils courraient longtemps avant trois heures, de peur que leur billet ne fût protesté.
Mais, pour leur ministre, ils savent qu’il n’ira pas les poursuivre en justice s’ils ne lui donnent pas son salaire. Cette idée les laisse dans l’insouciance et l’oubli de leur devoir ; et le pauvre ministre en pâtit. Ces cas sont moins fréquents dans les villes que dans les campagnes, où j’ai connu des Églises dont la négligence et la cruauté à retenir au ministre son salaire l’avaient mis dans une misère et une détresse qui brisaient le cœur. Et puis allez donc vous étonner de ne voir que mort autour de vous, lorsque vous vivez dans le mensonge et dans la fraude.
3° Priez pour votre ministre.
Les apôtres eux-mêmes avaient coutume de presser les Églises de prier pour eux ; et la chose est plus importante que vous ne le pensez ! Les ministres ne demandent pas qu’on se souvienne d’eux simplement comme hommes, et qu’on demande à Dieu qu’ils soient remplis du Saint-Esprit uniquement pour leur bonheur personnel ; mais ils savent que, si l’Église ne demande pas avec insistance la bénédiction de Dieu sur leurs travaux, elle ne fera que le tenter en s’attendant à un réveil.
Que de fois un ministre ne monte-t-il pas en chaire sentant son cœur prêt à se fendre, pour demander une bénédiction qu’il sait n’avoir pas sujet d’attendre, puisque l’Église ne s’en soucie pas. Il a peut-être passé deux heures à genoux en ardentes supplications ; et comme l’Église n’est pas dans les mêmes dispositions, il lui semble que ses paroles vont retomber sur lui sans avoir trouvé aucune entrée.
J’ai vu des chrétiens qui, lorsqu’ils voyaient le ministre monter en chaire, étaient comme à l’agonie, dans la crainte que son esprit ne fût enveloppé d’un nuage, ou que son cœur ne fût froid, ou qu’il ne manquât d’onction, et qu’ainsi il n’y eût pas de bénédiction. J’ai même travaillé avec un de ces hommes. Il priait jusqu’à ce qu’il eût reçu en son esprit l’assurance que Dieu serait avec moi dans ma prédication ; quelquefois il priait avec tant d’ardeur et de persévérance qu’il en devenait malade. Souvent aussi il était comme enveloppé d’obscurité pendant que l’on se rendait au temple, et son cœur plein d’anxiété le poussait à prier et toujours à prier de nouveau, jusqu’à ce que finalement il vînt me dire avec sérénité : « Le Seigneur est venu ; il sera avec nous ». Je ne sache pas l’avoir jamais trompé dans son attente.
J’ai connu une Église qui chaque jour portait son ministre sur les bras de la prière, et veillait avec une anxiété inexprimable à ce que le Saint-Esprit reposât sur lui dans ses travaux. Oh ! Quelle bienheureuse congrégation que celle-là ! Et quand, après avoir demandé si instamment que la parole fût puissante et efficace, ils se sont vus exaucés, et ont entendu une parole chaleureuse venant du cœur et produisant de l’effet parmi les auditeurs. Oh ! Vous eussiez pu voir leur âme briller entière dans leurs regards ! Quelle différence d’avec une Église qui pense que, pourvu que le ministre prie, il n’y a pas besoin qu’elle prie aussi ! Quelle triste erreur ! Dieu veut être recherché « par la maison d’Israël » ; et je voudrais vous voir convaincus que rien ne peut remplacer les prières de l’Église.
Une chose déplorable que j’ai vue, même dans les réveils, c’est que, pour ce qui regarde la prière, ou mettait les membres du troupeau presque entièrement de côté pour donner la parole à des personnes du dehors. Je ne doute pas d’avoir quelquefois offensé de ces dernières, parmi lesquelles se trouvaient des ministres et de vrais chrétiens, en invitant les seuls membres de l’église à prier. Et cependant ce n’était ni par mépris ni faute de respect ; mais je voulais poursuivre mon but, qui était de pousser à la prière l’Église elle-même et non d’autres personnes.
Dans un certain endroit, on tenait depuis longtemps des réunions qui non-seulement n’étaient suivies d’aucune bénédiction, mais dont il résultait même beaucoup de mal. J’en cherchai la cause, et je m’aperçus qu’à chaque fois c’étaient des personnes du dehors qui étaient invitées à prier, tandis que les membres de l’Église elle-même n’ouvraient jamais la bouche. Il n’y avait donc pas lieu de s’étonner si, malgré toute la bonne volonté du conducteur, les choses allaient en empirant.
