Qu'est-ce qu'un chrétien ?
Nous dirons, pour commencer, que nous conservons au mot « chrétien » le sens et la signification stricts que lui donne le Nouveau Testament.
Lorsque, dans les pays non-chrétiens, des hommes se convertissent à Christ, on dira volontiers qu'ils « ont accepté le christianisme » ; et dans les pays appelés chrétiens, on dit souvent de ceux qui ont fait l'expérience de la conversion, qu'ils « sont devenus religieux ». De telles expressions, avec l'idée qu'elles renferment, sont fondamentalement fausses et absolument inadéquates. Il n'y avait pas sur la terre en son temps d'homme plus religieux que Saul de Tarse.
Ce qu'un chrétien n'est pas
Devenir chrétien, ce n'est pas devenir religieux, ni adopter une nouvelle religion.
Relisons ce qu'il dit de lui-même dans les chapitres 22 et 26 du livre des Actes, comme au chapitre 3 de l'épître aux Philippiens. Nous trouvons là un homme brûlant de passion et de zèle religieux. Nous n'avons besoin d'aucun argument, puisque nous avons devant nous l'histoire, pour prouver combien la religion peut s'éloigner de son but ; et cela est vrai du « christianisme », lorsqu'il reste simplement une religion.
Être un vrai chrétien, ce n'est pas accepter une confession de foi ou une doctrine ; ce n'est pas non plus observer certains rites et sacrements, ni assister à certaines réunions, ni remplir certaines fonctions ; ce n'est pas se conformer avec plus ou moins de diligence à un genre de vie imposé ou présenté. Cette attitude peut être poussée très loin et accompagnée de beaucoup de bonnes œuvres, mais ceux qui s'en contentent ne seront jamais de vrais chrétiens du Nouveau Testament.
Le danger de vouloir prétendre à l'approbation de Dieu peut conduire à cette désillusion amère annoncée par notre Seigneur lui-même dans ces paroles saisissantes : « Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé par ton nom ? N'avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? Et n'avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité » (Matthieu 7 v. 22 et 23).
Non, la religion ne signifie pas christianisme. Aussi, lorsque nous désirons que les hommes deviennent chrétiens, ne leur demandons pas de changer de religion, ni de devenir religieux. La religion en elle-même n'a jamais rendu ce monde ni meilleur, ni plus heureux.
Devenir chrétien, ce n'est pas se rattacher à une institution appelée « l'Église ».
Si seulement on comprenait que l'on ne peut pas se joindre de l'extérieur à l'Église chrétienne. Nous ne faisons jamais rien, ni en paroles ni en actes, pour que nos membres fassent partie de notre corps. II n'y a aucune distinction entre nos membres et notre corps ; nos membres sont une partie de notre corps ; ils le sont, non par le moyen d'une organisation, d'une invitation, d'un examen, d'un interrogatoire, d'un catéchisme, etc., mais par la vie. Si cette relation vivante entre les membres n'existe pas, aucune organisation ne peut constituer l'Église du Christ.
Répétons-le encore : Lorsque nous engageons quelqu'un à devenir chrétien, nous ne l'invitons pas à « se rattacher à l'Église ». Et il faut comprendre que le christianisme n'est pas une institution nouvelle, ni une société nouvelle. On peut aller dans beaucoup de lieux appelés « églises », sans jamais y rencontrer Christ, et sans y trouver sa satisfaction
Devenir chrétien, ce n'est pas faire partie d'un nouveau mouvement.
Il est vrai que, en un sens, le christianisme est un mouvement ; c'est un mouvement divin. Mais beaucoup de personnes conçoivent le christianisme comme une vaste entreprise destinée à l'amélioration, ou même à l'évangélisation du monde. On fait souvent un appel, invitant les gens à venir s'associer à cette grande « œuvre ». Il y a, chez la plupart des hommes, quelque chose qui répond à un appel comme celui-là, et qui les incite à s'engager dans un grand mouvement.
