
3. Il marcha avec Dieu
Chap: 3 - Vivre la véritable communion par la croix - Aujourd’hui, je voudrais continuer à parler de la croix – elle reste centrale – mais sous un aspect plus pratique.
Je vous invite à ouvrir vos Bibles dans l’épître de Paul aux Galates, au chapitre 5. Nous allons lire à partir du verset 13 : « Frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement, ne faites pas de cette liberté un prétexte pour vivre selon la chair, mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres. Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne soyez détruits les uns par les autres. Je dis donc : marchez selon l’Esprit, et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit en a de contraires à ceux de la chair ; ils sont opposés entre eux, afin que vous ne fassiez point ce que vous voudriez. Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes point sous la loi. Or, les œuvres de la chair sont manifestes : ce sont l’impudicité, l’impureté, la dissolution, l’idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table et toutes choses semblables.
Je vous dis d’avance, comme je l’ai déjà dit, que ceux qui commettent de telles choses n’hériteront point du royaume de Dieu. Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur, la tempérance ; la loi n’est pas contre ces choses. Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi selon l’Esprit. Ne cherchons pas une vaine gloire en nous provoquant les uns les autres et en nous portant envie les uns aux autres.
Frères, si un homme vient à être surpris en quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur ; prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté. Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. Si quelqu’un pense être quelque chose, alors qu’il n’est rien, il s’abuse lui-même. Que chacun examine ses propres œuvres, et alors il aura sujet de se glorifier pour lui seul, et non par rapport à autrui ; car chacun portera son propre fardeau ».
Lisons maintenant un deuxième passage, toujours dans l’épître aux Galates, au chapitre 2, à partir du verset 15 : « Nous, qui sommes Juifs de naissance et non pécheurs d’entre les païens, néanmoins, sachant que ce n’est pas par les œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ, nous aussi, nous avons cru en Jésus-Christ afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi.
Mais tandis que nous cherchons à être justifiés en Christ, si nous étions nous-mêmes trouvés pécheurs, Christ serait-Il un ministre du péché ? Loin de là ! Car si je rebâtis les choses que j’ai détruites, je me constitue moi-même transgresseur. Car c’est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu. J’ai été crucifié avec Christ ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi. Si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi. Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si la justice s’obtient par la loi, Christ est donc mort en vain ».
Enfin, faisons une troisième lecture dans l’épître aux Colossiens, au chapitre 2, à partir du verset 13 : « Vous étiez morts par vos offenses et par l’incirconcision de votre chair ; Il vous a rendus à la vie avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos offenses. Il a effacé l’acte dont les ordonnances nous condamnaient et qui subsistait contre nous, et Il l’a détruit en le clouant à la croix.
Il a dépouillé les dominations et les autorités, Il les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d’elles par la croix. Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune ou des shabbats ; c’était l’ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. Qu’aucun homme, sous une apparence d’humilité et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tandis qu’il s’abandonne à des visions et qu’il est enflé d’un vain orgueil par ses pensées charnelles, sans s’attacher au Chef, dont tout le corps, assisté et solidement assemblé par les jointures et les liens, tire l’accroissement que Dieu lui donne ».
Précédemment, nous avons partagé ensemble le thème central de la croix. Nous avions expliqué que la croix pouvait devenir une idole pour nous, dès lors qu’elle détournait le regard de nos frères de Jésus pour le tourner vers nous-même, qui subissons la croix, en disant : « Voyez comme je suis saint, comme je fais les bonnes choses ! » Aujourd’hui, je voudrais continuer à parler de la croix – elle reste centrale – mais sous un aspect plus pratique. Nous avons dit lors des dernières méditations que le but de la croix est de nous faire ressembler à Christ. C’est son objectif : nous dépouiller de nous-mêmes pour que nous puissions vivre comme Christ. Si Christ a accompli la loi, et que nous Lui ressemblons, alors nous accomplirons la loi, bien entendu.
Paul explique clairement, dans le chapitre 5 des Galates, ce que sont les œuvres de la chair : l’impudicité, le meurtre, et toutes ces choses-là. On pourrait se dire : « Moi, ça va, je n’ai pas encore tué, je ne suis pas un ivrogne, je ne suis pas dans ces dispositions, donc ça va aller ! » Mais tout à coup, Paul aborde des thèmes qui nous touchent plus directement : les disputes, les discordes, les querelles, les jalousies, les envies. Tout cela, c’est de la chair. Et Paul ajoute : « Je vous le dis, ceux qui pratiquent ces choses n’entreront pas dans le royaume de Dieu ».
