Le voile chez les chrétiennes évangéliques
Le port du voile est malheureusement devenu un sujet presque tabou, et une pratique marginalisée dans les Églises évangéliques en Occident.
Introduction
Il y a plusieurs décennies, il était courant que les femmes chrétiennes se voilent la tête lors de certaines occasions, selon des coutumes qui variaient alors en fonction des groupes religieux et de leurs convictions respectives. De nos jours, rares sont les Églises évangéliques où l'on peut observer cette pratique, bien qu'elle fasse l'objet d'un enseignement détaillé dans le Nouveau Testament, dans la première épître aux Corinthiens (1Corinthiens 11 v. 2 à 16).
Ce texte sur le voile est aussi rarement prêché en chaire ou enseigné dans les classes d'école du dimanche, car il soulève généralement malaise et opposition. Quand les chrétiens y font allusion, ou acceptent d'en discuter, c'est généralement pour dire que ce passage ne s'appliquerait plus à notre époque, qu'il est sexiste et avilissant pour les femmes, qu'il n'est pas assez clair ou encore qu'il peut représenter un obstacle pour l'annonce de l'Évangile aux non-chrétiens.
Dans ce qui suit, nous allons examiner ces opinions, pour ensuite chercher à approfondir la signification biblique du voile chez la femme (et chez l'homme) et son application pour notre temps. Nous verrons que cette application est essentiellement en lien avec l'exercice de la prière et de la prophétie (1). Mais d'abord, voici le texte complet, selon la version Second révisée (NEG):
« Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi à tous égards, et de ce que vous retenez mes instructions telles que je vous les ai données. Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ. Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef. Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef : c'est comme si elle était rasée. Car si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée, qu'elle se voile. L'homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme. En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme ; et l'homme n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l'homme. C'est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l'autorité dont elle dépend. Toutefois, dans le Seigneur, la femme n'est point sans l'homme, ni l'homme sans la femme. Car, de même que la femme a été tirée de l'homme, de même l'homme existe par la femme, et tout vient de Dieu. Jugez-en vous-mêmes : est-il convenable qu'une femme prie Dieu sans être voilée ? La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter de longs cheveux, mais que c'est une gloire pour la femme d'en porter, parce que la chevelure lui a été donnée comme voile ? Si quelqu'un se plaît à contester, nous n'avons pas cette habitude, pas plus que les Églises de Dieu (1 Corinthiens 11 v. 2 à 16) ».
1. Un passage qui ne s'appliquerait plus de nos jours ?
Un tel questionnement remet implicitement en cause la pertinence des prescriptions des apôtres pour notre époque. Le texte biblique apporte de lui-même plusieurs éléments de réponse à cette opinion.
Une mise en garde de l'apôtre.
Bien que la question du voile ne soit pas une doctrine apostolique aussi essentielle que, par exemple, la doctrine du salut (l'Évangile) ou la divinité du Christ, l'apôtre Paul a pris le soin de mettre en garde quiconque voudrait remettre en question son importance. Il conclut en effet son exposé sur le voile, au v. 16, de la façon suivante : « Si quelqu'un se plaît à contester, nous n'avons pas cette habitude, pas plus que les Églises de Dieu ». Cela indique aussi que son enseignement sur le voile (et sur d'autres sujets) commençait déjà à être contesté par certains chrétiens de la ville de Corinthe, il y a près de 2000 ans. La polémique sur le voile n'est donc pas si nouvelle, en fi n de compte.
Un enseignement universel.