Mais raisonner de cette manière, c'est aller au-devant de difficultés, pour se trouver tôt ou tard dans une position fausse. Moïse avait eu l'idée d'un « mouvement », lorsqu'il était en Égypte, mais il connut quarante ans d'inaction dans le désert. C'est de Dieu que doit venir ce mouvement, et non de nous-mêmes. Ce qui donne au mouvement sa plus grande valeur, lorsque l'heure de Dieu est venue, c'est le fait que nous avons appris à ne pas marcher sans Christ.
Nous ne vous invitons pas à vous rattacher à un mouvement. Nous ne nous adressons pas à la jeunesse pour lui dire : « Il y a ici quelque chose où vous pouvez employer toutes vos forces naturelles et votre jeune enthousiasme ! » Nous dirons simplement : « Dieu a un dessein ; il s'intéresse à vous pour l'accomplissement de son plan. Vous aurez besoin, pour cela, d'une puissance infiniment plus grande que vos forces naturelles ou votre jeune enthousiasme ; mais, vous ne pourrez jamais connaître ce dessein, ni entrer dans ce plan, avant qu'une œuvre se soit accomplie en vous, qui ait fait de vous une nouvelle créature ! »
Cela nous amène au côté positif : Ce qu'est un chrétien !
Pour montrer ce qu'est réellement un chrétien, nous ne pouvons faire mieux que de rappeler celui qui, non seulement fut lui-même un grand exemple, mais dont l'expérience a été celle de tout chrétien véritable après lui. Nous parlons de celui à qui un « roi » romain adressa les paroles qui sont en tête de cette brochure, c'est-à-dire de l'apôtre Paul. Bien que la forme de sa conversion ne soit ni habituelle, ni générale, les principes restent toujours les mêmes. Voici donc les trois premiers principes d'une vie chrétienne véritable.
La révélation intérieure que Jésus est une personne vivante.
Les toutes premières paroles de Paul, lorsqu'il fut arrêté par Christ sur le chemin de Damas furent : « Qui es-tu, Seigneur ? » La réponse à cette question fut nette et puissante : « Je suis Jésus » ! C'était pour Paul une découverte saisissante, et il aurait bien pu s'écrier : « Comment ! Jésus est vivant ! » Jésus avait été mis à mort, crucifié. Il ne restait plus qu'à effacer sa mémoire et détruire ce qui le représentait.
C'était à cette œuvre que Paul s'était consacré. Il nous est donc facile d'imaginer quel choc se fut pour lui d'être mis, personnellement, en présence du fait que Jésus n'était pas mort, mais qu'il était vivant, et dans la gloire, non seulement en présence du fait, mais de la personne elle-même. Tout ce que cela impliquait et signifiait a constitué, dès lors, l'enseignement chrétien de tous les siècles.
Mais pour ceux à qui sont adressées ces lignes, nous pouvons résumer tout cela très simplement : Nous commençons notre vie chrétienne par une expérience de cette réalité vivante. Non pas un Jésus historique, mais un Jésus connu intérieurement dans le cœur. Qu'il soit réellement vivant, c'est ce que nous devons savoir par expérience, et c'est la question la plus sérieuse en ce qui concerne notre destinée éternelle. Il nous faut abandonner nos traditions, nos préjugés, nos doutes, nos questions, nos problèmes intellectuels, et nous agenouiller tranquillement pour lui parler, à lui bien qu'invisible, comme à une personne que nous voyons, lui dire, dans la sincérité de notre cœur, ce que nous lui dirions si nous le voyions face à face.
Le premier pas à faire, c'est de lui parler vraiment comme à une personne. C'est entrer dans une voie de découverte. Il nous est dit, dans le Nouveau Testament, que l'Esprit de Dieu est à l'œuvre dans le monde, pour amener les hommes à faire cette découverte, et leur faire comprendre que Jésus vit pour sauver et pour être notre vie même. Tout découle de cette merveilleuse révélation que Jésus est vivant, accordée au cœur qui croit et qui met honnêtement ce fait à l'épreuve.