On n’a peut-être pas tué, on n’est peut-être pas ivrogne ou impudique, mais qui n’a jamais été en désaccord avec quelqu’un ? Qui n’a jamais eu des envies contraires au cœur de Dieu ? Qui n’a jamais été jaloux de son prochain, ou querelleur, ou divisé ?
Je parle ici du monde chrétien. Rien qu’à voir le nombre de dénominations et de « chapelles », on devrait avoir un peu honte. Nous montrons du doigt les sectes, les querelles, les envies, les jalousies… Mais qu’en est-il dans les églises Évangéliques ? On se dit : « Mais attends, c’est impossible, nous sommes tous concernés par au moins l’un de ces cas ! »
Le monde religieux a ceci de particulier, il défend un absolu. Les querelles et divisions y sont d’autant plus fortes. Vous aurez ceux qui disent : « Nous ne sommes plus sous la loi, elle est abolie en Christ ! » – je ne sais pas où ils ont lu ce texte, car la loi n’est certainement pas abolie en Christ. Jésus est venu l’accomplir, pas l’abolir ; Il le dit Lui-même : « Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l’accomplir » (Matthieu 5 v. 17).
Quand certains affirment : « La loi a pris fin en Jésus-Christ ! », non, elle a trouvé son aboutissement en Christ, ce n’est pas la même chose. À ceux qui me jettent constamment au « visage » : « C’est la grâce, c’est la grâce ! » je dis : non. Si la loi était abolie, comme certains le prêchent, cela signifierait que la parole de Jésus s’est accomplie dans le sens où la Torah aurait disparu. Or Jésus a dit : « Pas une lettre, pas un trait de lettre de la loi ne disparaîtra, tant que le ciel et la terre subsisteront » (Matthieu 5 v. 18). Les cieux et la terre subsistent-ils encore ? Oui, visiblement, nous y sommes toujours. Donc, la Torah n’est pas passée, la loi n’est pas abolie, elle est toujours là.
Mais ceux qui veulent vivre entièrement sous la loi me diront : « Tu vois, il nous faut respecter les shabbats, les fêtes juives, les 613 commandements ! » Que dit Paul ? Attendez : la loi annoncée au peuple d’Israël, peuple choisi, ce sont des ombres de ce qui devait arriver en Jésus-Christ. Si on prend les fêtes juives, le shabbat, la vie même du tabernacle, tout correspond à ce que Christ est, et à ce qu’Il a accompli. Est-ce que je porte un jugement sur ceux qui veulent respecter la « cacheroute », le « shabbat » ou les fêtes juives ? Non. S’ils veulent le faire, il n’y a aucun problème. Seulement, ils n’obtiendront pas quelque chose de plus par rapport à celui qui ne le fait pas, car tout est en Christ.
Prenons l’exemple du shabbat, souvent mis en avant. « Shabbat » est traduit par « repos », mais littéralement, cela signifie « cessation ». Le septième jour, Dieu a cessé sa création – pas parce qu’Il était fatigué.
La Bible dit qu’Il ne se fatigue pas (Ésaïe 40 v. 28), mais pour laisser la place à l’homme d’agir dans cette création. Il avait dit à l’homme : « Croissez, multipliez, cultivez le jardin » (Genèse 1 v. 28). L’objectif était que l’homme poursuive cette œuvre de création, mandaté par Dieu.
Le shabbat n’est donc pas un simple repos, mais une cessation d’activité pour laisser la place à l’homme. Quand nous pratiquons le shabbat, nous cessons nos activités pour laisser la place à Dieu.
Mais en Jésus-Christ, c’est tous les jours le shabbat ! Quel est le principe du shabbat dans la vie d’un croyant ? C’est qu’en permanence, il cesse d’accomplir ses propres volontés, d’agir selon ses désirs, ses modalités ou celles du monde, ses propres pensées, pour laisser Dieu agir pour lui et à travers lui. Voilà ce qu’est le shabbat.
