La vie plus profonde.2
Qu’est-ce que la vie plus profonde ? - Tant que nous n’avons pas obéi aux commendemants, nous n’en avons fait aucun cas. Les avoir entendus sans y obéir est infiniment pire que de ne les avoir jamais entendus.
Imaginez qu’un être céleste, ayant connu depuis sa création la félicité parfaite de demeurer dans la présence de Dieu, apparaisse sur la terre et vive un moment parmi nous, chrétiens. Ne pensez-vous pas qu’il pourrait être étonné de ce qu’il verrait ? Par exemple, il pourrait se demander comment nous pouvons nous contenter du niveau si bas de notre expérience spirituelle. Après tout, nous avons dans nos mains un message de Dieu qui, non seulement nous invite à entrer dans une sainte communion avec lui, mais encore, qui nous donne des instructions détaillées sur le moyen d’y parvenir.
Après avoir joui intensément d’une communion intime avec Dieu, comment un tel être pourrait-il comprendre l’esprit superficiel et aisément satisfait, qui caractérise la plupart des évangéliques d’aujourd’hui ? Et si notre ange hypothétique a connu des âmes ardentes telles que Moïse, David, Ésaïe, Paul, Jean, Étienne, Augustin, Rolle. Rutherford, Newton, Brainerd et Faber, il pourrait conclure logiquement que les chrétiens du vingtième siècle ont mal compris quelque doctrine essentielle de la foi et, par là même, qu’ils sont restés au seuil d’une véritable connaissance de Dieu.
Et qu’en serait-il si, assistant aux réunions quotidiennes d’une de nos conventions chrétiennes habituelles, il notait les extravagantes prétentions que nous, chrétiens, nous formulons à notre endroit et les comparait avec nos expériences spirituelles réelles ? Il conclurait sûrement qu’il y a une sérieuse contradiction entre ce que nous croyons être et ce que nous sommes réellement. Les prétentions que nous sommes fils de Dieu, membres du Corps de Christ et enfants de la nouvelle création, ressuscités avec le Christ et assis avec lui dans les lieux célestes, et habités par l’Esprit qui régénère, sont démenties par tant de nos attitudes et notre conduite, et surtout, par notre manque de ferveur et l’absence d’un esprit d’adoration.
Si notre visiteur céleste faisait remarquer la grande contradiction qui existe entre nos croyances doctrinales et notre vie, il pourrait être aimablement éconduit, avec l’explication qu’il ne s’agit là que d’un décalage normal entre notre position céleste inébranlable, et notre expérience terrestre inévitablement vacillante. Il serait alors certainement stupéfait que, faits jadis à l’image de Dieu, nous puissions nous permettre de jouer avec les mots et de badiner avec nos propres âmes.
N’est-il pas significatif que, de tous les chrétiens qui défendent la position évangélique, ceux qui font le plus grand cas de Paul sont souvent les moins pauliniens en esprit ? Il y a une très grande différence entre une confession de foi paulinienne et une vie paulinienne.
Certains d’entre nous qui ont, pendant des années, observé la scène chrétienne avec bienveillance se sentent poussés à paraphraser les paroles de la condamnée et à s’écrier : « Paul ! Paul ! Que de crimes ont été commis en ton nom ! » (Mme Rolland qui, sur le chemin de l’échafaud, s’écria : « O Liberté ! Que de crimes on commet en ton nom »). Des dizaines de milliers de croyants, qui se vantent de bien comprendre les épîtres aux Romains et aux Éphésiens, ne peuvent dissimuler la contradiction flagrante qui existe entre leur cœur et le cœur de Paul.
Voici la différence : Paul cherchait, trouvait et cherchait encore. Eux, ils cherchent et trouvent et ne cherchent plus. Après avoir « accepté » le Christ, ils ont tendance à substituer la logique à la vie et la doctrine à l’expérience.
Pour eux, la vérité devient un voile qui leur cache la face de Dieu. Pour Paul, c’était une porte donnant accès à la présence même de Dieu. L’esprit de Paul était celui du chercheur passionné. Il explorait les collines célestes pour découvrir l’or d’une connaissance personnelle de Dieu. De nos jours, beaucoup se réclament de Paul, mais ne le suivent pas dans son ardente recherche de la réalité de Dieu. Ne seraient-ils Pauliniens que de nom ?
Si Paul prêchait aujourd’hui.
Avec les paroles « …afin de connaître Christ… » (Philippiens 3 v. 8 à 11). Paul faisait taire les gémissements et les revendications de la chair, et s’élançait vers la perfection. Il considérait tout gain comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, le Seigneur, et il ne regardait pas aux souffrances ni à la mort, si cela devait le conduire à une meilleure connaissance de son Sauveur et Seigneur. Pour lui, la conformité au Christ n’était jamais trop coûteuse. Il soupirait après Dieu comme la biche soupire après les courants d’eau et la froide raison n’influençait guère ses sentiments.