Contrairement à ce qu'on peut lire dans plusieurs commentaires sur la Bible, l'enseignement de Paul sur le voile ne s'appliquerait pas uniquement au contexte culturel de Corinthe. L'introduction de l'épître mentionne en effet ceci : « Paul, appelé à être apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et le frère Sosthène, à l'Église de Dieu qui est à Corinthe […] et à tous ceux qui invoquent en quelque lieu que ce soit le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre (v. 1 et 2) ». Les nombreuses prescriptions de cette épître, portant sur divers sujets, étaient données aux chrétiens de partout, qu'ils soient Grecs, Romains, Juifs ou « barbares ». Elles transcendent donc les cultures, que ce soit à propos de la pureté sexuelle, du mariage, du repas du Seigneur, de l'ordre et de l'attitude dans l'exercice des dons spirituels ou du port du voile. Or, puisque la question du voile transcende les cultures, elle transcende aussi les époques et les générations.
Une doctrine qui s'appuie sur les origines.
Paul justifie la pertinence du voile en relation avec les origines de l'humanité : « L'homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme. En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme ; et l'homme n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l'homme (v. 7 à 9) ». Puisque le port du voile procède de la création de l'homme et de la femme, selon une allusion claire à la Genèse (2 v. 18 à 23), cela nous aide à comprendre pourquoi cette prescription transcende les cultures.
Une prescription en lien avec le monde spirituel.
Comme si l'argument d'ordre créationnel n'était pas suffisant pour certains de ses lecteurs, Paul mentionne que la femme doit être voilée, dans certaines circonstances, à cause des anges : « C'est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l'autorité dont elle dépend (2) (v. 10) ».
À notre époque où la philosophie matérialiste dominante en Occident nie tout ce qui est surnaturel, nous devons continuellement nous rappeler que les saints anges et les démons existent bel et bien et qu'ils observent attentivement l'Église et les chrétiens sur la terre (1Corinthiens 4 v. 9 ; Éphésiens 3 v. 10 ; 1Pierre 1 v. 12). Paul rappelle aussi aux chrétiens de Corinthe qu'ils vont juger les anges déchus (1 Corinthiens 6 v. 3), et ce rôle d'autorité à venir est aussi vrai de tous les chrétiens, hommes et femmes.
Toutefois, l'apôtre ne précise pas en quoi le voile est particulièrement significatif pour les anges. Même s'il est difficile pour nous de trancher la question, les anges eux savent certainement de quoi il s'agit (3). Comme les anges ne sauraient être affectés par des questions de modes ou de cultures, l'allusion aux anges confirme encore une fois que le sujet du voile transcende les époques.
Un appel au sens commun.
Au v. 13, l'apôtre pose une première question, qui implique une réponse négative : « Jugez-en vous mêmes : est-il convenable qu'une femme prie Dieu sans être voilée ? ». Cet argument, qui fait appel au « gros bon sens », se rapporterait cette fois aux us et coutumes. S'il était alors de coutume que la femme soit voilée en public, à plus forte raison lorsqu'elle prie. Cependant, il est aussi possible que cette coutume reflétait une pratique universelle plus ancienne (4).
Quoi qu'il en soit, il s'agit ici d'un argument de second ordre, qui vise essentiellement à renforcer les deux précédents qui eux sont intemporels (l'ordre créationnel et les anges).
Une analogie avec les cheveux.
Aux v. 14 et 15, l'apôtre pose une deuxième question de rhétorique qui appelle aussi une réponse négative, mais il fait cette fois référence à l'ordre naturel : « La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c'est une honte pour l'homme de porter de longs cheveux, mais que c'est une gloire pour la femme d'en porter, parce que la chevelure lui a été donnée comme voile ? »
Ce passage établit une association entre deux éléments distincts, le voile et la chevelure longue chez la femme, qui comportent une certaine similitude au niveau visuel, et qui du temps de l'apôtre allaient de pair. Ces versets suscitent beaucoup de polémique et de questionnements, auxquels l'auteur de la présente brochure n'a pas toutes les réponses !
Heureusement, il n'est pas nécessaire de trancher de façon catégorique, car il s'agit encore une fois d'un argument secondaire qui vise essentiellement à renforcer les principaux arguments sur le voile qui sont intemporels. Rappelons-nous aussi que la prescription de 1 Corinthiens 11 v. 2 à 16 porte d'abord et avant tout sur le voile, en lien avec la prière et la prophétie, et non sur la longueur des cheveux. Des éléments d'explication sur le lien entre le voile et la chevelure seront cependant suggérés plus loin.