Jésus a dit : « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Matthieu 5 v. 17). Plus précisément, Il est venu apporter la bonne interprétation de la Torah. Les rabbins doivent interpréter la Torah pour l’appliquer à leur temps. Par exemple : « tu n’allumeras pas de feu le jour du shabbat » (Exode 35 v. 3). Un rabbin se demande : « Puis-je prendre ma voiture ? » Il répond : « Non, le moteur à explosion produit du feu, donc tu ne peux pas ! »
C’est une interprétation pour son époque. Autre exemple : la transfusion sanguine, qui n’existait pas du temps des patriarches, ni de Jésus. La Torah dit : « Tu ne consommeras pas de sang » (Lévitique 17 v. 12). Mais il y a des commandements lourds et légers. Le commandement lourd, c’est de défendre la vie ; le léger, c’est de ne pas consommer de sang. Si une transfusion sauve une vie, le commandement lourd prévaut, donc c’est permis. Jésus est venu apporter cette bonne interprétation.
Dans la tradition juive, les sages disent que lorsque Moïse est descendu de la montagne et a vu le veau d’or, il a jeté les tables de la loi, qui se sont brisées. Ces premières tables, selon eux, étaient la « loi du Messie ». Si le peuple les avait reçues sans idolâtrie, tous auraient été sacrificateurs et fidèles à Dieu, car c’était la bonne transmission de la Torah. Mais à cause du péché, Moïse a dû remonter chercher une nouvelle loi – la même, mais avec des interprétations différentes, devenant un acte de condamnation pour les transgresseurs.
Paul dit aux Colossiens : « Nous étions sous l’acte d’accusation qui nous condamnait à mort ; Il l’a cloué à la croix » (Colossiens 2 v. 14). Pourquoi ? Parce que Jésus, en venant sur la croix, a rétabli les premières tables de la loi, effaçant le péché du veau d’or. Ainsi, les fêtes, les shabbats, les nouvelles lunes, la cacheroute, tout est accompli en Christ.
Nous, Évangéliques, héritons d’une culture issue du catholicisme, qui nous a séparés d’Israël, du judaïsme, de la culture juive et de la Torah.
À l’époque de Constantin et d’Augustin, c’était une guerre contre les Juifs : « Le shabbat ne sera pas le samedi, mais le dimanche ; Pâques ne sera pas au même moment que la Pâque juive ! » Les orthodoxes, les catholiques, les Juifs suivaient des calendriers différents, ce qui a engendré sectes, divisions, querelles, discordes. Aujourd’hui encore, celui qui respecte le shabbat ou les fêtes juives regarde celui qui ne le fait pas en disant : « Il n’a pas compris, il ne revient pas aux racines juives ! »
Et celui qui ne les respecte pas dit : « Il judaïse ! » Ne peut-on pas se retrouver tous en Jésus-Christ ? N’est-Il pas venu pour unir les enfants de Dieu issus des nations et le peuple juif choisi ? Pourquoi entrons-nous dans des querelles, des envies, pourquoi sortons-nous l’épée ? Tant que nous restons dans les divisions, les jalousies, nous ne sommes pas héritiers du royaume, c’est aussi clair que cela.
Qu’est-ce qui peut nous permettre de ne plus nous regarder comme des bêtes étranges ? Celui qui fait le shabbat a la liberté de le faire, surtout s’il est Juif de sang, issu du peuple d’Israël. Il peut respecter la « cacheroute », les fêtes, le shabbat, bien évidemment. Mais est-ce un problème ? Non. Le problème, c’est qu’un Juif ne doit pas manger avec un païen selon la loi, car la « cacheroute » et les prescriptions, visaient à séparer Israël des païens. Dieu voulait un peuple saint, séparé, qui ne puisse entrer dans la maison d’un païen, où il y avait idolâtrie, impureté, orgies, ivrognerie, débauche – comme chez les Romains. Un Juif ne pouvait évidemment pas s’unir aux païens, la loi de Moïse l’en empêchait. Mais Paul dit : « En Jésus-Christ, il n’y a ni Juif ni Grec, tous sont unis en Christ » (Galates 3 v. 28). Comment fait-on alors ?