Les Églises doivent prier pour leurs ministres comme pour des hommes qui doivent briser les pécheurs par le marteau de la vérité ; mais leurs prières doivent partir du cœur et ne pas être récitées et dites avec ce ton de cérémonie qui n’est que trop ordinaire : « Éternel, bénis le ministère de ton serviteur que tu as établi sur cette portion des murs de ta sainte Sion ». Mieux vaudrait ne rien dire que de déclamer. Allez d’abord dans votre cabinet, fermez-en la porte, luttez avec Dieu pour qu’il donne plein succès aux travaux et aux efforts de votre ministre. Ce n’est pas assez d’en souffler quelques mots dans les réunions de prière, car ce n’est pas là le véritable lieu, ou du moins le plus important. Retirez-vous seul avec Dieu, et priez là sans relâche pour que les pécheurs soient convertis.
J’ai entendu parler d’un ministre dont la santé était délabrée, et qui tomba dans un si grand abattement et dans une telle obscurité d’esprit, qu’il lui sembla qu’il ne pourrait plus prêcher. Dans son église se trouvait une personne qui se sentit pressée de prier pour lui et de demander à Dieu de répandre son Saint-Esprit sur sa prédication. Un certain dimanche, cette personne se mit en prières dès que le jour commença à poindre ; et elle pria, pria constamment en demandant à Dieu de répandre sa bénédiction sur cette journée. Elle lui exposait ce qu’elle pensait du ministre et de l’état de son âme, demandant à Dieu de le bénir, mais le faisant avec l’instance de celui qui ne veut pas être refusé. Le Seigneur permit que le ministre entendît cette prière. Il monta en chaire, il fut inondé de lumière, et sa parole fut accompagnée d’une telle puissance, qu’un réveil commença dès ce jour-là.
Mais je retourne à des détails qui, pour être plus matériels, n’en ont pas moins leur importance ; et j’ajoute d’abord quelques mots sur l’entretien du pasteur.
4° Le salaire d’un ministre devrait être fourni par le troupeau proprement dit, et rester indépendant de la bonne ou mauvaise volonté des incrédules qui forment une partie de l’auditoire.
Autrement le pasteur se trouvera dans la nécessité ou de laisser sa famille manquer du nécessaire, ou de taire les vérités qui pourraient offenser les pécheurs. Je parlais un jour à un ministre qui me semblait craindre d’annoncer pleinement la vérité ; et je lui témoignais combien j’étais surpris de ne pas l’entendre appuyer sur certains points. Il me répondit que, dépendant presque uniquement des impies pour son salaire, il se trouvait par sa situation presque obligé de ménager ces personnes-là.
Peut-être cette Église, qui laissait ainsi son ministre à la merci des impies, lui faisait-elle des reproches sur son manque de foi et sur sa crainte des hommes. Quelle exigence ! Une Église devrait toujours dire à son ministre : « Nous vous soutiendrons, allez seulement à votre ouvrage, prêchez la vérité tout entière, et ne vous inquiétez pas du reste ; nous ne vous ferons pas défaut ».
5° Veillez à ce qu’on soit assis commodément dans l’église.
Si l’on est gêné, il est difficile de prêter une attention soutenue aux paroles du prédicateur ; et si l’on n’est pas attentif, on ne saurait se convertir. Les auditeurs devraient n’avoir qu’à s’occuper de leur âme, et non de leur corps ; et pour que cela ait lieu, il faut qu’ils soient à leur aise. On oublie trop ce point, qui est très important. Je ne dis pas qu’il faille du luxe, de la pompe. Tous vos lustres, vos candélabres avec leur lumière éblouissante, vos riches tapis, vos chaires splendides, tombent dans un extrême opposé, et ne sont qu’un moyen différent mais tout aussi efficace de détourner l’attention des pécheurs de dessus l’objet pour lequel ils se rendent au temple. N’attendez pas de réveil au milieu de ce luxe.
6° Veillez à ce que la maison de Dieu soit propre.
Elle doit l’être autant que les vôtres ; or ce n’est pas toujours ce qui arrive. J’ai vu des églises où l’on prenait tant de tabac qu’il était impossible d’y prêcher à son aise. Un jour, dans une réunion, on accusait l’église de dépenser plus d’argent pour le tabac que pour les missions, et elle fut obligée de reconnaître la vérité de ce reproche. On n’osait s’y agenouiller sur les bancs, et les dames ne pouvaient s’asseoir sans veiller continuellement sur leurs vêtements. Que servira-t-il aux pécheurs de venir entendre parler de Dieu, s’ils ne peuvent le faire parce qu’ils sont incommodés par de mauvaises odeurs et par la vue d’objets dégoûtants ? Ce point-là est trop négligé. Voyez cet homme ! Je lui parle de la vie éternelle ; et il est tout occupé d’une ordure qu’il trouve sur un banc !