Il n'y a réellement qu'un seul moyen de connaître Jésus, c'est de venir à lui. Il peut paraître vain et étrange de parler de l'existence de quelqu'un dont nous n'avons aucune preuve ; mais n'en est-il pas ainsi dans bien d'autres cas ? Vous avez entendu parler d'un médecin. Tout ce que l'on vous a dit de lui vous prouve qu'il est la personne dont vous avez besoin. Allez-vous dire que vous ne croyez pas à l'existence d'un tel homme ? Direz-vous que, selon des preuves évidentes, il vient d'être mis à mort ? Ou bien irez-vous jusqu'à sa demeure pour voir l'homme dont on vous a parlé, mais pour lui dire aussitôt que vous ne croyez pas qu'il soit médecin ? Si vous faites cela, ou bien votre cas n'est pas grave, ou bien vous allez mettre en question ce qu'il présente de sérieux. Si vous avez réellement conscience de votre besoin, la première chose que vous ferez, ce sera d'aller chez le médecin, et de lui exposer votre cas en lui disant :
« On m'a dit que vous pourriez m'aider, et je vous prie de le faire. Le fait que je viens à vous correspond à une requête et à un abandon sincères et honnêtes de ma part en dépit de mes hésitations ! »
Mon ami, Jésus-Christ, a toujours été prêt à répondre à une approche comme celle-là. Cette révélation ne fait pas de vous un chrétien, mais la découverte que Christ est une réalité vivante est le premier pas dans la vie chrétienne. C'est une épreuve en même temps qu'un témoignage.
La seconde étape, pour Paul comme pour toute vie chrétienne véritable.
Elle est résumée par une phrase : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » (Actes 9 v. 6). Cette attitude représente une nouvelle position et une nouvelle relation. Combien différentes de celles du vieux Saul ! Il avait eu jusqu'alors une vie et une activité dont la source était en lui-même. Il faisait ce qu'il pensait, ce qu'il projetait, décidait, voulait, déterminait et désirait lui-même.
L'autonomie avait caractérisé sa vie, bien qu'il ait pu dire qu'il agissait pour une bonne cause, pour Dieu même. Quel exemple nous donne Paul d'un homme profondément aveuglé ! Il ne voit pas que ses intentions les meilleures, et sa consécration à ce qu'il croit être les intérêts de Dieu, font le plus grand tort à Dieu même. Il nous est montré ici, avec évidence, que l'élément essentiel dans une vie vraiment acceptable pour Dieu, c'est la souveraineté absolue de Jésus-Christ.
Paul emploie pour la première fois, lors de sa conversion, ce mot « Seigneur », qui sort spontanément de son cœur dès qu'il réalise que Jésus vit. Et à partir de ce moment, Jésus est son Seigneur, son Maître. Nous savons, par toute sa vie, combien absolus ont été cet abandon et ce changement de gouvernement. Tout désormais sera vécu sur la base de « Que dois-je faire ? ».
C'est la marque d'une vraie vie chrétienne, lorsque, à la suite de la même révélation intérieure et du même abandon de nous-mêmes, nous disons à Jésus « Seigneur », et que notre vie tout entière est gouvernée par lui, qui en est le Maître.
Une autre caractéristique de la vie chrétienne.
Elle nous est indiquée par les paroles adressées à Paul par Ananias : « Le Seigneur Jésus... m'a envoyé, pour que tu... sois rempli de l'Esprit Saint » (Actes 9 v. 17).
L'aboutissement de cette œuvre fondamentale, par laquelle nous devenons chrétiens dans le vrai sens du mot, c'est que tout ce qui est vrai de Christ devient pour nous une réalité intérieure. Nous ne pouvons pas rencontrer toutes les puissances terribles du mal qui s'opposeront à nous, nous ne vivrons jamais une vie triomphante, n'accomplirons jamais un service efficace, et ne pourrons jamais satisfaire réellement Dieu par nos propres forces.