Certainement, bien des excuses prudentes, mais indignes, auraient pu être avancées pour ralentir sa marche et nous les avons toutes entendues : « Surveille ta santé », l’avertit un ami prudent ; « il y a danger que tu ne deviennes mentalement déséquilibré », dit un autre ; « tu vas te faire une réputation d’extrémiste », s’écrie un troisième ; et un docteur professeur d’enseignement biblique, avec plus de théologie que de soif spirituelle, s’empresse de rassurer qu’il n’y a rien de plus à chercher : « Tu es accepté dans le Bien-Aimé » dit-il, « et béni de toutes les bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ. Que veux-tu de plus ? Tu n’as qu’à croire et attendre le jour de sa victoire ».
C’est ainsi qu’on exhorterait Paul s’il vivait parmi nous aujourd’hui, car telle a été la manière dont les saintes aspirations des croyants ont été étouffées, alors qu’ils s’élançaient à la rencontre de Dieu, dans une intimité croissante avec lui. Mais, connaissant Paul comme nous le connaissons, nous pouvons supposer qu’il ne tiendrait pas compte de ces piètres conseils d’opportunisme, et courrait vers le but pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ. (Philippiens 3 v. 14) Et nous ferons bien de le suivre.
Quand l’apôtre s’écrie « …afin de connaître Christ… », il emploie le mot « connaître », non dans son sens intellectuel, mais dans son sens expérimental. Nous devons chercher sa signification, non dans l’intellect, mais dans le cœur. La connaissance théologique est une connaissance sur Dieu. Si elle est indispensable, elle n’est pas suffisante. Elle est au besoin spirituel de l’homme ce qu’un puits est au besoin de son corps. Ce n’est pas après la cavité creusée dans le roc que soupire le voyageur poussiéreux, mais après l’eau douce et fraîche qu’elle procure.
Ce n’est pas une connaissance intellectuelle sur Dieu qui étanche l’éternelle soif du cœur de l’homme, mais la personne et la présence de Dieu lui-même. Elles viennent à nous par la doctrine chrétienne, mais elles sont plus que la doctrine. Les vérités chrétiennes sont destinées à nous conduire dans la vie de Dieu, non à en être des substituts.
Une aspiration nouvelle parmi les évangéliques.
Ces derniers temps, on peut constater dans le cœur d’un nombre croissant d’évangéliques, un désir nouveau d’approfondissement spirituel.
Cependant, nombre d’entre eux se tiennent à l’écart et soulèvent des objections qui dénotent de l’incompréhension, de la crainte ou tout simplement de l’incrédulité. Ils font remarquer le névrosé, le psychotique, le sectaire pseudo chrétien et le fanatique déréglé et les confondent, sans aucune discrimination, avec les disciples de la « vie plus profonde ».
Ceci est complètement absurde, bien sûr, et le fait qu’une telle confusion existe, oblige ceux qui défendent la vie remplie de l’Esprit, à définir leurs termes et à expliquer leur position. Alors, que voulons-nous dire et que défendons-nous ?
En ce qui me concerne, mon seul souci est de ne prêcher rien d’autre que le Christ et le Christ crucifié. Pour que j’accepte une doctrine, ou même une accentuation sur tel ou tel point de doctrine, je dois être persuadé qu’elle est biblique et tout-à-fait dans l’esprit apostolique. Et elle doit être en parfaite harmonie avec ce que l’Église historique a produit de meilleur, et dans la tradition des ouvrages pieux les plus remarquables, de l’hymnologie la plus vibrante et des expériences les plus édifiantes que les biographies de chrétiens nous rapportent.
Une telle doctrine ou une telle accentuation sur un point de doctrine doit être conforme à l’ensemble de vérités qui nous ont donné des âmes saintes telles que Bernard de Clairvaux, Jean de la Croix, Molinos, Nicolas de Cuse, John Fletcher, David Brainerd, Reginald Heber, Evan Roberts, le général Booth et une foule d’autres âmes semblables qui, tout en étant moins douées et beaucoup moins connues, constituent ce que Paul Rees appelle, dans un autre contexte, « la semence de survie ».
C’est une heureuse expression car ce furent de tels chrétiens qui empêchèrent le christianisme de s’effondrer sous le poids de la médiocrité spirituelle qu’il était contraint de porter.
Parler de la « vie plus profonde », ce n’est pas parler de quelque chose de plus profond que la simple religion du Nouveau Testament. C’est plutôt insister pour que les croyants explorent les richesses que l’évangile chrétien contient sûrement, mais dont nous manquons aussi sûrement. La vie de profonde spiritualité n’est plus profonde que parce que la vie habituelle du chrétien est tragiquement superficielle.
De nos jours, ceux qui se font les avocats de la vie plus profonde, ne pourraient pas soutenir la comparaison avec la majorité des chrétiens qui entouraient l’apôtre Paul ou l’apôtre Pierre. Il se peut qu’ils n’aient pas fait beaucoup de progrès jusqu’à présent, mais leurs visages sont cependant tournés vers la lumière et ils continuent de nous faire signe. Il est difficile de comprendre comment nous pouvons justifier notre refus de répondre à leur appel.