2. Un passage sexiste ?
Une telle allusion face au passage sur le voile est fréquente. Elle remet cette fois en cause l'inspiration et donc l'autorité des Écritures sur nos vies. Cette vision semble particulièrement influencée par les excès du mouvement féministe et une contre réaction envers l'Islam. Ce serait donc en fait notre culture moderne qui viendrait interférer avec une juste interprétation du texte biblique inspiré et universel.
Impacts des excès du féminisme.
Un des combats du mouvement féministe en Occident était de redonner sa dignité à la femme, pour contrer une malheureuse tendance pécheresse des hommes à dominer de façon despotique sur les femmes, à la suite de la chute (Genèse 3 v. 16).
Le but poursuivi par ce combat est valable et noble, car la Bible affirme que l'homme et la femme ont été créés tous deux à l'image de Dieu (Genèse 1 v. 27). Ils sont donc égaux en dignité et en valeur. Paul confirme en particulier cette égalité pour tous les rachetés, sans tenir compte du sexe, de la race ou du statut social : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ (Galates 3 v. 28) ». Cette idée était révolutionnaire pour la culture de son temps et elle a ensuite certainement influencé la civilisation occidentale.
Cependant, cette égalité de valeur et de dignité n'est pas à placer sur le même plan que la question de l'autorité. 1 Corinthiens 11 enseigne en effet que l'homme a une autorité sur la femme, tout comme Dieu (le Père) a autorité sur le Fils : « Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef (5) de Christ (v. 3) ». Les rôles d'autorité et de soumission ont été institués dans l'humanité, car l'humanité est créée à l'image de Dieu.
La soumission volontaire du Fils au Père n'entache en rien son égalité de nature avec lui (Philippiens 2 v. 6), ni son amour inconditionnel pour lui. De la même façon, la soumission volontaire d'une épouse envers son mari, par exemple, n'entache en rien son égalité fondamentale avec l'homme. Par ailleurs, l'homme est lui aussi soumis à diverses autorités (6). Il est dommage que le mouvement féministe ait péché par excès, en faisant fi des différences naturelles entre les hommes et les femmes, voulues par Dieu, et cherché avec acharnement une uniformité totale des rôles. Les impacts sur la famille, la société et l'Église sont malheureusement importants.
Réaction à l'Islam.
Bien que le port du voile chez une chrétienne puisse spontanément faire penser au voile musulman, il est important de mettre en évidence les profondes différences. Dans l'enseignement chrétien, le voile n'est requis que dans certaines circonstances (prière et prophétie), et non pas de façon continue. Seuls la tête et les cheveux sont voilés, et non pas le visage. Et cela n'est pas en lien avec la pudeur, mais avec la question de l'autorité. La doctrine chrétienne comporte également des prescriptions pour l'homme, qui pour sa part doit éviter de se voiler la tête lorsqu'il prie ou prophétise. Cela afin de signifier, symboliquement, le rôle que Dieu a voulu pour lui d'être une autorité (bienveillante) sur la femme. Paul a d'ailleurs écrit que l'homme doit aimer sa femme comme lui-même (Éphésiens 5 v. 33), affirmant du coup le caractère monogamique du mariage et l'égalité de valeur. Tout cela montre l'immense fossé entre l'enseignement apostolique sur la femme et celui de l'Islam.
Non, Paul n'était pas misogyne, au contraire! À l'instar de Christ, il a redonné à la femme chrétienne sa dignité au sein d'une culture ambiante souvent machiste (7).