7° Il faut que l’église soit chaude, et pas trop.
Supposez qu’un ministre arrive et qu’il la trouve froide. Il s’aperçoit aussitôt qu’il ferait tout aussi bien de l’ester chez lui ; on tremble, on a les pieds gelés, on est mal à son aise ; et si ce n’était la crainte de désappointer ses auditeurs, le ministre aimerait mieux ne pas prêcher du tout, parce qu’il sait qu’il ne pourra faire aucun bien.
Il pourrait aussi trouver la maison trop chaude ; et alors, au lieu d’écouter, on fait aller les éventails, on soupire après l’air frais ; puis c’est une femme qui se trouve mal, etc. Pendant ce temps le prédicateur va son train, et tout ce qu’il dit est perdu. Ces petits détails empêchent qu’on ne porte son attention sur les paroles de la vie éternelle ; et les pécheurs peuvent tomber en enfer, à cause de l’insouciance de l’église sur ces petits détails.
8° L’église devrait être bien aérée.
Elle en a plus besoin que toute autre maison ; et j’ai été souvent étonné de voir qu’on s’en occupât si peu. L’air vital s’épuise en passant à travers tant de poumons, on respire avec peine, on sent un désir presque irrésistible de dormir, et la prédication est perdue et plus que perdue. Les anciens, mieux placés, écouteront peut-être d’un bout à l’autre ; mais le reste de la congrégation étouffera faute d’air, et le ministre dépensera ses forces à parler dans une atmosphère empoisonnée. Que l’air de l’église soit donc pur et sa température convenable. De quelle importance n’est-il pas qu’un ministre puisse voir ses auditeurs attentifs à la vérité qui peut sauver leurs âmes.
Il n’est pas rare, quand les choses vont mal, d’en entendre jeter la faute tout entière sur le sacristain. Mais ce n’est pas toujours juste. Souvent ce n’est pas le sacristain qui est à blâmer. Si l’église est froide et incommode, c’est que très souvent le bois n’est pas bon ou que le poêle est insuffisant, ou que l’église a trop d’ouvertures pour conserver la chaleur ; ou bien, si elle est trop chaude, c’est peut-être qu’en l’absence du sacristain quelqu’un aura entassé trop de bois dans le poêle.
Et en supposant même que ce soit la faute du sacristain, cela ne viendrait-il pas de ce qu’on le rétribue trop peu pour qu’il puisse donner toute l’attention nécessaire à ce que l’église soit maintenue en bon état ? On lui pleure la vie et il fait son ouvrage à la légère ; ou, pour n’avoir pas trop à dépenser, on prend un homme qui ne s’y entend pas, et rien ne va. La faute en est à l’Église, qui devrait proportionner le salaire aux travaux, et qui dès lors verrait tout s’exécuter avec fidélité.
Si un sacristain ne s’en acquitte pas bien, un autre le fera mieux, l’Église doit l’exiger, ou, si elle ne le fait pas, qu’elle renvoie son ministre, au lieu de le contredire par ses actions. Quelle économie ! Payer un ministre ; puis, pour ne pas donner au sacristain quelques écus de plus, chaque chose est tellement en désordre, que les travaux du ministre sont perdus.
Quelquefois cette malpropreté, cette négligence, cette confusion, doivent être attribuées au ministre lui-même. Peut-être prend-il du tabac, et donne-t-il ainsi lui-même l’exemple du mépris pour la maison de Dieu. J’ai parlé quelquefois des chaires qui étaient trop dégoûtantes pour être occupées par des êtres humains. Il n’est pas étonnant qu’avec un ministre qui n’a pas plus de piété ni de décence, les choses soient dans un mauvais état.
9° Il faut laisser à la maison les chiens et les tout petits enfants.
J’ai vu des disputes s’élever entre des chiens et des enfants crier, juste au moment le plus important du service. Emmenez tout de suite tout enfant qui crie. J’ai vu des mères et des nourrices s’occuper à apaiser leur enfant dans l’église, à la grande distraction de ceux qui s’y trouvaient. Quant aux chiens, il vaudrait infiniment mieux qu’ils fussent morts que de déranger les auditeurs. Voyez ce diacre ! Il ne sauvera jamais autant d’âmes que son chien en a peut-être détruit. (1) (1) Ouest américain.
10° Les membres de l’Église devraient encore seconder les ministres en visitant de maison en maison, et, en s’efforçant ainsi de sauver des âmes, ils devraient s’occuper vivement de ce devoir et ne pas le laisser reposer en entier sur le ministre, qui n’y tiendrait pas, alors même que pour cela il abandonnerait toute autre occupation.
