Ce que c’est qu’un réveil religieux.1

Ce que c’est qu’un réveil religieux.1

L’expérience montre que dans l’état actuel du monde, la religion ne peut se propager avec quelque force et quelque étendue sans réveil. L’Église ne devrait pas admettre, l’idée qu’elle puisse se passer de réveil ; cette pensée est l’ennemie la plus prononcée des intérêts de Dieu.

« Ô Éternel ! Ranime ton œuvre dans le cours des années. Fais-la connaître dans le cours des années ; dans ta colère souviens-toi de tes compassions (Habacuc 3 v. 2) ». On suppose que le prophète Habacuc était contemporain de Jérémie, et que cette prophétie eut lieu dans la perspective de la captivité à Babylone. En vue des jugements qui s’avançaient rapidement contre la nation, l’âme du prophète était saisie d’une sorte d’agonie, et il s’écrie dans sa détresse : « Oh ! Seigneur, ranime ton œuvre ! » Comme s’il eût dit : « Oh ! Seigneur, accorde-nous que les jugements ne jettent pas Israël dans la désolation. Fais, au milieu de ces années solennelles et terribles, que tes jugements deviennent un moyen de ranimer parmi nous la religion. Dans ta colère, souviens-toi d’avoir compassion ». Telle est la pensée que nous désirons appliquer à notre état présent.

Au fond, la religion est, pour sa bonne part, l’œuvre de l’homme. Il y a là pour l’homme quelque chose à faire : II doit, lui, obéir à Dieu. Sans doute, c’est Dieu qui l’y porte, qui influence l’homme par son Esprit, à cause de la répugnance de celui-ci à faire le bien. Si cette influence de Dieu n’était pas nécessaire, et que les hommes fussent disposés d’eux-mêmes à obéir à Dieu, nous n’aurions pas de raison de nous écrier avec notre texte : « Seigneur, ranime ton œuvre ! » Mais il est certain que si Dieu n’interposait pas l’influence de son Esprit, il n’y aurait pas sur toute la terre un seul homme qui obéirait à la loi de Dieu.

Un réveil religieux suppose un assoupissement et une décadence qui ont précédé. Presque tout ce qu’il y a de religion dans le monde a été produit par des réveils. Dieu a jugé nécessaire de profiter de la faculté qu’ont les hommes d’être excités dans leurs sentiments pour produire chez eux un ébranlement presque toujours nécessaire pour les porter à l’obéissance. Les hommes sont tellement mous sur ce point-là, il y a tant d’objets qui détournent leur esprit de la religion et qui s’opposent aux influences de l’Évangile, qu’il est nécessaire d’exciter chez eux un mouvement qui sorte de l’ordinaire, jusqu’au point où l’ébranlement, semblable à la marée montante, emporte et balaie tous les obstacles.

Considérez l’histoire des Juifs, et vous verrez que Dieu, pour maintenir la religion parmi eux, se servait de certaines occasions particulières où le peuple se trouvait excité, et alors  retournait vers l’Éternel. Et même après un réveil semblable, il ne s’écoulait jamais beaucoup de temps avant que de nouvelles influences ennemies ramenassent le relâchement dans la religion, et la maintinssent dans ce triste état, jusqu’à ce que Dieu eût pour ainsi dire le temps de donner aux événements telle tournure qui produisait de nouvelles excitations, après lesquelles il répandait de nouveau son Esprit pour convertir les pécheurs ; puis recommençait l’action des influences ennemies, le relâchement rentrait dans les esprits, et la nation était engloutie dans le gouffre du luxe, de l’idolâtrie et de l’orgueil.

Il en est de même de l’Église chrétienne, elle a si peu de fermeté dans ses principes, de stabilité dans ses résolutions, qu’à moins d’une grande excitation elle recule bientôt dans le sentier du devoir, et elle cesse de s’occuper de l’avancement de la gloire de Dieu. Ainsi va le monde, et ainsi ira-t-il probablement jusqu’aux temps plus heureux que l’Écriture nous permet d’attendre ; jusque-là la religion n’avancera guère que par le moyen d’excitations périodiques et répétées.