Regardons juste avant le texte de Galates 2 que nous avons lu, à partir du verset 7 : « Au contraire, voyant que l’Évangile m’avait été confié pour les incirconcis, comme à Pierre pour les circoncis – car Celui qui a fait de Pierre l’apôtre des circoncis a aussi fait de moi l’apôtre des païens – et ayant reconnu la grâce qui m’avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d’association, afin que nous allions vers les païens, et eux vers les circoncis. Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu soin de faire. Mais lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible.
En effet, avant l’arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques – des Juifs de l’Église de Jérusalem – il mangeait avec les païens. Mais quand elles furent venues, il se retira et se tint à l’écart, par crainte des circoncis. Avec lui, les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, au point que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie. Voyant qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas en présence de tous : Si toi, qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser ? Nous, qui sommes Juifs de naissance et non pécheurs d’entre les païens… »
Et là, suit le texte que nous avons lu. Paul termine en disant : « J’ai été crucifié avec Christ ; ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». Voilà la solution au problème.
Si nous vivons la croix, si elle fait son œuvre en nous, toutes ces disputes, discordes et incompréhensions disparaissent. Pierre avait compris qu’en Jésus-Christ, il pouvait manger avec des païens, même si cela semblait transgresser la loi de Moïse et les commandements. Manger avec des païens, dans la culture orientale, signifie être en totale harmonie et communion avec eux. C’est pourquoi le saint repas est une communion dans la mort du Christ : nous sommes sur la même base, en accord les uns avec les autres.
Paul dit : « Si ton frère ne t’écoute pas, ni les anciens, ni l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen » (Matthieu 18 v. 17) – c’est-à-dire, ne mange pas avec lui, car il n’y a plus de communion s’il persiste dans le péché alors que tu veux suivre Christ. Pierre, lui, communiait avec des païens. Mais quand des Juifs arrivent, il se dit : « Ils vont me voir communier avec des païens, ils vont penser que je ne respecte pas les commandements, ils vont me juger ! » Alors, il se met à part : « moi, je ne mange pas avec des païens ! » C’est de l’hypocrisie.
Si nous mettons en avant nos différences – que l’on respecte ou non le shabbat – si nous calquons notre attitude sur ce que l’autre attend pour être accepté, nous tombons dans le piège. Avec certains, on respecte le shabbat ; avec des évangéliques du dimanche, on fait le dimanche. Nous mettons nos querelles et divisions en avant. Paul dit : « Ce sont des ombres ; en Jésus-Christ, c’est le corps » (Colossiens 2 v. 17).
Tout est en Christ : le shabbat, les fêtes juives, le tabernacle. On me rétorque : « Tu as dit que la Torah n’était pas abolie, il faut savoir ce que tu veux ! » Oui, et c’est pourquoi il faut vivre la croix. « J’ai été crucifié avec Christ » (Galates 2 v. 20).
Au chapitre 5, Paul dit : « Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions » (Galates 5 v. 24). Il parle à des chrétiens, des Galates, donc des païens, et dit : « Vous avez crucifié la chair ! » Aujourd’hui, on redécouvre cela comme une grande vérité : « Mourir à soi-même, qu’est-ce que ça veut dire ? » À l’époque, c’était une évidence. Paul arrivait chez les Galates en disant : « Puisque vous avez crucifié la chair, comment se fait-il que vous retourniez sous la loi ? » Nous, on agit comme si on découvrait la lune, alors qu’à l’époque des apôtres, c’était une base de vie.
J’ai le sentiment que dans nos Églises, nous considérons comme un but ce qui était au commencement de la marche chrétienne, au temps des apôtres. La Pentecôte, l’Esprit, c’était le point de départ de l’Église. Et nous, après 2000 ans de régression, nous redécouvrons la Pentecôte comme un objectif. Non, nous sommes à peine revenus au début de ce que l’Église devait être ! Et nous continuons à nous disputer.
Les païens n’ont jamais été soumis aux lois juives. Au temps du second Temple, il y avait les prosélytes, qui respectaient les sept lois noahides – appelés « guerim » en hébreu, « étrangers au milieu de toi ». S’ils respectaient ces lois, les rabbins les nommaient « fils de Noé », et ils avaient part au monde à venir, la vie éternelle, sans être pleinement Juifs, sans circoncision ni « cacheroute ». Paul va plus loin : en Jésus-Christ, la différence entre le prosélyte et le Juif de naissance est effacée : « Il n’y a ni Juif ni Grec » (Galates 3 v. 28). C’était une révolution : les païens ont le même statut que le Juif de naissance, car les murs de séparation ont été abattus en Christ.