11° On devrait tenir des réunions bibliques pour l’instruction des jeunes gens et pour les personnes qui seraient réveillées ou seulement touchées par la prédication.
Le plus grand soin devrait être apporté au choix des directeurs de ces réunions, et le plus grand zèle déployé pour qu’elles fussent fréquentées et nombreuses. La chose s’est faite dans cette église ; on a l’œil sur les âmes qui paraissent avoir reçu quelque impression de la prédication ; on les invite à se rendre à cette autre réunion, et quelquefois elles y trouvent la paix et se convertissent. Je ne dis pas que nous fassions à cet égard tout ce que nous devrions ; il nous faut encore plus de personnes capables d’enseigner, et qui veuillent prendre cette charge.
12° Les églises devraient entretenir les écoles du Dimanche, et travailler de cette manière avec leurs ministres au salut des âmes.
Qu’elles s’en occupent soigneusement, afin que le ministre ne soit pas écrasé par trop de charges ; qu’elles réveillent à fond ; qu’elles amènent à ces écoles un grand nombre d’enfants, les enseignent fidèlement, et travaillent de tout leur possible à les réveiller.
13° Que les membres de l’Église veillent les uns sur les autres.
Qu’ils se visitent mutuellement pour s’informer de leur état spirituel, et s’exciter à l’amour et aux bonnes œuvres. Le ministre ne le pourrait pas faire seul, il n’en a pas le temps. Il est impossible qu’il étudie la Parole, qu’il se prépare pour sa prédication, et qu’il trouve, à côté de cela, tout le temps nécessaire pour visiter chaque membre de l’Église aussi souvent qu’il le faudrait pour le faire avancer convenablement.
L’Église est liée par serment de veiller sur ses membres ; mais le fait-elle ? Beaucoup ne se connaissent même pas. Ils se rencontrent et se traitent comme des étrangers sans jamais se demander l’un à l’autre dans quelle disposition se trouve leur âme ; et cependant, dès qu’ils entendent du mal au sujet de quelqu’un, ils vont aussitôt le dire à d’autres ; et ils n’ont de vigilance que pour s’arrêter mutuellement dans le bon chemin. Mais comment pourraient-ils veiller pour se faire du bien lorsqu’ils ne se connaissent pas même ?
14° L’Église doit veiller sur l’effet de la prédication ; et elle le fera si elle prie Dieu d’y poser sa bénédiction.
Que ses membres soient vigilants à reconnaître toute personne sur laquelle la Parole aurait eu quelque prise, à ne pas laisser éteindre les impressions qu’elle pourrait avoir reçues, à la visiter, à lui parler, et à lui parler avec instance, à l’amener ou aux réunions bibliques, ou à celles qui sont destinées aux pécheurs convaincus et réveillés, ou encore au ministre lui-même. Si les chrétiens ne le font pas, ils négligent leur devoir ; mais s’ils le font, il peut en résulter un bien incalculable.
Il y avait une jeune femme pieuse qui vivait dans un endroit entièrement mort quant à la vie spirituelle. Seule, elle avait l’esprit de prière, et elle luttait avec Dieu pour qu’il donnât pleine efficace à la prédication de sa Parole. A la fin elle eut la joie de voir une personne qui paraissait avoir été touchée ; elle se rendit en tremblant auprès du prédicateur dès qu’il fut descendu de la chaire, et le pria de vouloir bien parler à cette personne immédiatement.
Le ministre le fit ; la personne fut convertie, et un réveil s’ensuivit. Un chrétien, comme il s’en trouve tant de nos jours, n’aurait pas su voir que cette personne était réveillée ; il en aurait une demi-douzaine sous ses pas qu’il ne les aurait pas davantage remarquées ; et il les aurait laissées tomber en enfer. Tout chrétien doit veiller à chaque sermon pour voir s’il y a quelque effet produit. Je ne dis pas qu’il doive allonger le cou et regarder tout le monde au blanc des yeux ; mais il doit observer de son mieux, et conduire au Sauveur toute âme sur laquelle la prédication aurait fait quelque impression.
15° Gardez-vous d’appliquer uniquement à autrui toute la prédication.
Si vous n’en prenez pas une bonne portion pour vous-mêmes, vous dépérirez et ne serez bientôt plus que des squelettes spirituels. Soyez attentifs à reconnaître ce qui vous regarde ; repassez-le sincèrement dans votre cœur, et, en le pratiquant, vous vivrez. Autrement vous ne retirerez de la prédication aucun bien.
16° Soyez prêts à secourir votre ministre dans l’exécution de ses divers plans.