3. Le voile : une pierre d'achoppement pour l'Évangile ?
Certains objectent que le port du voile divise les chrétiens et renvoie une image qui peut nuire à la réception de l'Évangile. Il est vrai que cette pratique est sujette à la controverse à notre époque, comme elle l'était à Corinthe. Mais cela est aussi le cas avec d'autres prescriptions de Jésus et des apôtres, notamment celles relatives à la sexualité. La vérité, par nature, dérange le pécheur, même quand elle est présentée avec amour et douceur; mais c'est aussi la vérité qui a le pouvoir de rendre l'homme et la femme vraiment libres.
Une meilleure connaissance et pratique de la doctrine relative au voile peut ainsi devenir une belle occasion de faire connaître au monde certaines vérités de Dieu sur la création de l'homme et de la femme. Des personnes ont d'ailleurs été attirées dans les assemblées notamment en raison de la présence du voile (8).
Mais, au-delà des raisonnements et de la crainte d'être jugés, nous devons d'abord obéissance à notre Seigneur, qui a transmis ses directives par les apôtres qu'il a choisis (2 Pierre 3 v. 2), même si ces directives peuvent amener une forme de malaise ou de rejet par le monde, et même au sein du milieu évangélique.
4. Le voile : un passage difficile à comprendre ?
Nous avons pu voir, dans ce qui précède, que plusieurs éléments du passage de 1 Corinthiens 11 sur le voile sont suffisamment clairs pour en déduire qu'il s'agit d'une pratique et d'un symbole qui a toujours sa raison d'être. Cependant, quelques éléments sont plus difficiles à comprendre. Cela est aussi vrai concernant d'autres doctrines bibliques. Il y a des doctrines que l'on ne comprendra pas complètement ici-bas. L'apôtre Pierre disait lui-même, à propos des écrits de Paul, qu'il y a : « des points difficiles à comprendre (2 Pierre 3 v. 16) ». Il faut donc reconnaître cette difficulté d'interprétation qui explique, en partie, les diverses positions sur le voile. Ceci étant, on ne doit pas attendre de comprendre tout ce qui concerne une prescription biblique avant de commencer à la mettre en pratique. C'est notamment le cas du baptême (9).
Dans ce qui suit, nous essaierons toutefois de mettre en évidence ce qui semble le plus clair sur le port du voile, de façon abrégée, en vue d'une mise en pratique éclairée, tout en indiquant les zones d'incertitude.
5. Dans quelles circonstances doit-on porter le voile ?
Le passage de 1 Corinthiens 11 v. 2 à 16 montre que la question de se voiler ou non la tête est essentiellement en rapport avec la prise de parole, dans un contexte de prière à Dieu, ou de prophétie de la part de Dieu, devant des auditeurs (10). « Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef. Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef […] (v. 4 et 5) ».
Il en résulte que les hommes doivent se découvrir la tête avant de prier à voix haute en public. Porter un chapeau, une casquette, une toque ou toute autre forme de « couvre-chef » déshonorerait le Christ, qui est leur chef (litt. leur tête). Cette coutume ancienne a heureusement été conservée de nos jours dans les communautés évangéliques, bien que ceux qui la pratiquent en ignorent souvent l'origine biblique et le sens spirituel.
À l'inverse, lorsqu'une femme prie Dieu à voix haute ou prend la parole (prophétise) en présence d'hommes, elle doit avoir la tête voilée. La raison tient au fait que lors de la prière ou de la prophétie en public, la personne joue temporairement un rôle d'autorité spirituelle, en étant à ce moment un canal de communication entre Dieu et les hommes, les auditeurs donnant ensuite leur assentiment (ou non) par le « Amen ! ».
Le port du voile montre devant Dieu le Père, Christ, les humains et les anges, que la femme ne veut pas alors usurper le rôle général d'autorité de l'homme, mais simplement exercer ses dons au moment approprié et de façon appropriée. Évidemment, l'attitude de cœur doit suivre (11).