Seul Christ peut vraiment satisfaire Dieu ; seul Christ peut accomplir la volonté de Dieu et l'œuvre de Dieu. Seul Christ peut vaincre les forces spirituelles du malin. Oui, seul Christ peut réellement vivre la vie chrétienne. C'est pourquoi, la réalité suprême et glorieuse d'un chrétien, c'est Christ lui-même EN NOUS ! Paul a exprimé plus tard cette vérité en ces termes : « … à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir : Christ en vous, l'espérance de la gloire » (Colossiens 1 v. 27).
Il n'y avait jamais eu rien de semblable à cela avant que Christ fût mort, ressuscité et glorifié. Ainsi, notre question – « Qu'est-ce qu'un Chrétien ? » – trouve sa réponse en trois principes de base :
- Réaliser que Jésus est vivant.
- L'introniser comme le Seigneur absolu.
- Le posséder, lui, comme une présence et une puissance intérieures, par le Saint-Esprit.
Le témoignage d'un vrai chrétien doit toujours être : « Il vit, il vit. Jésus vit aujourd'hui. Je sais qu'il est tout près de moi. Sur le chemin étroit. Il vit, il vit. Toujours il me conduit. Et je puis dire par la foi : Je sais qu'il vit en moi ! »
« Et Agrippa dit à Paul : Tu vas bientôt me persuader de devenir chrétien ! » (Actes 26 v. 28).
« Nous tombâmes tous par terre, et j'entendis une voix qui me disait en langue hébraïque : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il te serait dur de regimber contre les aiguillons » (Actes 26 v. 14).
Les paroles ci-dessus adressées, dans le premier cas par un roi sous l'Empire romain, et dans le second cas par Jésus de Nazareth, au même homme, Saul de Tarse, devenu plus tard Paul l'Apôtre, contiennent les traits essentiels d'une expérience chrétienne véritable. Ce Paul était le type d'un vrai chrétien, par la manière dont il devint chrétien, en même temps que par sa vie de chrétien.
Beaucoup d'entre nous ne sommes pas devenus chrétiens par la même forme de conversion, ou à la suite des mêmes circonstances ; nous ne sommes pas tombés à terre, frappés par une lumière aveuglante, tandis que nous étions en voyage, nous n'avons pas entendu une voix venant du ciel et nous appelant par notre nom ; et cependant les principes restent toujours les mêmes. Examinons donc ces paroles, afin d'y retrouver ces principes.
Quelque chose d'absolument personnel.
« J'entendis une voix qui me parlait... Saul, Saul... ». Il y avait d'autres voyageurs qui accompagnaient Paul ce jour-là ; combien, nous ne le savons pas. Paul, en parlant d'eux, dit : « …tous »; « nous tombâmes tous à terre ». Cela semble indiquer un certain nombre. Mais Saul avait été désigné ; et ce qui se passa alors fut si personnel que se fut comme s'il eût été le seul homme sur la terre. Il parIera toujours dans la suite de son expérience comme d'une affaire très personnelle. Ce qui en ressort, c'est que Christ le connaissait par son nom, et qu'Il savait tout ce qui se passait en lui.
C'est un fait, et un fait que nous devons réaliser : Dieu s'intéresse personnellement à nous, et prend soin personnellement de nous. L'auteur avait un ami qui visitait les hôpitaux militaires. Il portait toujours sur lui, dans sa poche, quelques textes bibliques pour les distribuer aux hommes qui pourraient avoir besoin d'un passage de la Parole de Dieu. Avant de se mettre en route, il demandait à Dieu de le guider, afin que chaque homme reçoive le texte dont il avait besoin.