Une église qui travaille de concert avec son ministre dans les projets d’utilité qu’il a conçus peut balayer les obstacles et tout entraîner avec elle. Mais si elle ne se met à l’œuvre que quand elle y est traînée de force, si elle s’oppose à tout dessein, même matériel, pour la réalisation duquel il faudrait dépenser quelque chose, elle ne fera que peser lourdement sur le ministre. Faut-il acheter un poêle ? Oh ! Cela reviendrait trop cher ! Est-il besoin de lampes pour qu’on n’ait pas à prêcher dans l’obscurité ? C’est dispendieux. Et alors ils ne brûleront que quelques chandelles, ou ils renonceront aux réunions du soir. Dans le premier cas, les chandelles ne donneront pas de lumière, ou bien il faudra aller continuellement de l’une à l’autre pour les moucher ; et l’attention sera distraite et la prédication perdue.
Je me rappelle qu’un soir, dans une réunion, nous nous trouvions fort embarrassés de ce qu’il n’y avait pas de lampes. Je pressai les gens d’en aller chercher ; mais ils trouvaient que la dépense serait trop grande. Je dis alors que j’allais m’en procurer moi-même, et j’étais sur le point de le faire, lorsque la réflexion me vint que cela pourrait être pris en mauvaise part, et que je ferais mieux de rester tranquille.
La réunion eut donc lieu telle quelle ; mais on n’en retira que peu de bénédiction. Comment aurait-il pu en être autrement, l’église ayant commencé par calculer jusqu’à un centime tout ce qu’il faudrait dépenser, et étant résolue de ne pas dépasser la somme fixée, même quand il s’agissait de sauver des âmes ? Et puis attendez un réveil dans une église qui sacrifie ainsi les réunions à l’argent ! Ils seront prêts à tout donner, à offrir au Seigneur ce qui ne leur coûtera rien ! Misérables aides que ceux-là ! Véritable meule de moulin attachée au cou du ministre !
S’ils ne veulent pas mieux recevoir instruction, il serait mille fois préférable que le ministre les quittât pour aller là où il ne serait pas gêné par l’avarice.
17° Les membres de l’Église devraient se faire un devoir d’assister aux réunions de prières.
D’y être à temps. Il s’en trouve qui iront toujours et de bon cœur à la prédication, parce que là ils n’ont qu’à s’asseoir et à écouter ; mais qui refuseront d’assister aux réunions de prière, de peur qu’on ne les appelle à faire quelque chose. Ces personnes-là sont une entrave pour le ministre et découragent son cœur. Est-ce qu’elles s’imaginent qu’on a un ministre pour qu’il vous amuse par ses prédications ? N’est-ce pas pour qu’il vous enseigne la volonté de Dieu, et que, la connaissant, nous l’accomplissions.
18° Les membres de l’Église doivent étudier et rechercher soigneusement ce qu’ils peuvent faire, puisqu’ils doivent le faire.
Que les ministres élèvent et forment les chrétiens comme une troupe bien disciplinée ; qu’ils leur apprennent à se rendre utiles, qu’ils les dirigent de manière à exercer le plus d’influence morale qu’il leur sera possible ; et qu’alors ces chrétiens fassent leur devoir et tiennent ferme ; sans cela ils seront un embarras et non un recours.
Il y a plusieurs autres choses que je m’étais proposé de vous dire, mais je n’en ai pas le temps maintenant. Je terminerai par quelques remarques additionnelles.
Remarques additionnelles.
1° Vous venez de voir qu’il ne faut pas attribuer entièrement au manque de sagesse du pasteur le peu de succès qu’il pourrait avoir. Ce n’est pas que je veuille excuser les ministres négligents ; au contraire : je dirai toujours aux ministres la vérité toute nue, et je ne donnerai à personne des titres flatteurs. Si les ministres sont blâmables, je les blâmerai ; et sans doute ils le sont plus ou moins toutes les fois que leur prédication est sans effet.
Mais il s’en faut bien qu’ils soient toujours, dans ce cas, les principales personnes à blâmer. Souvent c’est l’église qui devrait l’être le plus sévèrement : il y a telle église où un apôtre, un ange même venant du ciel pourrait prêcher sans qu’il y eût aucun réveil. Elle est peut-être déloyale avec son ministre ou ambitieuse ; ou encore elle ne se soucie guère de faire quelque dépense pour rendre le service public plus commode et plus décent. Hélas ! combien ne s’en trouve-t-il pas où tout est gênant, et où les labeurs du ministre sont perdus, parce qu’on a refusé de sacrifier quelques centaines de francs. Ils habitent eux-mêmes des appartements lambrissés ; et ils laissent la maison de Dieu dans un état de ruine. En vivant sans piété, ils contredisent la prédication, qui alors ne peut faire aucun bien ; et leurs soirées et leurs vanités anéantissent l’influence de l’Évangile.