6. Dans que type de réunion porter le voile ?
En fonction du contexte des chapitre 11 à 14 de 1 Corinthiens, et notamment le v. 11 à 17, certains considèrent que le port du voile concerne uniquement des réunions de l'Église locale entière, particulièrement en relation avec le Repas du Seigneur : « En donnant cet avertissement, ce que je ne loue point, c'est que vous vous assemblez, non pour devenir meilleurs, mais pour devenir pires (1 Corinthiens 11 v. 17) ».
D'autres considèrent que les prescriptions sur le voile s'appliquent plutôt aux petites réunions de chrétiens réunissant à la fois des hommes et des femmes, comme des réunions de prière, des rencontres maison, voire même lorsqu'un couple chrétien prie ensemble à la maison. En effet, dans les réunions de l'« Église entière », Paul précise que les femmes ne doivent pas y prophétiser, pas même y prendre la parole (1 Corinthiens 14 v. 23 et 34).
Il y a donc une zone d'incertitude. Ceci dit, la femme reste libre de porter un voile même si elle demeure dans le silence (12).
7. Autres zones d'incertitude…
D'autres questions d'application posent également de véritables casse-têtes au niveau de la pratique ! En voici quelques-unes :
• Si la femme ne prend pas la parole dans la grande assemblée, sinon pour chanter des cantiques à l'unisson avec les autres chrétiens, doit-elle se voiler ?
• Qu'en est-il d'une chrétienne qui chanterait un chant en solo pour l'édification de l'assemblée ? Ou lors d'une activité d'évangélisation (13) ?
• S'il n'y a que des femmes dans un groupe de prière, doivent-elles se voiler à cause des anges ?
• La monitrice d'école du dimanche doit-elle se voiler lorsqu'elle prie devant sa classe (qui comprend des garçons d'âge mineur) ?
• Comment le voile doit-il se porter ? Quel genre de couvre-chef est approprié ?
• L'homme a-t-il la liberté de porter un couvre-chef lors d'un culte d'adoration s'il n'y prend pas la parole ?
• Etc.
Il faut ici garder un équilibre entre l'importance d'observer le commandement apostolique sur le voile, et le danger que ce sujet ne devienne l'objet de discussions sans fin. C'est pourquoi, les anciens et/ou pasteurs d'une Église doivent présenter certaines règles d'application générales, au meilleur de leur connaissance, et les expliquer, tout en rappelant qu'il existe des zones d'incertitude.
Chaque chrétienne et chaque chrétien a aussi la responsabilité personnelle d'essayer de comprendre cet enseignement, en vue d'avoir une bonne conscience devant Dieu et d'agir par conviction, peu importe la position qu'elle (ou il) adopte en définitive sur le voile.
8. Le voile, n'est-ce pas simplement les cheveux longs de la femme ?
Cette interprétation a été retenue par plusieurs croyants, et justifie selon eux qu'il n'est pas nécessaire que la femme porte un voile, un chapeau ou tout autre couvre-chef. Cependant, cette interprétation n'est pas cohérente avec le texte. En effet, le v. 6 implique qu'une femme peut dans les faits avoir les cheveux longs, sans pour autant être voilée : « [… ] si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux (14) ».
Il s'ensuit que la chevelure de la femme, bien qu'étant un certain voile (litt. « habit » au v. 15), n'est pas celui dont il est principalement question dans ce chapitre 11. Le commentateur William MacDonald a justement dit à ce propos : « Si l'on ne discerne pas deux types de voiles dans ce chapitre, celui-ci reste désespérément confus (15) ».