Sans doute on a souvent cherché à s’en passer ; et plus d’un homme de bien même a supposé et suppose encore que le meilleur moyen de propager ou de maintenir la religion est de marcher uniformément d’un pas tranquille pour rassembler, sans bruit, les impies. Mais quelque spécieux que puisse paraître cet argument en théorie, les faits se chargent d’en démontrer la fausseté. Si l’Église était assez avancée dans la connaissance et avait assez de stabilité dans ses principes pour se tenir elle-même éveillée, alors la marche ci-dessus suffirait. Peut-être, à mesure que nous approchons d’un meilleur avenir, aurons-nous moins besoin de secousses périodiques. Un jour, sans doute, l’Église sera pleine de lumière et tout entière affermie dans des habitudes de piété et d’obéissance : Alors elle s’empara de l’esprit des enfants, et elle les cultivera pour Dieu ; alors ceux-ci ne seront plus entraînés par les torrents de la mondanité, de la mode et de l’avarice qui, jusqu’à présent, ont toujours englouti la piété de l’Église dès le moment où elle n’était plus extraordinairement excitée.

Et sans doute, on doit désirer vivement de voir l’Église ainsi affermie. Les excitants nuisent facilement à la santé ; trop longtemps prolongés, ils nous ôtent même les forces, et nous rendent incapables d’accomplir nos devoirs. Et si jamais la piété acquiert dans le monde une influence générale, il ne nous faudra plus de spasmes religieux. Alors on ne verra plus les chrétiens dormir la plus grande partie du temps, pour se réveiller de temps en temps, se frotter les yeux, faire un moment de vacarme et se rendormir ensuite de nouveau.

Alors les ministres pieux ne seront plus obligés de se tuer de peine, presque tout seuls, pour repousser le torrent d’influences mondaines qui revient toujours assaillir l’Église. Mais aussi longtemps que les choses iront comme à présent, ce sera antiphilosophique et absurde de vouloir ranimer la religion sans excitant. La foule d’agitations politiques et mondaines qui fatiguent la chrétienté sont toutes hostiles à la religion, et détournent l’esprit des intérêts éternels de l’âme. Ces agitations ne peuvent donc être balancées que par une excitation religieuse. Ceci est tout à la fois de la philosophie et de l’histoire.

Il est de même parfaitement improbable que la religion fasse jamais de progrès parmi les païens sans l’influence des réveils religieux. On essaie maintenant d’obtenir ces progrès par l’éducation et par d’autres moyens lents et graduels. Mais aussi longtemps que les lois de l’esprit humain resteront ce qu’elles sont, on n’arrivera pas au but par ce moyen. Il faut un ébranlement suffisant pour réveiller des forces morales assoupies, et pour faire reculer le flot de la dépravation du péché.

Et à proportion que nos contrées chrétiennes redeviennent semblables au paganisme, il est impossible à Dieu comme à l’homme d’avancer la religion sans quelque ébranlement. Tout ceci devient évident parce fait même, c’est que Dieu a toujours agi ainsi. Et ce n’est pas pour rien et sans raison qu’il le fait. Combien, par exemple, n’y en a-t-il pas qui savent qu’ils devraient être religieux, mais qui craignent de se convertir de peur que leurs compagnons de péché ne se moquent d’eux. Il y en a qui nourrissent des idoles dans leur cœur, d’autres renvoient la repentance jusqu’à ce qu’ils se soient établis solidement dans cette vie, ou qu’ils aient mis en sûreté quelque intérêt favori qu’ils ont dans ce inonde. Ces personnes ne poseront jamais leur fausse honte ou leurs projets ambitieux avant d’y être contraintes par quelque excitation qui les arrache pour ainsi dire à elles-mêmes.

Mais tout ceci n’était que de l’introduction ; je veux maintenant établir :

I. Ce que n’est pas un réveil religieux.

II. Ce qu’il est.

III. Les agents qui le produisent.

I. Un réveil religieux n’est pas un miracle.

1° On a généralement défini un miracle comme une intervention divine qui met de côté ou suspend les lois ordinaires de la nature. Or, dans ce sens, un réveil n’est pas un miracle, toutes les lois de la matière et de l’esprit restent en force.