2° Je ne saurais assez rappeler aux Églises l’immense faute qu’elles commettent en laissant le ministre travailler tout seul. Le Seigneur Jésus-Christ envoie aux pécheurs un ambassadeur qui devait les détourner de leurs mauvaises voies ; mais cet ambassadeur n’y a pu réussir, parce que l’Église refusait de faire son devoir ; bien plus, parce qu’au lieu de soutenir ses mains, de le seconder dans son message et d’appuyer ses sollicitations, elle s’est mise sur son chemin, l’a contrarié et combattu, en sorte que les âmes ont dû périr.
Ces obstacles sont tellement communs dans la plupart des églises des États-Unis, que les ministres qui les desservent feraient tout aussi bien d’aller passer une bonne partie de leur temps à missionner dans l’étranger. Et cependant ces mêmes Églises ne voudraient pas permettre que leur ministre s’absentât, ne fût-ce que pour quelques jours. « Nous ne pouvons pas nous en passer ; c’est notre ministre ; nous tenons à conserver notre ministre au milieu de nous. » Puis, tout en parlant ainsi, elles s’opposent à tout ce qu’il pourrait faire.
Il voudrait pouvoir s’arracher à son Église, pour se rendre dans un lieu où il n’y a pas de pasteur et où l’on serait disposé à recevoir l’Évangile ; mais il est obligé de rester où il se trouve, alors même que son Église ne saurait voir un réveil y durer quelques mois de suite, tous les trois ou quatre ans. Il serait bien fondé en droit à dire à son Église : « Si vous êtes déterminés à dormir pendant un si long espace de temps, je vous prie de me le faire savoir, afin que je puisse aller dans quelque autre endroit et y travailler jusqu’à ce que vous soyez disposés à vous réveiller ».
3° Un grand nombre d’Églises ne sont pas bénies par des réveils, parce que, au lieu de soutenir elles-mêmes leur ministre, ce qu’elles pourraient très facilement, elles le font aux dépens du trésor du Seigneur, et en soutirant la substance des autres Églises. Peut-être qu’elles s’appuient sur la Société des missions indigènes, sur telle ou telle autre association religieuse, au lieu de s’exercer à renoncer à elles-mêmes, et à s’imposer des privations pour la cause de l’Évangile. J’en ai vu une qui avouait dépenser plus d’argent pour du tabac que pour.la cause des missions, et qui n’avait pas de ministre, vu que « ses moyens ne le lui permettaient pas ». Elle n’en a encore pas à l’heure qu’il est ; et cependant elle compte parmi ses membres un homme qui, à lui seul, pourrait payer le salaire d’un ministre.
On n’a pas enseigné aux Églises les devoirs qu’elles avaient à remplir à cet égard. L’été dernier, je me trouvais dans un endroit où il n’y avait pas de prédications. J’interrogeai là-dessus un des anciens, et lui demandai pourquoi il en était ainsi. Il me répondit qu’ils étaient trop pauvres.
« Quelle est votre fortune ? » lui dis-je. Il ne me répondit pas directement, mais il me parla d’un autre ancien, dont les revenus annuels étaient d’environ 2,700 dollars. Je vis plus tard que cet homme en avait lui-même presque autant. « Voilà », lui dis-je alors, « deux anciens ; chacun de vous pourrait, à lui seul payer le salaire d’un ministre ; et, parce que vous ne pouvez obtenir du secours du dehors, vous préférez garder votre argent pour vous et vous passer de ministre ! Eh ! lors même que vous en auriez un, sa prédication ne pourrait être suivie d’aucune bénédiction parmi des personnes qui pillent ainsi le trésor de l’Éternel ». Cet homme reconnut qu’il pouvait fort bien entretenir un ministre, et tous deux convinrent qu’ils le feraient.
Je le répète ; les Églises qui, par égoïsme, vont demander au dehors des secours dont elles n’ont aucun besoin, ne doivent s’attendre qu’à la malédiction de l’Éternel ; l’Évangile ne saurait être pour elles qu’en odeur de mort et non de vie. Oh ! De combien de ces Églises ne pourrait-il pas être dit qu’elles ont « pillé Dieu ? » J’en connais une qui se disait incapable de fournir le salaire entier d’un ministre, et qui ne l’employait que la moitié du temps. Des dames d’une ville voisine, qui formaient une société de travail, disposèrent d’une partie de leurs fonds à cet objet, et l’Église eut son ministre pour toute l’année.