Le parallèle et le contraste entre le voile et la chevelure de la femme pourraient s'exprimer de la façon suivante :
• Les cheveux longs de la femme qui couvrent (voilent) sa tête (son crâne) sont un élément majeur de sa beauté féminine, voulu par Dieu, et qu'elle chérit, c'est sa gloire (16) ;
• Lorsqu'elle porte un couvre-chef en priant, elle couvre non seulement sa tête (siège de la volonté et de l'autorité), en signe de soumission volontaire, mais elle couvre aussi ses cheveux (sa gloire naturelle) ;
• La gloire qu'elle tire de ses cheveux est alors momentanément cachée (voilée), ce qui permet aussi que sa gloire naturelle ne porte pas ombrage à celle de l'homme (17) ;
• Par ailleurs, dans le domaine de la vie courante, et de façon générale, une femme qui sans raison aurait la tête complètement rasée pourrait éprouver un sentiment de honte en ce qui concerne sa tête (au sens propre) ;
• De plus, en priant ou en prophétisant devant des hommes ou son mari (sa tête au sens figuré ), sans se voiler la tête (au sens propre), la femme ferait éprouver aux hommes un sentiment de manque de respect qui leur ferait honte. En effet, cela équivaudrait symboliquement à nier l'autorité de l'homme sur la femme, autorité bienveillante voulue par Dieu, lors de la création.
On peut ensuite comprendre plus facilement l'argument « par l'absurde » de Paul, aux v. 6 et 7, en paraphrasant ainsi : Si une femme décide de faire honte à sa tête (l'homme, au sens figuré), en ne portant pas le voile au moment approprié, qu'elle soit logique avec elle-même et fasse également honte à sa tête (au sens propre) en se faisant raser les cheveux. Évidemment, l'apôtre ne voulait pas faire la promotion de se raser les cheveux, c'était uniquement à des fins rhétoriques !
9. La question du voile n'est-elle pas d'abord une affaire de conscience et de choix personnel ?
Le thème de la liberté et des droits individuels est abordé à plusieurs reprises dans 1 Corinthiens, car les Corinthiens en faisaient un mauvais usage, notamment dans le cas du voile. Le sujet de la liberté chrétienne est aussi traité en détails dans Romains 14 où Paul fait allusion à des pratiques qui ne sont ni prescrites ni interdites dans la nouvelle alliance, comme l'observance de jours sacrés (p. ex. : le sabbat) et la consommation de vin ou de viande (qui provenait souvent d'animaux abattus selon des rites païens (18) ). Il y a alors une zone de liberté et chacun doit agir selon sa conscience, sinon il pèche devant Dieu (v. 23).
Par contre, lorsque des prescriptions sont clairement établies par Jésus ou les apôtres, par exemple l'ordonnance de pratiquer des gestes symboliques simples, comme le baptême, le repas du Seigneur ou le port du voile, il n'est pas question d'un domaine de liberté (la liberté d'en faire abstraction (19) ).
Bien que le Seigneur nous donne dans les faits la possibilité de ne pas toujours lui obéir, ce n'est certes pas de cette liberté dont il est question dans Romains 14. Ce genre de liberté ne glorifie jamais Dieu devant les hommes et les anges et ne contribue pas à l'édification d'autrui. Et si nous ne sommes pas fidèles dans les petites choses, comme par exemple le voile, le Seigneur Jésus voudra-t-il nous en confier de plus grandes?
En conclusion...
Le port du voile est malheureusement devenu un sujet presque tabou et une pratique marginalisée dans les Églises évangéliques en Occident. On pourrait dire sans trop se tromper qu'en pratique « la règle est devenue l'exception » et « l'exception est devenue la règle ».
Bien qu'il existe certaines zones d'incertitude quant à l'interprétation du texte biblique sur le voile, on a pu voir que la prescription est universelle et demeure donc valable à notre époque. Le sujet doit donc être enseigné par les responsables d'Églises, car l'apôtre a dit à propos du voile : « Je veux cependant que vous sachiez…(1 Corinthiens 11 v. 3) ».
Quant à la femme chrétienne, en acceptant de porter le voile au moment approprié, lors de la prière ou de la prophétie, au meilleur de sa connaissance, et en bonne conscience, elle se soumet d'abord au Seigneur qui la bénira en retour. Ce faisant, elle enverra symboliquement aux hommes un message de respect qui les exhortera aussi à prendre à cœur leur responsabilité de leaders et à être à leur tour soumis aux diverses autorités.