2° Ce n’est pas non plus un miracle, d’après cette autre définition qui le représenterait comme une chose au-dessus des pouvoirs de la nature. Il n’y a rien dans la religion qui soit au-dessus des pouvoirs ordinaires de la nature : Elle ne consiste absolument que dans un juste exercice de ces pouvoirs : Rien de plus, rien de moins. Lorsque les hommes se convertissent ce n’est pas proprement qu’ils deviennent capables d’efforts dont ils étaient auparavant incapables, ils usent seulement d’une manière différente, et pour la gloire de Dieu, de forces qu’ils avaient déjà.

3° Enfin un réveil, dans aucun sens, n’est un miracle ou ne dépend d’un miracle : C’est le pur et simple résultat philosophique d’un bon usage que nous faisons de moyens établis par Dieu, comme tout autre effet, produit par l’emploi de certains moyens. Il peut y avoir ou n’y avoir pas de miracles parmi les causes qui ont agi auparavant. Les apôtres n’employaient des miracles que pour établir la divine autorité de leur commission, ou pour exciter l’attention. Mais le miracle n’était pas un réveil, il y avait une liaison entre ces deux choses, mais c’étaient deux choses.

J’ai dit qu’un réveil n’est que le résultat d’un bon usage des moyens convenables. Les moyens que Dieu a établis pour obtenir un réveil, ont naturellement une tendance à le produire. Sans cela Dieu ne les aurait pas ordonnés. Mais les moyens ne produiront pas le réveil sans la bénédiction de Dieu, nous le savons tous ; pas plus que sans cette même bénédiction des semailles ne produiront une récolte. Il nous est impossible de prouver que l’influence de Dieu pour produire un réveil est plus miraculeuse que celle qui est nécessaire pour produire une récolte. Qu’est-ce que c’est que ces lois de la nature d’après lesquelles on suppose que la semence produit des fruits ? Ce n’est autre chose que le moyen établi de Dieu à cet effet. Or, dans la Bible, la parole de Dieu est comparée à une semence, la prédication à l’action du semeur et le résultat à un champ couvert de blé. Dans les deux cas, les relations de cause à effet sont absolument les mêmes.

Je désire que vous soyez bien pénétrés de cette pensée, car il a longtemps régné l’idée que l’avancement de la religion a quelque chose de particulier, dont il ne faut pas juger par les règles ordinaires de cause et d’effet, ou en d’autres termes, qu’il n’y a pas de connexion entre les moyens et le résultat. Aucune doctrine n’est plus dangereuse que celle-là, pour la prospérité de l’Église, et aucune n’est plus absurde. Supposez qu’un homme allât prêcher ce principe parmi des fermiers ; qu’il allât dire que Dieu est souverain, qu’il ne leur donnera une moisson qu’au moment de son bon plaisir, et que, s’imaginer de labourer et de planter dans l’attente d’une récolte est une présomption, que c’est ôter l’ouvrage d’entre les mains de Dieu, empiéter sur sa souveraineté et marcher dans la force de l’homme ; qu’en un mot, il n’existe aucune liaison nécessaire entre les moyens qu’ils emploient et le résultat qu’ils veulent obtenir.

Supposez que les fermiers embrassent une pareille doctrine, et ne verrions-nous pas bientôt le monde mourir de faim ? C’est un résultat tout semblable que trouverait l’Église si elle se persuadait que l’avancement de la religion est un sujet mystérieux et insondable de la souveraine divinité qui n’a rien de commun avec les relations de cause et d’effet. Que dis-je ? On a longtemps pensé ainsi, et quels en sont les résultats ? Une génération après l’autre est allée se jeter en enfer. Oui, il n’y a aucun doute que des millions et des millions d’âmes sont tombées dans la damnation pendant que l’Église rêvait et attendait que Dieu sauvât toutes ces âmes sans se servir des moyens propres à cela ; et ce principe a été le moyen le plus puissant du diable pour perdre les âmes ! La liaison dont je parle est aussi claire en fait de religion que dans le cas du fermier et de sa graine.