Comme on pouvait s’y attendre, l’Église n’en retira que peu de bien ; car le principe par lequel elle agissait neutralisait l’effet des prédications. Là aussi il y avait un homme qui, à lui seul, aurait pu entretenir un ministre ; et j’appris même, par un des membres du troupeau, que l’Église était réputée riche de plus d’un million. Or, si cela est, comme j’ai lieu de le croire, voilà une église qui, possédant au sept pour cent un revenu annuel de près de 76,000 d., se dit trop pauvre pour en donner 1000 à son ministre, en ne le prenant même que la moitié du temps, et laisse une société d’une ville voisine travailler de ses propres mains pour payer le reste ! Parmi les anciens de cette Église, j’en trouvais plusieurs qui prenaient du tabac par simple habitude. Ceux d’entre eux, qui vivaient ensemble, signèrent un engagement écrit sur le feuillet blanc de leur Bible, par lequel ils prenaient la résolution de renoncer à ce péché pour toujours.
C’était en grande partie par manque de bonnes directions que cette Église se conduisait de cette manière ; car dès qu’on eut abordé et éclairci le sujet, et qu’on eut montré au troupeau son devoir, l’homme riche dont j’ai parlé plus haut dit qu’il se chargerait à lui seul de l’entretien du ministre s’il ne craignait pas que cela ne fît plus de mal que de bien et n’indisposât les esprits contre lui ; mais que, si l’Église elle-même s’offrait à payer une partie du salaire, il ferait volontiers le reste.
C’est ce qui est arrivé ; et maintenant ils peuvent s’apercevoir qu’ils en retirent de la bénédiction et du profit. Dans les différentes localités que j’ai visitées en travaillant à des réveils, j’ai toujours trouvé les Églises bénies en proportion de leur libéralité ; bénies même spirituellement et temporellement ; et j’ai observé, comme règle générale, que les nouveaux convertis se joignent de préférence à celles de ces Églises qui donnent le plus pour soutenir l’Évangile.
Mais quelle obscurité recouvre encore ce sujet ! Que d’Églises qui, faute de lumière, restent dans l’inaction, tandis qu’en leur exposant leurs devoirs à cet égard on les trouverait souvent très disposées à les accomplir ! J’ai connu un ancien qui parlait de prendre un ministre pour la moitié du temps seulement, vu la pauvreté de l’Église. Sur la demande que je lui fis, si son revenu à lui seul ne suffisait pas pour employer un ministre toute l’année, il me répondit affirmativement, et convint avec moi que l’argent dont le Seigneur l’avait rendu dépositaire ne saurait être dépensé plus avantageusement qu’à cet effet. On a donc fait venir un ministre pour toute l’année, et je ne crois pas le troupeau embarrassé de lui donner tout son salaire.
Le fait est qu’un ministre ne peut faire grand-chose en ne prêchant que la moitié du temps. Une impression reçue un dimanche a bien le temps de s’évanouir pendant les quinze jours qui s’écoulent avant qu’une autre prédication se fasse entendre. Même par un motif d’économie, l’Église devrait payer le salaire entier d’un ministre. Quand elle en aura un bon, qui ira fidèlement à son œuvre, un réveil pourra y éclater d’un instant à l’autre, les impies se convertiront, entreront dans l’église et lui apporteront des secours et de nouvelles forces. Mais un ministre qui n’est employé que la moitié du temps pourra prêcher d’année en année sans aucun résultat ; et l’église verra les pécheurs tomber dans la perdition, les impies persévérer dans leurs voies, et ses propres forces diminuer de jour en jour davantage.
On a trop négligé de faire sentir à ceux qui font profession de religion que leurs richesses appartiennent au Seigneur ; et c’est pourquoi l’on entend si souvent parler des personnes qui ont donné tout ce qui était à elles pour soutenir la cause de l’Évangile, comme si le Seigneur Jésus-Christ était un mendiant qui les priât de lui donner l’aumône dans la personne de ses serviteurs !
Dans une ville de nos États, où se trouvait un négociant qui fournissait une grande partie du salaire de son ministre, un membre de l’Église parlait à un autre ministre du sacrifice que ce négociant faisait. En ce moment le négociant entra. « Frère », lui dit le ministre, « vous êtes dans le commerce, n’est-ce pas ? Supposons que vous ayez un commis établi sur vos affaires, et un précepteur pour instruire vos enfants ; puis, que vous chargiez ce commis de tirer de votre caisse et de donner au précepteur l’argent qui lai est dû pour son salaire. Que diriez-vous si ce commis allait répandre le bruit que c’est lui qui l’a payé, et parlait des sacrifices qu’il a dû faire, lui, pour cela ? »
Qu’en diriez-vous ? « Eh ! Je dirais que c’est absurde ». « Bien », reprit le ministre ; « Dieu vous a établi sur ses biens, et il emploie votre ministre à instruire vos enfants. Il vous ordonne de payer ce ministre avec l’argent qu’il vous a confié : appelez-vous cela un sacrifice de votre part ? Non, vous ne le pouvez pas. Et vous êtes tout aussi bien obligé de faire le commerce pour soutenir l’œuvre de Dieu que le ministre l’est de prêcher ».