Aujourd’hui, si un Juif me dit : « Je veux respecter la « cacheroute » et le shabbat ! », je réponds : « Très bien, au contraire ! » Je suis prêt à respecter le shabbat avec lui, à manger casher, à porter le talith, si cela ne heurte pas sa sensibilité. Mais ce n’est pas la condition du salut ni de la bénédiction de Dieu. Un Juif qui comprend la loi, notamment la règle d’or – « Ne fais pas à ton prochain ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » (reprise par Jésus, mais en positif : fais à ton prochain…) – dira :
« En Christ, je peux communier avec un païen, même si ce n’est pas casher ! » L’objectif : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » Si un Juif vient à ma table, je ne vais pas lui servir un rôti de porc, mais de l’agneau, pour respecter ses convictions et sa sensibilité. Où est le problème ? On se respecte les uns les autres. Cela ne me pose aucun souci de participer à un shabbat ou de porter le talith pour ne pas blesser mon frère – non pas parce que la règle l’exige, mais parce que la loi dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Pour Dieu, tout est accompli en Christ. Le shabbat, ce n’est ni le samedi ni le dimanche, c’est tous les jours : chaque jour, je renonce à moi-même pour laisser Dieu agir à travers moi en Jésus-Christ. Les fêtes juives ? Je n’ai pas besoin de demander une fois par an la rémission de mes péchés, car le sacrifice de Christ est éternel. Mais je dois toujours agir selon la sensibilité de mon frère, pour ne pas être une pierre d’achoppement, pour ne pas blesser son cœur ni son âme.
Voici une histoire que je vous ai déjà racontée : notre frère Jean-Marc Thobois, en Bretagne, où il y a peu de Juifs, connaissait un couple juif à Vannes. Un jour, ce couple l’a invité, lui et son épouse Irène, à manger chez eux. Jean-Marc Thobois était très honoré, car un Juif ne se lie pas facilement avec un païen. Ensuite, ils ont voulu rendre l’invitation, mais ils ont réalisé : « Chez nous, ce n’est pas casher ! »
Monsieur Thobois est allé voir ce frère juif et lui a dit : « On voudrait vous inviter, mais ce n’est pas casher chez nous. Comment faire ? »
Ils pensaient qu’il suffisait d’acheter de la nourriture casher, mais c’est plus complexe : même la vaisselle doit être casher, nettoyée selon des règles précises. Un rabbin a dit un jour à un chrétien qui voulait suivre le shabbat : « Vous n’y arriverez jamais, même nous, on n’y arrive pas, c’est très codifié ! » Mais ce Juif a eu une réponse merveilleuse, comprenant la règle d’or : « Le commandement de Moïse m’interdit d’entrer dans la maison d’un païen ou de manger à sa table. Mais le commandement lourd, c’est : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; à cause de cela, j’accepte ton invitation ! » Ils sont donc allés manger chez Jean-Marc Thobois. Il avait tout compris.
Et nous, chrétiens, que faisons-nous ? Nous continuons nos querelles. Elles semblent petites, immondes, face à cette leçon d’humilité. Pourtant, on persiste : « Moi, je ne peux pas parler à ce frère, il n’a pas encore compris… ! »
Certains mangent des viandes sacrifiées aux idoles sans cas de conscience, d’autres non, pour ne pas participer au « repas des démons » (1 Corinthiens 10 v. 21). Paul dit que certains ont la liberté de le faire, car tout est sanctifié en Christ ; d’autres, surtout les Juifs, refusent par conviction. On doit respecter cela. Sur les marchés, on ne savait pas toujours si la viande avait été sacrifiée aux idoles, ce qui posait problème. Alors, certains prenaient de la viande casher pour être sûrs. Mais si l’un exige que l’autre pense exactement comme lui, on commence à porter des paroles de malédiction : « S’il ne fait pas comme moi, qu’il soit anathème ! »
Jésus a résumé la loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain, qui est différent de toi, comme toi-même » (Luc 10 v. 27). « Aimez vos ennemis » (Matthieu 5 v. 44). Pourtant, on a tué pour cela, dressé des bûchers, versé des fleuves de sang au nom de la doxa.