Il y a dans le gouvernement de Dieu un fait qui est digne d’être généralement remarqué, et qu’on ne l’oublie jamais. C’est que les choses les plus utiles et les plus importantes sont celles qu’on obtient le plus aisément et le plus certainement par l’emploi des moyens convenables.

C’est là évidemment un principe général dans le gouvernement de Dieu. Toutes les nécessités de la vie, par exemple, s’obtiennent avec une certitude parfaite par l’usage des moyens les plus simples, les objets de luxe sont déjà plus difficiles à obtenir ; les moyens de se les procurer sont plus compliqués et moins assurés dans leurs résultats, tandis que les choses absolument nuisibles et vénéneuses, telles que l’alcool et autres choses semblables ne s’obtiennent souvent qu’en torturant la nature et en faisant usage d’une espèce de sorcellerie infernale pour se procurer cette abomination mortelle.

Ce principe a la même vérité dans le gouvernement des choses morales ; et comme les bénédictions spirituelles surpassent tout le reste en importance, nous devons nous attendre à ce qu’on les obtienne avec une grande certitude en usant des moyens convenables. Et je suis parfaitement convaincu que si les faits étaient bien connus, on trouverait que lorsque les moyens ont été employés convenablement, on a obtenu les bénédictions spirituelles avec plus de régularité que les temporelles.

II. Ce que c’est qu’un réveil.

Nous avons déjà dit que ce mot suppose que l’Église était tombée dans le relâchement, dans le sommeil. Le réveil consiste dans le retour à l’état contraire et dans la conversion des pécheurs.

1° Un réveil suppose toujours une conviction de péché de la part de l’Église.

Des hommes qui avaient précédemment professé la foi, ne peuvent se réveiller et recommencer à marcher convenablement dans le service de Dieu, sans qu’il y ait « de grandes considérations dans les cœurs ». Il faut que les sources du péché paraissent au grand jour. Souvent, dans un véritable réveil, on a vu les chrétiens amenés à de telles convictions, et éclairés sur leurs péchés d’une manière si vive, qu’ils désespéraient d’abord de la possibilité de leur réconciliation avec Dieu. Sans doute les choses ne vont pas toujours à ce point, mais un véritable réveil présente toujours de profondes convictions de péché, et souvent des tentations au désespoir.

2° Alors les chrétiens déchus sont amenés à la repentance.

Un réveil n’est autre chose qu’un retour à l’obéissance, envers Dieu. Comme dans le cas de la conversion d’un pécheur le premier pas est une profonde repentance qui brise le cœur, qui nous jette dans la poussière devant Dieu, avec une profonde humilité et en nous faisant abandonner le péché. (Apocalypse 2 v. 5)

3° Alors, la foi des chrétiens se renouvelle.

Pendant qu’ils sont dans leur état de déchéance, ils sont aveuglés sur la véritable condition du pécheur : Leurs cœurs sont durs comme le marbre ; les vérités de la Bible n’apparaissent que comme un songe ; ils admettent tout pour vrai : Leur conscience et leur jugement y donnent leur assentiment, mais leur foi ne voit pas les vérités saintes saillir en un effrayant relief et dans les brûlantes réalités de la vie éternelle. Quand ils entrent dans un réveil, au contraire, alors ils ne voient plus les hommes marcher comme des arbres, mais tontes choses leur apparaissent dans cette vive lumière qui renouvelle l’amour de Dieu dans leurs cœurs.

Alors ils se sentent portés à travailler avec zèle pour amener d’autres âmes à Dieu. Ils s’affligent de ce que les hommes n’aiment pas leur Père céleste, tandis qu’ils ont appris eux-mêmes à l’aimer tant. Ils emploieront les instances les plus tendres pour persuader à leurs alentours de donner leur cœur à Jésus. C’est ainsi que se ranimera leur amour pour tous les hommes ; ils seront remplis d’une charité tendre et ardente pour les âmes. Ils soupireront après le salut du monde entier. Ils seront en agonie pour tels ou tels individus qu’ils voudraient voir sauvés, pour des amis, des parents, des ennemis. Non-seulement ils les presseront de donner leurs cœurs à Dieu, mais ils les porteront à Dieu dans les bras de la foi ; ils supplieront l’Éternel avec des cris et des larmes, d’avoir pitié d’eux et de sauver leurs âmes des flammes éternelles.