Vous êtes tenu d’y mettre autant de piété, de franchise et de droiture que le ministre doit en mettre dans la prédication de l’Évangile. Comme lui, vous devez donner votre temps tout entier au Seigneur. Vous pouvez, à juste titre, vous et votre famille, vivre sur les revenus de vos biens ; mais lui aussi. En faisant votre commerce dans cet esprit, vous servirez Dieu aussi fidèlement qu’un ministre qui prêche la vérité. Tout homme est tenu de servir Dieu dans sa vocation : le ministre en prêchant, le négociant en s’occupant de ses affaires ; le laboureur en cultivant ses champs ; l’avocat, le médecin en accomplissant les devoirs de leur profession.
Il est également illégitime pour tous ceux-là de travailler en vue de la nourriture qui périt. Ils doivent, les uns comme les autres, tout rapporter à Dieu, et consacrer à la propagation de l’Évangile et au salut du monde ce qui leur reste d’argent après avoir pourvu équitablement à l’entretien de leurs familles.
On a trop longtemps supposé que les ministres devaient être plus pieux que les autres hommes ; qu’eux ne devaient pas aimer le monde, qu’eux devaient travailler pour le Seigneur, vivre le plus frugalement possible, consacrer tout leur temps, leur santé, leurs forces, leur vie à l’édification du corps de Christ, Tout cela est vrai. Mais celui qui n’est pas appelé à travailler dans ce même champ et à instruire publiquement, n’en est pas moins obligé de considérer, lui aussi, son temps comme appartenant exclusivement à Dieu, aussi bien que celui du ministre ; il n’a pas plus le droit que le ministre d’aimer le monde, d’amasser des richesses pour lui ou pour ses enfants, ou de les dépenser en vains plaisirs. Il est grand temps que l’Église connaisse ces principes.
La Société des Missions indigènes pourrait travailler jusqu’au jour du jugement à la conversion des hommes, et cependant n’avoir aucun succès, aussi longtemps que les Églises ne comprendront pas, ne sentiront pas leurs devoirs à cet égard ; et la véritable cause de l’impuissance dont sont frappés les travaux de tel ou tel ministre vient probablement de ce que son Église s’adresse à la Société que je viens d’indiquer pour obtenir des secours, tandis qu’elle pourrait facilement trouver des ressources suffisantes en elle-même.
Je voudrais que cette Société fût cent fois plus en état qu’elle ne l’est d’assister les églises véritablement trop faibles et trop pauvres pour entretenir un ministre. Mais il est contraire à l’économie comme au bon sens, comme à la piété, de donner des fonds pour soutenir l’Évangile, à ceux qui pourraient s’en charger, mais qui ne veulent pas le faire de leur propre bourse.
Quand la Société des Missions indigènes posséderait une tonne d’or et la donnerait à une pareille Église, elle ne ferait pas en cela un acte de charité. Que l’Église « apporte les dîmes aux lieux ordonnés pour les garder, et qu’il y ait provision dans la maison de l’Éternel (Malachie 3 v. 10) », alors l’Éternel « ouvrira les canaux des cieux et répandra la bénédiction ». Hélas ! Combien n’y en a-t-il pas qui dépensent leur argent à du thé, à du café, à du tabac, et qui ensuite vont mendier des secours à une Société ! Je m’opposerai à ce qu’on vienne jamais en aide à une Église qui a du luxe, ne fût-ce qu’en thé et en tabac, qui vit sans renoncer à elle-même et qui ne veut offrir à Dieu que ce qui ne lui coûte rien.
Enfin, je recommande à toute Église qui désire être bénie de faire son devoir, tout son devoir, de revêtir l’armure de l’Évangile, de pousser à la roue, et d’aller en avant avec courage. Quand l’Église se met en campagne, alors le char du salut se meut malgré tous les efforts réunis de l’enfer ; et les pécheurs se convertissent et sont sauvés. Mais une Église qui laisse travailler son ministre tout seul, qui, loin de l’aider, se contente de le regarder faire, ou même se plaint de lui, non seulement ne verra pas de réveil, mais encore, en persévérant dans son esprit de censure et de mollesse, finira peu à peu par tomber en enfer à cause de sa désobéissance et de son inutilité dans le service de Christ.
Un message de Charles Finney
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