Au cours d'une de ses visites, il entra dans une salle d'hôpital, en fit le tour des yeux, et aperçut dans un coin un lit contenant une forme enveloppée de bandages, dont seuls le nez, la bouche et les oreilles étaient découverts. Il allait s'approcher du lit, lorsque l'infirmière lui dit que c'était inutile ; l'homme était trop mal pour qu'on lui parle. Mon ami s'arrêta un instant, puis il se décida à poser un texte sur les mains bandées. Il le fit sans regarder le texte qu'il laissait. Comme il s'éloignait du lit, une voix étouffée murmura :
- « Qu'est-ce que c'est ?
- Oh! Dit mon ami, c'est seulement un passage de la Parole de Dieu.
- Que dit-il ? Demanda le mourant.
- Je vais voir ; oui, voici. Il est dit : « Mon fils, donne-moi ton cœur ».
- Qui a dit cela ? demanda le soldat.
- C'est un passage de la Parole de Dieu, de la Bible !
- Relisez-le, dit le blessé.
- « Mon fils, donne-moi ton cœur ».
Il y eut un moment de silence, puis :
- « Ne m'avez-vous pas dit que c'était dans la Bible ?
- Oui, et c'est Dieu qui vous le dit ».
Le soldat poussa un soupir, et il y avait une question dans ce soupir. Mon ami attendit un instant, puis il lui demanda ce qui l'inquiétait ou le surprenait. « Regardez la fiche qui est à la tête de mon lit », dit le soldat - Soldat N° ....................., Jacques mon fils.
Direz-vous que c'était un « hasard » ? Une « coïncidence ? » Cet homme allait passer dans l'éternité, et Dieu lui avait parlé en l'appelant par son nom. Dieu prend soin personnellement de chacun de nous ; et un vrai chrétien est celui qui est arrivé à entrer dans une telle relation personnelle avec Dieu, qu'il, ou qu'elle puisse dire, avec Paul : « J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi ; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi » (Galates 2 v. 20).
« J'entendis une voix qui me parlait... Saul, Saul... » Paul comprit que Christ connaissait son histoire secrète et intime. Ceux qui l'accompagnaient pouvaient voir ce qui se passait extérieurement: il se rendait à Damas dans une hâte violente. Il avait certains documents qui l'autorisaient à arrêter les chrétiens et à les amener enchaînés à Jérusalem. Il remplissait son rôle avec ardeur, et ceux qui l'entouraient pouvaient attribuer cela à son zèle religieux. Mais il y avait en-haut, quelqu'un qui le connaissait vraiment. Il révéla cette connaissance, lorsqu'il lui dit : « Nous tombâmes tous par terre, et j'entendis une voix qui me disait en langue hébraïque : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il te serait dur de regimber contre les aiguillons » (Actes 26 v. 14).
Il était donc en réalité comme un bœuf attelé à une charrue, qui se refusait à marcher dans une certaine direction, et qui, dirigé contre son gré, se cabrait et se rebellait contre cet aiguillon. L'opinion de Dieu sur Paul était différente de celle que les autres pouvaient avoir de lui, et combien elle différait de ce qu'il s'efforçait de croire lui-même ! Mais celui qui est en-haut savait ce que Saul n'était prêt ni à admettre ni à accepter. Il nous voit jusqu'au fond de nous-mêmes, avec nos prétentions, nos illusions personnelles, et notre résistance !
La vérité, c'est que Saul n'était pas aussi sûr de lui-même, ni aussi sûr de l'imposture de Christ et de l'erreur du christianisme, qu'il aurait voulu le croire ou le faire croire. Quelque chose l'avait touché, et s'il cédait, cela lui coûtait sa position. Il lui fallait donc résister de toute sa force. Il se regimbait intérieurement, disant en fait : « Je ne veux pas de Christ ! Je ne veux pas de Christ ! Je ne veux pas être un chrétien ! »
Oui, Christ est une réalité, et tôt ou tard, il faudra que nous le rencontrions comme notre maître. Cela peut arriver à différents moments, et par des moyens différents. Ou bien nous pouvons le recevoir maintenant comme notre Seigneur et notre Sauveur et, comme Paul, vivre une vie de communion utile et profonde avec lui, une vie de service pour lui.