4° Un réveil brise le pouvoir du monde et du péché sur les chrétiens.

Il les transporte sur un terrain si avantageux qu’ils y prennent un nouvel élan vers le ciel ; ils ont de nouveaux avant-goûts de la gloire future, un nouveau désir de s’unir à Dieu : Le charme du monde est détruit, et le pouvoir du péché abattu.

5° Lorsque les églises sont ainsi réveillées et réformées, elles obtiennent la réforme et le salut des pécheurs.

Ils passent alors en grand nombre par les mêmes états de conviction, de repentance et d’amendement ; leurs cœurs se brisent et changent ; ces merveilles se passent souvent chez les libertins les plus abandonnés : Des femmes de mauvaise vie, des ivrognes et des impies, toutes sortes d’individus dépravés se réveillent et se convertissent. Les portions les plus corrompues de la société s’adoucissent et s’apprivoisent, et apparaissent comme d’aimables échantillons de la beauté d’un cœur sanctifié. (1)

Tel fut le cas en particulier des réveils qui eurent lieu du vivant du célèbre président Edwards. On voit dans le Faithful Narrative (Récit fidèle, etc), que parmi les premiers convertis, se trouvait une femme de mauvaise vie, et que sa conversion, après avoir excité l’indignation de plusieurs personnes morales et vertueuses, devint ensuite l’instrument visible de leur conversion).

III. Nous considérerons premièrement les agents qui produisent un réveil.

Ordinairement l’œuvre de la conversion présente trois agents et un seul instrument. Les agents sont : Dieu, quelques personnes qui présentent la vérité aux pécheurs, et le pécheur lui-même. L’instrument est la vérité. Dans tous les cas, une conversion véritable présente deux agents actifs : Dieu et le pécheur.

1° L’action de Dieu est double : Par sa providence et par son Esprit.

a. Par le gouvernement de sa Providence, Dieu dispose les événements de manière à mettre sa vérité en contact avec l’âme du pécheur. Il amène celui-ci dans le lieu où l’occasion, où la vérité frappe ses yeux ou ses oreilles. Il est souvent bien intéressant de suivre la marche des événements dont Dieu s’est servi pour arriver à son but et comment il fait quelquefois concourir toutes choses à favoriser un réveil. Souvent le beau ou le mauvais temps, la santé publique ou d’autres circonstances aussi peu religieuses, concourent précisément à favoriser la prédication de la vérité.

Souvent il envoie un ministre juste à l’époque où il sera le plus utile. Souvent Dieu fait annoncer une vérité précisément au moment où l’individu qu’elle doit atteindre est là pour l’entendre.

b. Il y a une action spéciale de Dieu au moyen de son Saint-Esprit. Comme il a un accès direct à l’âme, et qu’il connaît infiniment bien toute l’histoire et toutes les dispositions de chaque pécheur en particulier, il emploie celle des vérités qui est le mieux adaptée à son cas spécial, et la fait ensuite pénétrer avec un pouvoir divin. Il lui donne une telle vivacité, une telle force, une telle puissance, que le pécheur se rend, pose les armes de la rébellion, et se tourne vers son Seigneur.

Sous cette influence, la vérité se taille un chemin comme pourrait le faire la flamme. La vérité se dresse alors avec une telle grandeur, qu’elle écrase l’homme le plus orgueilleux, comme sous le poids d’une montagne.

Si les hommes étaient naturellement disposés à obéir Dieu, la vérité, telle qu’elle est dans la Bible, serait suffisamment claire, et la prédication pourrait leur en apprendre tout ce qui leur est nécessaire, mais comme ils répugnent naturellement à lui obéir, Dieu l’entoure d’un éclat particulier et jette souvent dans l’âme un torrent de lumière auquel le pécheur ne peut plus résister. Alors il cède, il obéit à Dieu, et il est sauvé.

2° L’action de l’homme se joint habituellement à celle de Dieu.