Elle enseignera également par son exemple les autres femmes à entrer volontairement dans leur rôle glorieux d'adoratrices, d'épouses, d'aides, de mères, de sœurs, et plus encore ! (20). Ces rôles, Dieu les a voulus pour les femmes depuis le début de la présente Création, sans entacher leur égalité fondamentale avec les hommes, en valeur et en dignité. Cependant, bientôt nous l'espérons, à la résurrection des croyants, lors du retour du Seigneur, nos corps seront complètement transformés. Les rapports entre les hommes et les femmes seront également changés et rendus parfaits, enfin, selon l'ordre de la Nouvelle Création (Luc 20 v. 35 et 36).
Notes explicatives.
1. Dans 1Corinthiens, la prophétie est l'exercice d'un don spirituel où un chrétien, sous la conduite de l'Esprit, communique à d'autres une vérité qui est utile pour la circonstance présente. Elle vise à édifier, exhorter et consoler (14 v. 3). Les prophéties doivent être examinées (14 v. 29) pour s'assurer qu'elles sont conformes à la foi chrétienne apostolique (Romains 12 v. 6). Il en va de même de l'enseignement en général et de la prière en Église, ils doivent être conformes à la foi.
2. Le texte grec dit littéralement « une autorité ». Selon certains auteurs, ce ne serait pas « l'autorité dont elle dépend » (l'homme) mais sa propre autorité en tant que femme créée à l'image de Dieu. Cependant, le contexte du chapitre 11 indique déjà que l'homme est une autorité sur la femme, tout comme Dieu (le Père) est une autorité sur Christ (le Fils), car il en est le chef (litt. « la tête »). Dans 1 Corinthiens 7 v. 4, Paul mentionne que la femme a autorité sur le corps de son mari, en ce qui a trait à la relation conjugale, et vice-versa. Mais ce n'est pas le type d'autorité dont il est question par la suite dans 1 Corinthiens 11.
3. La structure du texte suggère que ce serait lié au fait que « la femme est la gloire de l'homme » (v. 7). On peut aussi penser que cette marque de reconnaissance de l'autorité de l'homme, dans l'Église, et devant les anges, contraste avec l'attitude funeste de Ève, en Éden (Genèse 3 ; 1 Timothée 2 v. 14).
4. Il semble que le port du voile chez la femme en public était répandu chez différents peuples de l'Antiquité. Ce serait donc logiquement le prolongement d'une tradition ancestrale commune. Elle serait ici restaurée par Paul, par révélation spéciale, en retrouvant le sens et la portée originels (en lien avec la prière et la prophétie). Il est alors approprié pour l'apôtre de faire appel à la culture ambiante, dans ce qu'elle a de valable, pour justifier un principe universel et intemporel. Dans 1 Cor 9 v. 7 à 10, Paul utilisera également une question rhétorique, faisant appel au sens commun, pour justifier une prescription biblique (le soutien financier des évangélistes).
5. L'apôtre Paul joue souvent sur les sens propres et figurés de certains mots, comme ici avec le mot grec « kephale » qui selon le contexte signifie « tête », au sens propre, ou chef (autorité) au sens figuré. Cette richesse du langage implique par contre des difficultés supplémentaires pour les traducteurs et lecteurs de la Bible ! Quelques auteurs enseignent que le mot kephale ne signifierait pas « chef », mais « source » ou « origine ». Mais le réputé théologien D.A. Carson a démontré que cette interprétation n'est valable que pour les textes plus anciens écrits en grec classique, et non pour les textes néotestamentaires écrits plus tard dans un grec différent (grec hellénistique). Cf. Erreurs d'exégèse, Publications chrétiennes, 2012, p. 36.