Ou bien, nous pouvons attendre la fin de notre vie. Mais cela signifiera alors pour nous le regret et la douleur inexprimables de n'avoir plus de vie ni de service à déposer à ses pieds. C'est une vie de communion avec lui manquée et éternellement perdue, dans le grand dessein qu'il accomplit dès ici-bas et dès maintenant. Ou bien, hélas, lorsque cette vie terrestre sera terminée, nous devrons le rencontrer, non plus comme notre avocat et notre ami, mais comme notre Juge.
Un jour, Dieu l'a résolu : « Au nom de Jésus se ploiera tout genou », mais son désir, c'est qu'il en soit pour chacun de nous, comme pour Paul : « Il te sera dit ce que tu dois faire ». Voilà ce que signifie être un chrétien.
Le christianisme n'est pas une religion, mais une personne.
« Pourquoi me persécutes-tu ? » demanda à Saul le Christ glorifié. Quelle idée ! Voici un homme qui se donne tout entier à sa dévotion religieuse. Il est convaincu – en ce qui concerne sa raison, si même il a dans son cœur quelque question secrète et embarrassante – qu'il doit faire ce qu'il fait dans les intérêts de la religion. Il est intérieurement un homme partagé, mais il écarte toutes les questions, et se consacre avec toute sa passion à la religion traditionnelle et, comme il le croit, à Dieu.
Et cependant, il agit contre Dieu, contre le Fils de Dieu, et contre le ciel ! Quel gâchis ! On pourrait en dire long à ce sujet - quant à la différence qu'il y a entre la religion et un chrétien authentique ; quant à la possibilité d'être passionnément dévot et dévoué à ce que l'on croit être de Dieu, ou pour Dieu, tout en étant un obstacle par cette dévotion même aux intérêts réels de Dieu. Il nous faut résoudre ce problème par une seule et unique réponse. Un chrétien n'est pas une personne qui soit plus ou moins religieuse.
Un chrétien n'est pas une personne qui ait accepté beaucoup de « tu dois » et de « tu ne dois pas ». Ce n'est pas sur une base comme celle-là que Dieu agit à notre égard. Il ne juge pas non plus les hommes sur la base du nombre ou de la nature de leurs péchés. La seule base de jugement est, et sera : « Que faisons-nous du Fils de Dieu, Jésus-Christ ? » Toute autre base serait injuste, parce que chacun selon sa naissance, sa formation, ses privilèges, son éducation, etc., est plus ou moins favorisé.
Dieu a envoyé son Fils, et par lui, nous sommes tous amenés à une seule et même position. Il est présenté comme le Seigneur et le Sauveur désigné par Dieu pour tous les hommes. Dieu ne demandera jamais, au jour du jugement : « Combien avez-vous commis de péchés ? - Quels péchés avez-vous commis ? » - mais : « Qu'avez-vous fait de mon Fils ? » Il n'est pas nécessaire de le rejeter violemment, ni de lutter activement et énergiquement contre Christ, comme le fit Saul pour le rejeter. Nous pouvons, au prix de la même perdition éternelle, le rejeter intérieurement, en lui disant : « Non », ou en nous fermant à lui. Point n'est besoin, pour périr, de jeter à terre le remède qui pourrait nous sauver. Il suffit de le laisser de côté sans le prendre.
Un chrétien est donc celui qui en est arrivé à comprendre que toutes les questions de vie et de mort, de péché et de justice, du ciel et de l'enfer, du temps et de l'éternité, sont résolues par une relation vivante, non pas avec une religion, une « église », une croyance, etc., mais avec la personne et l'œuvre de Jésus-Christ, le Fils de Dieu.