Posons-nous la question devant Dieu : beaucoup auront la bouche fermée et seront honteux devant Lui, car ils n’auront pas assez aimé Dieu pour aimer leur prochain. La Bible dit : « Si tu dis que tu aimes Dieu et que tu as de la haine pour ton prochain, tu es un menteur » (1 Jean 4 v. 20).
Si Dieu vit en toi, tu ne peux qu’aimer ton prochain, même s’il est ton ennemi. Pour y arriver, il n’y a qu’une solution : mourir à nous-mêmes et laisser l’œuvre de la croix s’appliquer dans notre vie.
Je voudrais terminer sur un piège lié à l’œuvre de la croix. Un frère disait : « Si satan ne peut vous tirer en arrière, il vous poussera en avant ! » L’œuvre de la croix s’accomplit souvent par des épreuves, des circonstances contraires, difficiles, permises par Dieu ; afin de pratiquer la vie du Christ, que nous Lui donnions la possibilité d’agir. Quand une circonstance contraire survient, plutôt que de chercher une solution par nos propres forces, que faisons-nous ?
Nous faisons shabbat : nous cessons toute activité et disons : « Seigneur, agis. Je ne veux pas agir par mes forces, c’est toi qui agis. Je veux vivre par toi ! » Vivre la croix, c’est vivre le shabbat concrètement. Mais parfois, les épreuves sont dures à supporter. En Jésus-Christ, nous avons la grâce de vivre ce shabbat, de cesser le combat et la lutte permanente, laissant Dieu agir et lutter pour nous. Satan, lui, va toujours frapper là où ça fait mal : nos traumatismes d’enfance ou d’ailleurs.
Le danger, c’est de confondre l’œuvre de la croix avec l’apitoiement sur soi-même. L’objectif de la croix est de tourner nos regards vers Christ, de le laisser agir, d’être dans cet esprit de shabbat où notre cessation d’activité permet à Jésus d’agir à travers nous. Mais parfois, un traumatisme particulier – nous en avons tous – devient une excuse pour regarder à nous-mêmes. On le chérit, on se dit : « Puisque j’ai vécu ça, j’ai le droit de me comporter ainsi, d’être désagréable, de montrer ma souffrance aux autres. Regardez ce que j’ai subi enfant ou à tel moment ! Les autres doivent me comprendre ! »
Cela ne nie pas le traumatisme, qui est réel, mais c’est un traumatisme dont on n’a pas été libéré en Christ. On le confond avec l’œuvre de la croix. Ces personnes peuvent parler de la croix de manière juste, et on se dit : « Vu ce qu’elle vit, elle sait de quoi elle parle ! » Mais en creusant, on entend toujours : « Moi, j’ai vécu ça, les gens ne me comprennent pas, je suis comme ça, cela devient le « mur des lamentations ». Ce n’est pas l’œuvre de la croix.
La vraie croix, c’est : « J’étais emprisonné dans mes souffrances, et Christ m’a délivré. Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2 v. 20). « Regardez comme j’ai mal ! », ce n’est pas la croix, c’est une contrefaçon que satan nous vend. La vraie croix nous fait regarder à Christ ; la fausse nous fait regarder à nous-mêmes. La différence est là : dans la vraie croix, le « moi » disparaît en Jésus-Christ, qui accomplit tout : « J’ai la délivrance en Lui, je sais en qui j’ai cru, Il est ma paix, mon repos, ma sanctification, ma justice ! »
Mais si c’est « moi, j’ai vécu ça, regardez-moi souffrir, on ne me comprend pas ! », tout cela n’est pas la croix, bien que cela y ressemble. Attention au piège de la fausse croix, liée à la croix idolâtre : le « moi » veut prendre la place.
La vraie croix crucifie la chair et ses passions, comme Jacob frappé par l’ange au tendon, devenu boiteux, s’appuyant sur le bâton : qui représente le Seigneur Jésus-Christ !
Appliquons-nous à demander à Dieu de nous faire vivre pleinement la croix, pour être délivrés de nous-mêmes, afin que Christ vive en nous, et que nous soyons des hommes et des femmes qui aiment Dieu de toute leur âme, de toutes leurs forces, de toute leur pensée, et, par conséquent, leur prochain comme eux-mêmes.
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