6. L'Écriture enseigne que les hommes doivent être soumis aux gouverneurs et aux magistrats de façon générale, et ne pas être médisants envers eux (1 Timothée 2 v. 8 ; 1 Pierre 2 v. 13 et 14). En effet, le principe de l'autorité civile vient de Dieu, même si dans le temps présent cette autorité est affectée par le péché, comme nous tous. Les hommes doivent aussi être soumis aux anciens de l'Assemblée 1 Pierre 5 v. 5 et à leur épouse au plan de la relation conjugale (1 Corinthiens 7 v. 4). Les enfants doivent pour leur part être soumis à leur père et à leur mère (autorité parentale). La soumission à une autorité humaine n'est toutefois jamais absolue lorsqu'elle viole les commandements de Dieu qui est l'autorité suprême (Actes 4 v. 19 et 20).
7. Jésus-Christ a choisi des hommes comme apôtres, non par conformisme avec son époque, et encore moins par souci de rectitude politique, mais en raison de la question de l'autorité, selon le plan créationnel originel. Les anciens/ pasteurs d'Églises néotestamentaires étaient aussi toujours des hommes.
8. L'Église et la façon de s'y comporter représentait, et représente encore, la « colonne et l'appui de la vérité » dans un monde qui a perdu ses repères (1 Timothée 3 v. 15).
9. En Actes 8 v. 36 à 38, pour se faire baptiser par Philippe, le haut-fonctionnaire éthiopien n'a pas eu besoin de connaître toute la symbolique du baptême. Le baptême était d'abord une question d'obéissance à un ordre du Seigneur, transmis par les apôtres.
10. Il peut s'agir notamment d'une prière d'intercession à Dieu, pour d'autres personnes, ou d'adoration à Dieu. Voir la note 1 pour ce qui concerne la prophétie.
11. Une attitude autoritaire de la femme envers les hommes n'est pas permise (1 Timothée 2 v. 12).
12. Malheureusement, dans la majorité des Églises évangéliques nord-américaines, si une chrétienne désire porter le voile elle sentira sur elle une énorme pression à ne pas le faire, par conformisme. C'est très dommage que sous prétexte de libérer la femme chrétienne on lui enlève implicitement sa liberté de porter le voile si elle désire le faire par motif de conscience.
13. Un chant est souvent une prière de louange adressée à Dieu, devant des auditeurs, ou une exhortation directe aux auditeurs.
14. Le v. 7 mentionne en outre que : « L'homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme ». Or, l'homme ne peut successivement enlever puis remettre sa chevelure (même courte) comme voile sur sa tête, selon qu'il prie ou non.
15. Le commentaire biblique du disciple, N.-T. , éditeurs La joie de l'Éternel.
16. Bien que maintenant en Occident les femmes portent souvent les cheveux courts, et quelques fois rasés, les cheveux longs demeurent le choix le plus fréquent (la « norme ») et un élément majeur de la beauté féminine. Il n'y a qu'à regarder les publicités pour le constater.
17. Les v. 7 à 9 laissent également entendre qu'une des raisons pourquoi la femme doit se voiler (lors de la prière) tient au fait qu'elle est « la gloire de l'homme ».
18. Les sacrifices animaux sont encore pratiqués par plusieurs groupes ethniques. En Occident, des animaux sont par ailleurs abattus selon des rites religieux. Les viandes Halal ou Kasher sont les cas les plus connus.
19. Une zone de liberté s'applique cependant dans certains détails d'application qui sont incertains, comme ceux mentionnés dans les sections 6 à 7.
20. C'est par la maternité d'une femme que le Fils de Dieu est devenu un humain. De nombreuses femmes ont figuré parmi les premiers disciples du Christ. Ce sont des femmes qui ont été les premiers témoins de la résurrection du Christ, avant les apôtres. Des femmes ont aussi été prophétesses (Actes 21 v. 9), proches collaboratrices de l'apôtre Paul (Philippiens 4 v.2 et 3) et aussi diaconesses dans les Églises locales (Romains 16 v. 1).
Un message de Marc Hébert
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