Les hommes ne sont pas dans la main du Seigneur de simples instruments : C’est la vérité qui en est un ; mais le prédicateur est un agent moral ; il n’est pas passif, il agit volontairement en travaillant à la conversion des pécheurs.

3° Il y a encore, dans un réveil, l’action du pécheur lui-même. C’est lui qui doit obéir à la vérité.

Il est donc impossible qu’il se convertisse sans agir pour sa part. Il est influencé en cela par l’action de Dieu et par celle des hommes. Ceux-ci agissent sur leurs semblables non-seulement par leur langage, mais par leurs regards, leurs larmes, leur conduite journalière. Voyez cet homme impénitent qui a une femme pieuse : Son coup-d’œil, sa tendresse, sa dignité à la fois pleine de solennité et de compassion, moulées sur le divin modèle de Christ sont pour lui un sermon continuel. Il est tenté d’en détourner son attention, parce que c’est pour lui un reproche ; mais il entend pendant tout le jour un sermon résonner à ses oreilles.

Les hommes sont accoutumés de lire dans les regards de leurs semblables : Souvent les pécheurs lisent dans les yeux d’un chrétien l’état réel de son âme ; s’ils sont pleins de légèreté, ou d’une inquiétude et d’une activité mondaines, les pécheurs s’en aperçoivent : ils voient également si les chrétiens sont pleins de l’Esprit de Dieu, et souvent ils ont été amenés à la conviction par la seule vue d’un homme vraiment pieux. Voici un trait de ce genre.

Un individu vint un jour visiter les machines d’une manufacture : Il était dans des dispositions solennelles, parce qu’il avait été témoin d’un réveil. Les ouvriers le connaissaient tous de vue et savaient qui il était. L’une des ouvrières, après avoir jeté les yeux sur lui, chuchota à sa camarade quelque folie et se mit à rire, mais le visiteur s’arrêta et la regarda avec un sentiment douloureux.

Elle, à son tour, s’arrêta aussi, rompit son fil et se trouva si agitée, qu’elle ne put le renouer. Elle se mit un moment à la fenêtre, comme pour se calmer, puis essaya de nouveau de se remettre à l’ouvrage et de reprendre sa contenance accoutumée. A la fin elle s’assit, accablée par ses sentiments, alors le visiteur s’en approcha et lui parla ; et elle manifesta bientôt une profonde conviction de péché : Ce sentiment se répandit dans toute la manufacture comme un feu, et en peu d’heures, presque chaque personne employée dans l’établissement se trouva sous la même impression, tellement, que les propriétaires, quoique gens du monde, furent étonnés et demandèrent qu’on arrêtât l’ouvrage et qu’on tînt une assemblée de prière ; car, dirent-ils, il importe beaucoup plus de voir tous ces gens se convertir, que d’avancer l’ouvrage.

En peu de jours, les maîtres eux-mêmes et presque chaque employé de l’établissement présentèrent tous les symptômes d’une conversion réelle. C’est ainsi que le regard d’un individu, son air solennel, sa compassion, furent un reproche pour la légèreté de cette jeune fille, l’amenèrent à la conviction du péché et que tout un réveil résulta, en grande mesure du moins d’un incident aussi petit.

Si les chrétiens éprouvent eux-mêmes au sujet de la religion des sentiments profonds, ils produiront ces mêmes sentiments partout où ils se présenteront. Si au contraire ils sont froids, ou légers, ou folâtres, ils détruiront inévitablement toute impression profonde, même chez les pécheurs déjà réveillés. J’ai vu une fois une femme qui était d’abord très inquiète sur son âme ; mais un jour, je trouvai avec douleur que ses convictions paraissaient s’être entièrement évanouies.

Je demandai à cette femme ce qui lui était arrivé : elle me dit qu’elle avait passé une après-midi en tel endroit, parmi quelques personnes qui passaient pour religieuses, ne pensant pas que pareille chose pourrait détruire ses convictions. Mais ces gens furent légers et folâtres, et toutes ses précédentes impressions furent perdues. Je ne doute pas que ces chrétiens de nom n’aient détruit une âme par leur folie ; car ses convictions ne revinrent pas.