Ce que les défenseurs de la vie plus profonde nous disent, c’est que nous devons progresser pour jouir, dans une expérience intime avec Dieu, des éminents privilèges qui sont nôtres en Jésus-Christ ; que nous devons insister pour goûter la douceur d’une adoration intérieure, en esprit aussi bien qu’en vérité ; que, pour atteindre cet idéal, nous devons, si nécessaire, dépasser nos frères satisfaits, et attirer sur soi toute opposition qui pourrait s’en suivre.
L’auteur du célèbre ouvrage de piété « La nuit obscure » (sans doute St. Jean de la Croix), commence son petit livre par une prière qui est tout-à-fait dans l’esprit des tenants d’une « vie plus profonde » : « Seigneur, toi qui connais les cœurs et les plus secrètes pensées, je t’implore pour que tu purifies mon cœur de ses mauvaises intentions par le don ineffable de ta grâce, afin que je puisse t’aimer parfaitement et te louer dignement. Amen ».
Quel croyant vraiment né de l’Esprit, à moins qu’il n’ait été prévenu par un faux enseignement, peut s’opposer à une si complète purification du cœur qui le rendra capable d’aimer Dieu, parfaitement, et de le louer dignement ? Cependant, c’est exactement ce que nous entendons quand nous parlons de l’expérience d’une vie plus profonde. Nous voulons seulement dire qu’elle devrait être littéralement vécue dans le cœur et non pas simplement acceptée par l’intelligence.
Nicéphore, un Père de l’Église d’Orient, dans un petit traité sur la vie remplie de l’Esprit, commence par un appel qui ne nous paraît étrange que parce que nous avons été pendant si longtemps habitués à suivre Jésus de loin et à vivre au milieu de gens qui faisaient de même. « Toi qui désires saisir la merveilleuse illumination divine de notre Sauveur Jésus-Christ, qui aspires à ressentir le feu divin dans ton cœur, qui t’efforces d’éprouver la réconciliation avec Dieu, qui as renoncé à toute mondanité pour déterrer le trésor enfoui dans le champ de ton cœur et en prendre possession, qui désires que la lumière de ton âme brille dès maintenant d’un vif éclat, et qui souhaites connaître et recevoir consciemment le royaume de Dieu en toi, viens et je te communiquerai la science de l’éternelle vie d’en-haut ».
On pourrait multiplier de telles citations jusqu’à remplir une demi-douzaine de volumes. Aucune génération n’a jamais laissé complètement mourir cette aspiration vers Dieu. Il y en eut toujours qui méprisèrent les voies inférieures et qui s’obstinèrent à marcher sur les hautes avenues de la perfection spirituelle. Cependant, assez curieusement, le mot perfection ne signifiait jamais un sommet spirituel ni un état de pureté qui rendait la vigilance et la prière superflues. C’est le contraire qui était vrai.
Entendre et ne pas obéir.
Unanimement, les plus grands chrétiens ont rendu témoignage que plus ils s’approchaient de Dieu, plus ils avaient conscience de leur péché et de leur indignité personnelle. Les âmes les plus pures ne savent jamais combien elles sont pures, et les plus grands saints n’ont jamais pressenti combien ils étaient grands. Ils auraient rejeté comme une tentation du diable la pensée même qu’ils étaient bons et grands.
Ils étaient si absorbés dans la contemplation de la face de Dieu qu’ils passaient bien peu de temps à se regarder. Ils avaient le sentiment de se trouver pris entre deux vérités paradoxales : se savoir purifiés par le sang de l’Agneau, et cependant, se sentir dignes de la mort et de l’enfer. Ce sentiment est fort dans les écrits de Paul. On peut le trouver aussi dans presque tous les livres de piété et parmi les cantiques les plus beaux et les plus aimés.
La qualité du christianisme évangélique doit être grandement améliorée si le présent intérêt, inhabituel pour la religion, ne laisse pas l’Église pire qu’elle n’était avant l’apparition de ce phénomène. Si nous écoutons, je crois que nous entendrons le Seigneur nous dire ce qu’il a dit jadis à Josué : « Lève-toi, passe ce Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que Je donne aux enfants d’Israël » (Josué 1 v. 2) ; ou l’auteur de l’épître aux Hébreux nous encourager « à laisser les éléments de la parole du Christ pour tendre à ce qui est parfait » (Hébreux 6 v. 1). Et nous entendrons sûrement Paul nous exhorter à être « remplis de l’Esprit » (Éphésiens 5 v. 18).
Si nous sommes assez vigilants pour entendre la voix de Dieu, nous ne devons pas nous contenter simplement de croire ce qu’elle dit.
Comment peut-on croire un commandement ? Les commandements sont faits pour être exécutés. Et tant que nous n’y avons pas obéi, nous n’en avons fait aucun cas. Les avoir entendus sans y obéir est infiniment pire que de ne les avoir jamais entendus, particulièrement à la lumière du prochain retour du Christ et du jugement à venir.