Ce que Dieu demande de l’Église, c’est d’user des moyens adaptés à la conversion des pécheurs.

On ne peut pas dire proprement que les pécheurs usent de ces moyens pour leur propre conversion ; c’est l’Église qui le fait ; l’action des pécheurs consiste à se soumettre à la vérité ou à lui résister. C’est une erreur de leur part quand ils croient user de certains moyens pour leur propre conversion. Tout l’attirail d’un réveil, et tout ce qui s’y rapporte a pour but de présenter la vérité à l’esprit des pécheurs : eux, ne font qu’obéir ou résister.

Remarques additionnelles

1° Précédemment, et jusqu’à ces derniers temps, on regardait les réveils comme des miracles.

Quelques-uns ont à ce sujet des idées si fausses, que s’ils voulaient seulement prendre la peine de penser, ils en reconnaîtraient l’absurdité. On s’imaginait que la conversion des âmes était une interposition du pouvoir d’en haut, avec laquelle on n’avait rien à faire, et qu’on ne pouvait pas plus produire qu’on ne peut produire le tonnerre, la grêle ou un tremblement de terre. Il n’y a que peu d’années que les ministres comprennent qu’un réveil s’opère aussi bien qu’autre chose par les moyens destinés à le produire, et qu’il n’en est pas de cette grâce de Dieu comme d’une ondée qui arrive sur une ville ou sur l’autre, sans qu’on puisse rien faire pour la produire.

J’ai même entendu exprimer à ce sujet les idées les plus étranges : que, par exemple, un réveil n’avait guère lieu qu’environ tous les quinze ans ; qu’alors Dieu convertissait tous ceux qu’il voulait sauver ; puis qu’il fallait attendre ensuite jusqu’à ce que vînt un nouveau temps de moisson. Ensuite on a abrégé le terme, et on a parlé de cinq ans. J’ai entendu parler d’un pasteur qui avait embrassé cette singulière et malheureuse idée. Il y avait eu un réveil dans son troupeau ; l’année après, il y en eut un dans une ville voisine : Il s’y rendit pour y prêcher ; et pendant quelques jours, son cœur se voua tout entier à cette œuvre ; puis il retourne chez lui le samedi et se prépare à la prédication du lendemain.

Son âme était dans l’angoisse, il savait combien il y avait encore dans son troupeau de personnes inconverties et ennemies de Dieu. Tant de personnes, se disait-il, meurent toutes les années ; s’il ne vient un réveil que tous les cinq ans, pensait-il, voilà tant et tant de chefs de famille qui seront en enfer ! Il met son calcul sur le papier et l’introduit dans son sermon, le cœur saignant devant un tableau semblable. Si j’ai bien compris l’histoire, il ne fit point cela dans l’attente d’un réveil, mais uniquement pour répandre la douleur de son cœur devant son troupeau. Or, ce sermon amena à la repentance quarante chefs de famille, il s’ensuivit un brillant réveil, et toute sa théorie d’un réveil en cinq ans fut mise à la confusion. C’est ainsi qu’en général, Dieu a renversé la théorie que ces réveils sont des miracles.

2° De fausses notions sur la souveraineté de Dieu ont généralement fait obstacle aux réveils de l’Église. On a supposé que cette souveraineté était un arrangement si arbitraire des événements, et que le don du Saint-Esprit surtout était si peu à notre disposition, qu’il nous était impossible de rien faire pour en provoquer une effusion générale. Mais ni la Bible, ni les faits n’établissent une pareille souveraineté de Dieu. Tout nous montre que dans la nature et dans la grâce, Dieu a lié les moyens avec la fin. Il n’y a pas un seul événement naturel dans lequel n’intervienne son action. Il n’a point bâti ce monde comme une vaste machine qui puisse marcher seule sans qu’il continue de s’en occuper. Il ne s’est nullement retiré de l’univers pour laisser toutes choses s’arranger d’elles-mêmes ; de pareilles idées sont un pur athéisme.

D’un côté, il intervient en tout ; de l’autre, il a établi partout des moyens pour atteindre un but. C’est donc bien faussement qu’on voit des gens concevoir un tel effroi à toute idée d’effort que l’on ferait pour produire un réveil. « Vous voulez », s’écrient-ils, « tenter un réveil dans votre propre force ; prenez garde de vouloir empiéter sur la souveraineté de Dieu ; marchez humblement dans le cours ordinaire, et laissez Dieu amener un réveil quand il le jugera bon. C’est une folie à vous de vouloir le produire, par cela seul qu’il vous semble nécessaire à vous, etc ». C’est précisément le genre de principes et de prédication qui convient au diable ; les hommes ne peuvent faire l’œuvre du diable d’une manière plus efficace qu’en prêchant ainsi la souveraineté de Dieu comme une raison pour ne rien faire.

3° Une des causes qui empêchent bien des hommes de désirer un réveil et d’y travailler, ce sont les excès ou les abus qui ont quelquefois accompagné une forte excitation religieuse. Sans doute, il y a eu des abus de ce genre. Dans tous les grands mouvements religieux, comme en tout autres, on peut s’attendre à plus ou moins d’inconvénients et d’abus accidentels. Mais ce n’est nullement une raison d’abandonner la chose même. Les meilleures choses, on l’a dit mille fois, ont leurs abus ; mais ces maux et ces abus qu’on peut prévoir n’ont jamais été considérés comme une raison suffisante d’abandonner un travail sage en lui-même.

L’expérience montre que dans l’état actuel du monde, la religion ne peut se propager avec quelque force et quelque étendue sans réveil. Les abus purement accidentels qui accompagnent quelquefois un mouvement de ce genre sont bien peu de chose lorsque nous les comparons au résultat général ; l’Église ne devrait pas admettre, pour un seul moment, l’idée qu’elle puisse se passer de réveil ; cette pensée est l’ennemie la plus prononcée des intérêts de Sion, la mort de la cause des missions : Elle aurait pour suite la damnation du monde.

Enfin, j’ai à vous faire une proposition, à. vous tous qui assistez à cette séance. Je n’ai point commencé cette suite de discours sur les réveils pour bâtir sur ce sujet une théorie curieuse et de mon invention. Je ne voudrais point dépenser mon temps et mes forces uniquement à vous apprendre quelque chose, à satisfaire votre curiosité et à vous fournir un sujet de conversation. Je ne pense nullement à faire de simples prédications sur les réveils, de manière que vous puissiez dire à la fin : « Nous savons maintenant ce que c’est qu’un réveil », et qu’après tout vous restiez sans rien faire à cet égard.

Je désire vous présenter cette question : Dans quel but venez-vous entendre des discours sur les réveils ? Votre intention est-elle, lorsque vous aurez appris votre devoir à ce sujet, de vous mettre à l’œuvre et à la pratique ? Voulez-vous suivre les instructions que je vous donnerai d’après la parole de Dieu, et les appliquer à vos propres cœurs ? Voulez-vous les appliquer à vos familles, à vos connaissances, à vos voisins et dans toute la ville que vous habitez ? Ou penseriez-vous, au contraire, employer cet hiver à vous instruire et à jaser au sujet des réveils, sans agir ?

Je désire qu’à mesure que vous apprendrez quelque chose, vous vous mettiez à l’œuvre pour voir si vous ne pouvez contribuer à produire ici un réveil parmi les pécheurs. Si vous n’êtes pas dans l’intention de le faire, veuillez me le dire dès l’abord, afin que je ne me donne pas une peine inutile. C’est maintenant, et pas plus tard, que vous devez décider ce que vous pensez faire à cet égard.

Vous savez que nous appelons les pécheurs à décider sur le champ même s’ils veulent obéir à l’Évangile, oui, ou non ; et nous n’avons pas plus le droit de vous donner du temps pour délibérer si vous voulez obéir à Dieu, vous, que nous n’avons ce droit à l’égard des pécheurs déclarés. Nous vous appelons donc à vous unir maintenant pour prendre devant Dieu l’engagement solennel que vous ferez votre devoir à mesure que vous le reconnaîtrez, et que vous le prierez de répandre son Esprit sur cette Église et sur toute la ville pendant cet hiver.

 

Arthur KatzUn message de Charles Finney
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